En Guadeloupe et en Martinique, la "quasi-totalité" des populations sont contaminées au chlordécone, un pesticide ultra-toxique, massivement utilisé dans les bananeraies entre 1972 et 1993. Dans une longue enquête, Le Monde dresse un état des lieux édifiant de cette catastrophe écologique inédite.
Un perturbateur endocrinien dévastateur, interdit depuis des années
Dès 1979, l'Organisation Mondiale de la Santé émet des réticences quant à ce pesticide appelé "chlordécone", utilisé dans les cultures pour lutter contre le charançon, un insecte dévastateur. À l'époque, ce perturbateur endocrinien est jugé possiblement neurotoxique, reprotoxique et cancérogène. Il présenterait des risques de cancer et d'infertilité sur les personnes qui y sont exposées. Pourtant, le chlordécone ne sera officiellement interdit qu'en 1990 et utilisé jusqu'en 1993 par dérogation dans les Antilles françaises. Aujourd'hui, les sols, mais aussi les populations de Martinique et de Guadeloupe, sont contaminés "pour des générations", révèle Le Monde.
Malgré l'interdiction, la contamination persiste
Le chlordécone est très persistant et touche l'homme par intoxication alimentaire. Si le corps humain est capable de s'en débarrasser en quelques mois (à la seule condition qu'il n'y soit plus exposé), cette molécule peut cependant polluer les terres jusqu'à 700 ans. Malgré son interdiction, il est donc impossible pour les populations locales d'y échapper. Toujours selon Le Monde, 95 % des Guadeloupéens et 92 % des Martiniquais en sont aujourd'hui contaminés. De plus, "le pesticide est aussi fortement soupçonné d’augmenter le risque de cancer de la prostate, dont le nombre en Martinique lui vaut le record du monde, et de loin, avec 227,2 nouveaux cas pour 100 000 hommes chaque année", peut-on lire dans l'enquête.