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Environnement

Captage de CO2 dans l'atmosphère, mythe ou réalité ?

La grande majorité des scénarios de limitation du réchauffement climatiques incluent le recours à des techniques de capture de dioxyde de carbone de l'atmosphère. Mais de quoi parle-t-on exactement ?

"Tous les scénarios qui limitent le réchauffement climatique à 1,5°C, avec un dépassement limité ou inexistant, incluent l’utilisation de 'Carbon Dioxide Removal' de l’ordre de 100 à 1000 gigatonnes de CO2 au cours du 21ème siècle". Dans son rapport rendu public début octobre, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) estime qu’il sera impossible de parvenir à la neutralité carbone d’ici 2050, point de passage obligé pour contenir la hausse des températures à des niveaux soutenables à la fin du siècle, sans recourir aux technologies d’émissions négatives.

De quoi parle-t-on ? 

La réduction des émissions de gaz à effet de serre mondiales, par le biais du développement des énergies propres et de l'abandon des fossiles par exemple, est une étape fondamentale mais insuffisante pour enrayer une hausse des températures dramatique. C'est pour cette raison qu'il faudra également produire dès 2030 des "émissions négatives", c'est-à-dire avoir recours à un ensemble de solutions qui permettent de capturer le surplus de dioxyde de carbone dans l'atmosphère. Avec pour objectif d'extraire plus de CO2 que ce que l'on y rejette. 

Comment procède-t-on ? 

Il existe aujourd'hui une grande diversité de technologies à émissions négatives (TEN) aux coûts et à l'efficacité variables, dont une partie est citée dans le rapport du GIEC. Parmi elles figurent le reboisement massif (afforestation/reforestation), la fertilisation des océans afin d'en augmenter les populations de phytoplanctons, adeptes de carbone, la production de biochar, un charbon de bois fabriqué à partir de matières végétales dont le bilan de carbone net est négatif, la bioénergie associée au captage et stockage du carbone (BECCS) ou encore le captage direct du CO2 de l’air en vue de le stocker ou de le transformer. 

Pourquoi est-ce que ça fait débat ? 

Les TEN sont aujourd'hui loin de faire l'unanimité auprès de la communauté scientifique pour diverses raisons qui vont de leur impact éventuel sur les écosystèmes aux dépenses gigantesques qu'il faudrait engager pour les déployer à l'échelle exigée. Les BECCS notamment, qui occupent une place capitale dans les scénarios du GIEC, ont fait l'objet de commentaires réguliers sur les problèmes qu'une telle technique suppose en termes d'usage des sols. Une étude de l'Université d'Exeter, au Royaume-Uni, estimait par exemple il y a encore quelques mois que la surface nécessaire pour faire pousser la biomasse nécessaire correspondrait à "deux fois la taille de l'Inde". 

Dans un rapport sur le sujet publié en février dernier, le Conseil scientifique des académies des sciences européennes (EASAC) pointait quant à lui le "potentiel réaliste limité" de ces méthodes, dont aucune n'est en mesure de retirer les milliards de tonnes de CO2 envisagés par le GIEC.

Les scénarios et les projections qui suggèrent que la contribution future des NET à l'élimination du CO2 permettra de répondre aux objectifs de Paris semblent optimistes sur la base des connaissances actuelles et ne devraient pas servir de base pour développer, analyser et comparer des scénarios de trajectoires énergétiques à long terme. L'UE compte sur les NET pour compenser les échecs d'atténuation adéquate des émissions, ce qui peut avoir de sérieuses implications pour les générations futures", EASAC

Plus globalement, certains craignent que le développement des TEN ne se fasse au détriment de la réflexion à mener en vue de changer de modèle. " (La géo-ingénierie) détourne l'attention de la nécessité de réduire les émissions" résumait en octobre 2017 Jean-Pascal van Ypersele, professeur à l'Université catholique de Louvain et ancien vice-président du Giec. "Retirer le CO2 donne l'illusion que nous pouvons continuer à utiliser les énergies fossiles indéfiniment".