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Entreprises

La taxation à la française des géants du numérique se précise

Faute d'accord pour l'instant au niveau européen, la France va bien mettre en oeuvre une taxation spéciale des entreprises proposant des services numériques, l'idée étant de présenter un projet de loi le mois prochain pour une application rétroactive à partir du 1er janvier.

"Nous travaillons à une taxe appliquée dès cette année qui touchera toutes les entreprises qui proposent des services numériques représentant un chiffre d'affaires supérieur à 750 millions d'euros au niveau mondial et 25 millions d'euros en France", a déclaré le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire au Journal du Dimanche.

"Si ces deux critères ne sont pas réunis, elles ne seront pas imposées", a-t-il précisé, en promettant de présenter "un projet de loi spécifique en Conseil des ministres d'ici à fin février qui sera rapidement soumis au vote du Parlement".

"La taxe sera applicable à compter du 1er janvier 2019, et son taux sera modulé en fonction du chiffre d'affaires avec un maximum de 5 %", a encore détaillé M. Le Maire, en rappelant l'ambition du gouvernement de la voir rapporter "environ 500 millions d'euros" par an.

La taxation des services numériques et notamment les Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon) constitue "un enjeu majeur du XXIe siècle" et "une question de justice et d'efficacité", a estimé le ministre.

Si la France a décidé d'agir sans attendre un consensus au niveau européen, M. Le Maire a toutefois jugé qu'un accord de ce type était encore possible "d'ici à la fin mars", soulignant que la France soutenait une proposition européenne portée par le Commissaire français aux Affaires économiques, Pierre Moscovici.

"Il reste quelques pays hésitants. Nous avons fait une offre de compromis en décembre avec l'Allemagne et je suis convaincu qu'un accord est maintenant à portée de main d'ici à la fin mars. À quelques mois des élections européennes, nos citoyens ne comprendraient pas que nous renoncions", a-t-il expliqué.

"Rendement modique" pour Attac

L'organisation altermondialiste Attac, critique de longue date des stratégies d'optimisation fiscale des géants du numérique, a regretté dimanche une ambition pour cette taxation qui "semble limitée, comme le montre son rendement modique estimé à 500 millions d'euros".

Or, les Gafa "déclarent leurs revenus dans des pays où elles échappent à l'impôt, comme l'Irlande ou les Pays-Bas", a rappelé Attac, en affirmant dans un communiqué que "taxer leurs revenus en France est donc une fausse solution au problème".

"On a vraiment l'impression qu'une fois encore, en ce qui concerne la question fiscale, le gouvernement brasse de l'air", a affirmé Aurélie Trouvé, porte-parole d'Attac, citée dans le texte.

A la mi-décembre, le gouvernement français, à la recherche de recettes pour financer les mesures sociales annoncées par le président Emmanuel Macron, avait annoncé qu'il taxerait dès le 1er janvier les géants du numérique, sans attendre un éventuel accord au sein de l'Union européenne.

Cette décision avait signifié un changement de stratégie, M. Le Maire ayant initialement défendu, sans succès, l'adoption d'une taxe au niveau européen sur les géants du numérique, pour éviter que la France fasse cavalier seul.

L'Irlande, le Danemark et la Suède s'étaient clairement opposés à une taxe sur 3% du chiffre d'affaires des géants du numérique. Pour sa part, l'Allemagne ne la voyait pas non plus d'un très bon oeil, par crainte de mesures de rétorsion américaines contre son industrie automobile.

Des initiatives pour taxer les Gafa et autres géants du numérique ont déjà été prises au niveau national dans plusieurs pays, comme le Royaume-Uni et Singapour. En Italie, les députés ont voté en fin d'année dernière une taxe sur des transactions sur internet, mais la loi n'entrera finalement pas en vigueur.

En Espagne, le gouvernement du socialiste Pedro Sanchez a adopté vendredi un projet de loi pour créer une taxe de 3% sur les revenus générés par certaines activités des géants du numérique comme les Gafa.

Mais il n'est pas certain que le projet de loi espagnol soit jamais voté, le gouvernement n'ayant pas la majorité au parlement.

Avec AFP.