Le photojournaliste Samuel Bollendorff.
©Samuel Bollendorff/"Contaminations"
Environnement

Ces témoins des pollutions du monde qui nous ont interpellés en 2018

Ils ont exploré les récifs coralliens, ont observé les dégâts d'une ville toxique en Alabama, ont vu de près le "continent plastique" dans l'Océan Pacifique Nord... Ou, sans voyager, ont tout simplement fait analyser leurs urines pour y constater la présence de glyphosate. Tous ont cherché à nous interpeller sur les pollutions du monde et sur l'impact du réchauffement climatique en 2018. Retour en trois temps sur plusieurs témoignages forts.

1. Samuel Bollendorff, photographe des contaminations du monde

Accompagné de plusieurs journalistes, le photographe Samuel Bollendorff s'est rendu cette année dans sept territoires très pollués de la planète pour faire état, en images, des contaminations subies par ces terres et leurs habitants. Parmi ces lieux malmenés par l'activité humaine et industrielle, un "fleuve mort" au Brésil, une "ville toxique" en Alabama, le "continent plastique" dans l'Océan Pacifique Nord... L'ensemble de ce travail, intitulé "Contaminations", a été publié en septembre dernier dans les colonnes du Monde - il a également été exposé dans le cadre de Visa Pour L’Image, festival international du photojournalisme à Perpignan. "J'ai vraiment passé une année au contact de la terre, explique Samuel Bollendorff. C'était très fort de prendre la mesure de combien cette planète est petite et fragile. Évidemment, à cela on ajoute l'horreur des contaminations dont nous avons été témoins, et de leurs victimes." Il y a quelques mois, Samuel Bollendorff commentait plusieurs photos issues de son enquête à ID : 

             La ville toxique

"La ville toxique", Anniston, Alabama, USA/ "Contaminations", festival Visa pour l'image, Perpignan, 2018
©Samuel Bollendorff/ Le Monde

Cette jeune femme a eu un cancer des ovaires à 17 ans, sa petite sœur en a eu un à 15, son cousin est mort d'un cancer, toute sa famille est décimée, les voisins sont décimés... Cela parce qu'elle habite à Anniston, une petite ville de 20 000 habitants dans laquelle Monsanto a produit des PCB (ndlr : produits chimiques) pour le monde entier entre les années 30 et 70."

Samuel Bollendorff    

              Le continent plastique 

"Le continent plastique", Océan Pacifique Nord/ "Contaminations" Festival Visa pour l'image, Perpignan, 2018
©Samuel Bollendorff/ Le Monde

Toutes les images qui circulent sur les réseaux sont des images aberrantes de gros déchets à la surface de l'eau, et ce n'est rien de tout cela. Le 'continent plastique' est très beau. Les plastiques qui finissent en mer sont ceux qu'on jette dans nos éviers, par exemple parce qu'on se brosse les dents avec des microbilles dans nos dentifrices.

Ces plastiques se fragmentent : ce ne sont pas des gros déchets qu'on pourrait imaginer nettoyer en draguant la surface. Ce sont des microplastiques qui font la taille d'un grain de riz, parfois même jusqu'à 20 microns, et qui rentrent dans la chaîne alimentaire. Les poissons les ingèrent, ça va dans leurs tissus et dans nos assiettes. Et c'est impossible à nettoyer."

Samuel Bollendorff

Relire l'interview intégrale de Samuel Bollendorff pour ID ici

2. Les "pisseurs involontaires de glyphosate"

Le 15 juin dernier, plusieurs Faucheurs volontaires ariégeois, des militants anti-OGM, déposaient plainte contre les fabricants du glyphosate et contre les décideurs ayant autorisé sa mise sur le marché, affirmant être contaminés par ce produit controversé. Ils officialisaient également une campagne nationale de recherche de traces de glyphosate dans les urines. Leur avocat, Maître Guillaume Tumerelle, rappelait alors le contexte du dépôt de cette plainte à ID (à relire ici). 

On est sur une molécule qui est classée cancérogène probable par l'OMS (ndlr : Organisation Mondiale de la Santé) et c'est le produit qu'on retrouve le plus dans les rivières. Je ne suis pas agriculteur, je ne suis pas censé être exposé à ça et pourtant je suis contaminé à des doses importantes.

Maître Guillaume Tumerelle 

Le 20 novembre dernier, en Bretagne, 22 Faucheurs volontaires déposaient plainte à leur tour contre les fabricants de pesticides auprès des procureurs de Quimper, Lorient et Saint-Brieuc. Ils indiquent avoir constaté la présence de glyphosate dans leurs urines à la suite de prélèvements effectués en 2017 sous contrôle d'huissier, à un taux variant entre 0,2 et 3,4 nanogrammes/ml. Ces derniers ont déposé plainte pour "mise en danger de la vie d'autrui, tromperie aggravée et atteinte à l'environnement" avec un produit "reconnu cancérigène probable", rappelant que selon la norme européenne, l'eau doit contenir moins de 0,1 ng/ml de glyphosate. 

©Alain Pitton / NurPhoto / AFP

Pour rappel, le 10 août dernier à San Francisco, le géant agrochimique Monsanto a été condamné à payer 289 millions de dollars au jardinier Dewayne Johnson, malade d'un cancer lymphatique en phase terminale, pour ne pas avoir communiqué "sur la dangerosité de l'herbicide Roundup", qui contient du glyphosate. Le géant entamait une procédure d'appel le 21 novembre.

3. L'expédition Tara et son étude des récifs coralliens

La goélette Tara faisait pour sa part son grand retour à Lorient le 27 octobre dernier après plus de deux ans passés à étudier l'état des récifs coralliens dans le Pacifique, et leur capacité d'adaptation au réchauffement climatique et aux pressions anthropiques.

©SEBASTIEN SALOM GOMIS / AFP

Tara a sillonné l'océan Pacifique sur près de 100 000 km, avec à son bord une équipe scientifique coordonnée par le CNRS et le Centre scientifique de Monaco. Plus de 40 % des récifs coralliens de la planète sont situés dans le Pacifique, rappelle la Fondation Tara Expéditions. Celle-ci précise également que les récifs coralliens rassemblent "25 % de la biodiversité des mers et assurent la subsistance directe, en termes de nourriture, à près d’un milliard de personnes, principalement dans la zone de l’Asie du Sud". Environ 36 000 échantillons ont été collectés.

Les découvertes sont très hétérogènes. Certains coraux sont en bonne santé, d’autres blanchissent. Aux Samoa, par exemple, 90 % des récifs sont morts. Pourtant, à trois jours de là, c’est parfait. En revanche, la population ignore le phénomène."

Romain Troublé, directeur général de la Fondation Tara Expéditions, au Télégramme