Avez-vous noté que depuis janvier 2017, les pesticides chimiques sont passés derrière les comptoirs, dans les jardineries ? Ces produits ne sont en effet plus autorisés en libre-service et leur vente doit être accompagnée, en principe, de conseils d’usage. Considérés comme dangereux pour la santé comme pour l’environnement, les pesticides chimiques (insecticides, herbicides, désherbants, anti-nuisibles ou fongicides) seront définitivement interdits pour les jardiniers amateurs à partir de janvier 2019. Et il est possible de s’en passer dès maintenant, grâce à des pratiques qui se diffusent de plus en plus. Mais pendant que les jardiniers amateurs apprennent à se passer de ces pesticides jugés nuisibles, leur usage dans l’agriculture française ne cesse d’augmenter. Un paradoxe attristant.
Dans une brochure intitulée « Moins de produits toxiques, des conseils pour s’en passer à la maison et au jardin », L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) donne de judicieux conseils de base pour éviter d’arroser ses plates-bandes de chimie. On peut par exemple pailler le sol avec les déchets du jardin pour lutter contre les mauvaises herbes. On peut encore utiliser des variétés horticoles et potagères résistantes ou pulvériser des décoctions de plantes pour lutter contre les maladies. Et si l’on veut lutter contre les ravageurs, créer des associations de plantes est une excellente initiative.
Une toxicité avérée
Dans la même brochure, l’Ademe — qui est un établissement public et non une ONG militante, soulignons-le — explique pourquoi il est important de se passer de cet arsenal chimique dans nos jardins, sans attendre l’interdiction légale. « Leur toxicité pour l’homme peut être grave en cas d’absorption accidentelle, d’inhalation forte ou de contact avec la peau, peut-on y lire. Mais aussi en cas d’ingestion régulière de résidus de pesticides dans l’alimentation ou l’eau de boisson. Outre les empoisonnements, les pesticides sont capables d’endommager le système immunitaire ou de perturber les régulations hormonales. Ils sont également soupçonnés d’accroître le taux de certains cancers (sein, prostate) et de réduire la fécondité masculine. » Il est enfin recommandé de ne jamais jeter ses restes de produits à la poubelle et de les rapporter en magasin de jardinage ou en déchèterie.
Que les jardiniers amateurs soient contraints de se passer de tels poisons est une excellente nouvelle qu’il faut célébrer. Ils déversent chaque année 2000 tonnes de pesticides sur leurs pelouses et leurs potagers, selon l’association Générations Futures. Ce sera toujours ça de moins. Mais rappelons que les jardins particuliers ne reçoivent que 2% de ces produits si contestés. 8% étant déversés sur les espaces verts et le reste, soit 90% et 76 000 tonnes, étant consacrés à l’agriculture, selon les données recueillies par Générations Futures.
Inertie gouvernementale
Et cette bonne nouvelle de la fin des pesticides dans les jardins, en souligne une autre, révoltante. Malgré l’engagement pris par le gouvernement, à la suite du Grenelle de l’environnement en 2008, de réduire l’usage des pesticides de moitié en dix ans, leur utilisation est en hausse.
Au niveau national, le recours aux produits phytosanitaires a augmenté de 5,8% entre la période 2011-2012-2013 et la période 2012-2013-2014 et de 9,4% entre 2013 et 2014 », selon le ministère de l’agriculture.
Or, rien ne semble avancer dans le bon sens au sommet de l’état. En témoigne le claquement de porte, au début de ce mois, de Delphine Batho. La députée a démissionné d’une mission d’information parlementaire sur l’utilisation des produits phytosanitaires en France car elle jugeait son rapport final « pas du tout à la hauteur des enjeux ». Alors oui, nous allons biner nos allées pour les désherber plutôt que d’y déverser des produits nuisibles. Mais exigeons aussi de nos gouvernants des mesures urgentes pour réduire drastiquement les produits dangereux dans les champs.