L'Ademe, agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, pose le décor : votre téléphone ou ordinateur n'est "pas si 'smart' pour l'environnement"... Selon un rapport de fin 2018, la fabrication d'un ordinateur portable de 2 kilos mobilise la bagatelle de 800 kilos de matières premières (plastique, aluminium, cuivre, métaux ferreux...), et génère 124 kilos de CO2. À titre de comparaison, le ministère du développement durable chiffre les émissions de CO2 sur un aller-retour Paris-Amsterdam à 250 kilos de CO2 par personne en voiture, et 270 kilos en avion.
"Plus on miniaturise et complexifie les composants, plus on alourdit leur impact sur l'environnement", explique l'Ademe. En outre, "la plupart des composants sont fabriqués en Chine ou en Corée, dont l'électricité provient du charbon et pèse donc lourdement dans le changement climatique. Leur transport (en avion le plus souvent) vient encore alourdir le bilan". Sur le reste de sa vie, l'ordinateur de 2 kilos ne va générer que 45 kilos de CO2, selon les calculs de l'Ademe qui signale aussi qu'une box internet + TV consomme "autant qu'un grand réfrigérateur" sur un an.
Gare aux e-mails
La "dématérialisation" permise par le numérique ne doit pas faire oublier qu'Internet s'appuie sur des infrastructures bien physiques. Selon l'Ademe, un quart des émissions de gaz à effet de serre générées par le numérique sont le fait des centres de données (serveurs), contre 28 % pour les infrastructures réseaux, et 47 % pour les équipements clients.
Françoise Berthoud, ingénieure de recherche en informatique au CNRS, a donné en novembre 2018 un ordre de grandeur éloquent concernant le gaz à effet de serre rejeté par le secteur du numérique : il était considéré comme étant aussi émetteur que le secteur de l'aviation civile en 2013, et "si on continue, on pourrait être dans le même ordre de grandeur que l'automobile en 2025".
Dans ce contexte, le simple fait d'envoyer un e-mail n'est pas neutre: dans la même conférence, elle a expliqué que l'énergie nécessaire à l'envoi d'un e-mail de 1 Mo était de 25 Wh, pour 20 grammes d'équivalent CO2. A mettre en regard avec les prévisions d'un cabinet d'étude spécialisé, Radicati, selon lequel plus de 293 milliards de courriels seront échangés chaque jour en 2019.
Streaming glouton
L'impact du streaming, les vidéos accessibles en ligne, est aussi notable. Greenpeace, selon qui le secteur numérique représente quelque 7 % de la consommation mondiale d'électricité, estimait par exemple en 2017 dans le Parisien que le seul clip du tube de K-Pop "Gangnam Style", visionné 2,7 milliards de fois sur la planète, "a consommé l'équivalent de la production annuelle d'une petite centrale".
Or la vidéo représente 58 % du volume total de trafic "downstream" (des serveurs vers les appareils) sur internet, et Netflix 15 % à lui tout seul, selon une étude de l'entreprise d'équipement réseaux américaine Sandvine datée d'octobre 2018. Cette dernière faisait partie, en terme de "mix énergétique" des mauvais élèves identifiés par Greenpeace à cette date.
Une étude publiée en avril et menée conjointement par les universités de Glasgow et Oslo estime en outre que si, "du point de vue de la pollution plastique", l'utilisation globale a "diminué dans l'industrie du disque depuis l'apogée du vinyle", le développement du streaming musical "a entraîné des émissions carbone nettement plus élevées que ce ne fut jamais le cas dans l'histoire de la musique", a déclaré Kyle Devine, de l'université d'Oslo: cela représente entre 200 000 et 350 000 tonnes en 2016 aux États-Unis, contre 140 000 en 1977.
Applications plus ou moins sobres
Même la couche logiciel a un impact. La start-up nantaise Greenspector teste la consommation énergétique des applications mobiles. Réseaux sociaux, médias, courses en ligne... A chaque fois, elle compare l'impact "sur la consommation énergétique et sur les ressources, le CPU (processeur), les données mémoires", détaille à l'AFP Kimberley Derudder.
"Tout ça a un impact sur l'autonomie et la batterie, et donc sur la durée de vie de la batterie et du téléphone", explique-t-elle. Parmi les réseaux sociaux par exemple, Snapchat consomme beaucoup car "l'appareil photo est directement opérationnel", tandis que WhatsApp se distingue par un profil plus économe. Côté médias, l'application des Echos ou celle de Libération sont beaucoup plus sobres que celles de Sud Ouest ou du Parisien.
Avec AFP.