Allain Bougrain-Dubourg, grand défenseur de la cause animale, président de la Ligue pour la protection des oiseaux.
©XAVIER LEOTY / AFP
HUMEUR

Allain Bougrain-Dubourg : "On est des procéduriers, et alors ?"

Porter devant les tribunaux une situation qui semble inacceptable conduit souvent à se faire taxe d'ergoteur, de processif et autre ratiocineur. Le constat est particulièrement vrai en matière d’environnement. Sauf que, le plus souvent, les plaideurs gagnent la procédure. En clair, ils n'ont fait que rappeler le droit, en désespoir de cause, après avoir tenté toutes formes de négociations. 

À ce titre, le Conseil d'Etat, plus haute juridiction française, apporte un éclairage significatif. À treize reprises, durant treize ans, la LPO s'est tournée vers la justice pour faire retoquer les arrêtés ministériels visant à prolonger la chasse aux oies en février, alors qu'elle doit être fermée au 31 janvier. Par treize fois, les chasseurs et le Ministère de l'Ecologie ont été retoqués. Ramenés à la raison. De nombreux autres cas semblables se vérifient devant les tribunaux administratifs. 

Du côté des Pyrénées, c'est le tribunal administratif de Pau qui a déclaré illégaux les arrêtés autorisant la chasse aux Grands Tétras. À plusieurs dizaines de reprises, France Nature Environnement a du récidiver avec toujours le même résultat positif. Las, la situation devient ubuesque. Elle interroge également car le jugement à l'égard de l'exécutif semble étrangement tolérant au regard de celui qui est réservé au citoyen. Si ce dernier commet une faute ou un délit, il sera condamné. Si il récidive, la peine sera alourdie, et si il recommence à nouveau, la porte de la prison lui est ouverte. Qu'en est il pour la représentation de l'Etat ? Rien. Les décideurs peuvent reproduire à l’infini leur faute, ils poursuivront comme l'enfant innocent sans être inquiétés. 

"8 recours ont été gagnés sur les 16 attaqués"

Parmi les oiseaux mis en cause devant les tribunaux, le Grand Cormoran s'en serait bien passé. Tout de noir vêtu, notre oiseau incarne la pire des nuisances aux yeux des pêcheurs. Il serait coupable de dévaster les rivières au point de les vider de toute pêche potentielle. Sauf que l'oiseau en question appartient à une espèce protégée. Il faut donc établir des dérogations pour le tirer comme à la fête foraine, ce que bon nombre de préfets se plaisent à accorder.

Or, aucun dommage n'a été démontré avant de prendre une pareille mesure, contrairement à ce qu'impose la loi. Une fois de plus, la LPO s'est retrouvée devant les tribunaux pour plaider la cause du Cormoran. Résultat, pour la saison 2019-2020, huit recours ont été gagnés sur les 16 attaqués (les autres n'ayant pas encore été jugés). Pour la saison 2021-2022, la procédure est également engagée. 

Le ministère de la Transition écologique serait bien inspiré de revisiter sa copie si il ne veut pas passer plus de temps devant les tribunaux que face à la biodiversité à préserver. 

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