Pendant deux ans, deux chercheurs du CNRS ont décortiqué 13 000 études parues depuis 15 ans dans les principales revues spécialisées.
A l'origine de leur démarche, une interrogation : "Pourquoi cette crise s'accélère-t-elle en dépit de toutes nos publications ?", explique le géographe Laurent Godet, de l'université de Nantes. "Est-ce par manque de connaissances ? Manque-t-on de solutions, ou sont-elles trop contraignantes ? Envoie-t-on des messages trop pessimistes et donc démobilisateurs pour la sphère politique et la société civile ?"
L'étude, parue dans Trends in Ecology and Evolution, offre une conclusion sans appel : la connaissance est là, avec l'identification depuis 30 ans des "grands maux" affectant le vivant (ressources surexploitées, habitats fragmentés, espèces invasives, grands bouleversements comme le changement climatique). Cette connaissance ne se limite pas aux espèces "exotiques", mais couvre tous les territoires, comme l'étude choc parue ce printemps en France sur la disparition des oiseaux des campagnes.
En outre "la communauté scientifique n'est pas si pessimiste", analysent M. Godet et son confrère biologiste Vincent Devictor, de l'université de Montpellier : "Des publications apportent aussi des bonnes nouvelles, sur les retours spontanés d'espèces ou le succès de certaines mesures".
Un panel de solutions
Surtout, les experts ont tout un panel de solutions : aires protégées mais aussi contrôle des espèces invasives, restauration d'habitats... Selon les chercheurs, les propositions de solutions durables, compatibles avec les activités humaines, ne manquent pas, note le CNRS dans un communiqué : "le frein majeur réside plutôt dans la demande de compromis toujours plus favorables à l'exploitation plutôt qu'à la conservation, malgré des recommandations scientifiques déjà timorées".
"S'il y a peut-être une critique à faire à la communauté scientifique, c'est qu'elle a souvent proposé des mesures assez timides, minimales", dit M. Godet, ce qui accroît encore la frilosité des politiques. "Les mesures de conservation sont incompatibles avec certains projets, de développement économique", souligne le chercheur, relevant qu'en France par exemple, "sur 60 espèces d'oiseaux chassables, 20 se trouvent sur la liste rouge des espèces menacées".
Quant aux aires protégées, "on n'a pas encore trouvé mieux et ça fonctionne très bien", ajoute-t-il, relevant qu'"on est loin d'une mise sous cloche" puisqu'en France les réserves biologiques intégrales ne représentent que 0,02 % du territoire métropolitain, essentiellement en forêts.
Avec AFP.