Le monde agricole continue de gronder ce jeudi 25 janvier. Deux des principaux syndicats agricoles français ont adressé hier soir au gouvernement une liste de revendications. La FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles) et la JA (Jeunes Agriculteurs) souhaitent que la totalité de ces demandes soient mises en place par l’État sans négocier.
Plusieurs actions de contestation sont menées depuis des jours par les agriculteurs, notamment le blocage d’autoroutes comme l’A64. Ce jeudi, les actions se multiplient dans le pays : des tracteurs manifestent dans les rues de Rennes et Nantes, des portails de grande distribution ont été forcés dans l’Hérault, et des camions de denrées étrangères vidés près de Montélimar.
Les annonces du Premier ministre Gabriel Attal, prévues vendredi, sont très attendues par les syndicats mais aussi par les défenseurs de l’environnement. En effet, si l'exigence principale concerne la rémunération des agriculteurs, plusieurs mesures environnementales sont également remises en cause.
La législation européenne dans le viseur des agriculteurs
Les syndicats considèrent les normes européennes et françaises en matière d’environnement trop lourdes et demandent l’arrêt des surtranspositions. Celles-ci laissent à chaque pays européen le choix d’appliquer les règlements de l’UE en y ajoutant ses propres normes. Les agriculteurs français estiment que cette pratique les met en concurrence déloyale avec les pays moins réglementés.
À long terme, les syndicats vont encore plus loin et demandent une pause dans l'instauration de mesures environnementales et la réduction de celles-ci. Ils aspirent aussi à la fin de la non-régression du droit à l’environnement, un principe qui oblige les mesures prises concernant l'environnement à être uniquement mélioratives. Ils exigent enfin que l’Office français de la biodiversité tourne ses efforts vers la pédagogie plutôt que vers des normes jugées répressives.
Pétrole, eau, viande... les normes concernées
Le point de départ du soulèvement est la hausse prévue du GNR (gazole non routier). Ce pétrole destiné notamment aux engins agricoles bénéficiait jusqu’alors d’une détaxe. Le gouvernement a prévu de la supprimer progressivement afin de réduire l’utilisation du gazole. Les syndicats demandent à ce que cette hausse soit compensée par "la mise en place immédiate du crédit d'impôt et l'intégration dans le prix payé du montant actuellement remboursé".
Le plan eau de 2021 est aussi remis en cause. Cet arrêté encadre la consommation d’eau dans l’agriculture pour s'adapter aux périodes de sécheresse. Or, il est jugé peu pertinent par les agriculteurs qui en demandent un plus adapté. Ils souhaitent également "l’application pleine et entière du Varenne de l’eau". Il s'agit d'une discussion sur les solutions pour préserver l'eau, en agriculture notamment. Pour rappel, ce secteur utilise 80% de l’eau consommée l’été pour l’irrigation, alors que cette denrée essentielle devient rare.
L’élevage est mis en avant par les syndicats agricoles, qui souhaitent en faire une "grande cause nationale" et arriver à la souveraineté. Pour cela, de meilleurs avantages fiscaux sont demandés pour les éleveurs de boeufs. De plus, alors que le bovin bénéficie déjà d’une exemption concernant la directive européenne sur les émissions industrielles (IED), les agriculteurs souhaitent l’étendre à la volaille et au porc. Pour rappel, la production de viande est une des causes du dérèglement climatique. Selon la FAO (Food and Agriculture Organization), 70% des terres agricoles mondiales servent à l’élevage alors qu'un kilo de bœuf utilise 13 000 litres d’eau.
Assouplissement des normes sur les sols
Une dérogation est aussi demandée concernant les 4 % de jachère. Cette condition à l’obtention des subventions de la PAC (Politique Agricole Commune) de l’UE demande de laisser 4 % des terres agricoles au repos. Or, les agriculteurs la jugent incohérente. Ils souhaitent également augmenter le Ratio Prairies, mesure qui impose des actions aux exploitants agricoles des régions dont plus de 5 % des prairies permanentes sont retournées.
Les syndicats agricoles rejettent aussi le plan Ecophyto qui vise à réduire de 50 % l’utilisation des pesticides d’ici à 2030 par rapport à 2015. Enfin, ils refusent les ZNT (zones de non-traitement par des produits phytosanitaires), qui protègent les habitations ou les cours d’eau des pesticides. S’ils permettent d’éliminer les parasites des cultures et donc de produire plus, les pesticides sont nocifs pour la biodiversité et la santé. Toutefois, les agriculteurs considèrent qu’ils sont pour l’instant indispensables à la souveraineté alimentaire de la France.
La bataille entre les agriculteurs et les défenseurs de l'environnement se poursuit donc. Depuis le début du soulèvement, les agriculteurs ont déjà obtenu la mise en pause du projet de loi sur l’agriculture qui devait être présenté ce mercredi.
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