Laure Cucuron, directrice générale de TerraCycle Europe qui a mis au point des "Boîtes Zéro Déchet" pour les masques jetables.
©Laure Cucuron/TerraCycle
Entreprises

Zéro déchet : une entreprise collecte et recycle les masques jetables

Fin août dernier, Agnès Pannier-Runacher, ministre chargée de l’Industrie, indiquait que 50 millions de masques sanitaires étaient fabriqués par semaine dans l'Hexagone. Un chiffre qui devrait passer à 100 millions en décembre. La question centrale du recyclage se pose alors. Pour y faire face, une entreprise spécialisée dans le recyclage a créé un dispositif pour les collecter et recycler.

TerraCycle est une entreprise spécialisée dans le recyclage des matériaux difficiles à recycler, qui ne sont généralement pas recyclables via les filières traditionnelles. Depuis la crise de la Covid-19, elle commercialise des "Boîtes Zéro Déchet" pour collecter les masques sanitaires. Laure Cucuron, directrice générale de l’entreprise en Europe répond aux questions d’ID sur son fonctionnement.

Que fait votre entreprise ?

Cela fait plusieurs années que nous travaillons sur le recyclage des équipements de protection individuelle. Il faut bien comprendre l’aspect économique du recyclage pour une entreprise. Bien souvent, la plupart des matières, produits, ou emballages qui ne peuvent pas être recyclés ne le sont pas car ce n’est pas rentable. Les coûts de collecte, de tri et de recyclage vont être trop élevés par rapport à la valeur de la matière que l'on va pouvoir revendre en fin d'opération. Nous  mettons en place des solutions de collecte et des solutions techniques. Il s’agit d’une initiative que nous avons développée dans plusieurs pays du monde, mais peu en France.

Avec la crise sanitaire, cette solution est devenue assez intéressante. Nous faisons cela avec des boîtes dites "Boîtes Zéro Déchet", ce qui peut paraître paradoxal dans la mesure où elles sont faites pour recevoir des déchets. Mais nous voulions que le nom parle aux utilisateurs, qu’ils comprennent qu’il s’agit d’une solution de recyclage. Une qui permet de collecter différents types d’équipements de protection individuelle comme les masques jetables par exemple. Il suffit de se balader dans la rue, ou de regarder les cours d'eau pour voir que ces déchets polluent. Et nous, nous proposons une solution de recyclage qui est quand même un petit peu mieux que l’actuelle, à savoir : au pire la mise en enfouissement, et on va dire au mieux, l'incinération.

Quand il y a une alternative au jetable, c'est évidemment la solution qu'on va proposer." 

L'objectif est de réduire les déchets en premier lieu. Donc quand il y a une alternative au jetable, c'est évidemment la solution que nous allons proposer. Pour les masques par exemple, nous conseillons aux clients d'essayer d'utiliser des masques réutilisables lorsque cela est possible, tout en suivant les consignes sanitaires tels que respecter le nombre d'utilisation et bien les nettoyer.

Qui peut utiliser vos "Boîtes Zéro Déchet" et comment ?

Trois tailles sont proposées avec une étiquette de transport prépayée directement collée sur chaque boîte. Cela permet de renvoyer la boîte pleine vers l'unité de traitement qui permettra leur recyclage. Il est très important de préciser qu’elle ne peut pas accepter des masques qui seraient par exemple issus du secteur médical qui doivent être traités de manière bien particulière.

Nous avons adapté notre chaîne logistique pour répondre aux exigences et limiter l'exposition aux risques de contamination."

La boîte s’adresse principalement aux entreprises mais des particuliers peuvent également en commander une. Cependant, le coût peut être un frein car les boîtes coûtent entre 100 et 250 € selon leur taille et les types de déchet qu'elles acceptent. Nous avons adapté notre chaîne logistique pour répondre aux exigences et limiter l'exposition aux risques de contamination. Pour cela, nous demandons aux utilisateurs d'attendre 72 h avant de nous renvoyer les boîtes une fois pleines, et de bien les fermer grâce à un système de ruban adhésif. Lorsqu'elles arrivent sur la plateforme appelée plateforme de massification, elles sont mises en quatorzaine dans un espace dédié avant d’être ouvertes, puis massifiées — rassemblées —. Une fois qu’il y a suffisamment de volume, elles peuvent être envoyées sur les opérations de recyclage.

Que deviennent les masques ?

Tout d’abord, il faut savoir que le masque est constitué principalement de polypropylène (PP) avec une partie métallique parfois. Il s’agit d’un déchet qui n'est pas très complexe à recycler. La première étape va donc être de le broyer et séparer les composants métalliques. Puis, le PP va pouvoir être extrudé et transformé en granules pouvant être utilisées dans l'industrie plastique en remplaçant le plastique vierge. Cela pour la fabrication de différents produits comme des bancs ou du mobilier de jardin.

Plus il y a d'initiatives, mieux c'est."

Au niveau des solutions de recyclage, nous essayons de développer des filières locales. Principalement tous les déchets collectés en Europe vont être recyclés en Europe. Il y a des initiatives qui se sont mises en place en France ce qui est très intéressant, car plus il y a d'initiatives, mieux c'est. Nous avons identifié des partenaires à la fois en France et en Angleterre puisque c'est là que nous développons le plus souvent nos activités de recyclage. En ce moment, nous sommes vraiment dans une étape de collecte et de pacification. D'ici quelques mois, nous espérons pouvoir passer à l'étape de recyclage avec des partenaires locaux.

Quel est l’impact de la chaîne de production ?

Je pense qu'il y a deux aspects importants à prendre en compte lorsque nous parlons d'impact. Le premier est de bien comprendre qu’il faut regarder l'intégralité du cycle de vie du produit. Le transport est assez visible de suite. C’est une question qui nous est régulièrement posée et il faut développer des solutions pour qu'il soit optimisé au maximum. Dans le cadre des "Boîtes Zéro Déchet", nous utilisons le partenaire UPS qui a déjà un circuit de collecte et un circuit logistique bien optimisé. Nous avons aussi une compensation carbone sur les envois qui sont faits via ce programme-là. Mais il ne faut pas oublier que l'impact environnemental en termes d'impact carbone par exemple, sera le plus important pendant l'extraction et la transformation des matières premières. Soit pour fabriquer le masque en premier lieu. Donc ce que permet une solution de recyclage, c'est de garder cette matière dans le circuit en remplacement du plastique vierge. Et c'est vraiment là que l'impact positif se trouve. Depuis plusieurs années, nous et les partenaires avec lesquels nous travaillons, organisons des analyses de cycle de vie. Elles montrent à chaque fois la même chose : que l'impact du recyclage est plus positif par rapport au solutions actuelles d'enfouissement ou de mise en incinération qui peuvent exister.

Qu’espérez-vous pour la suite ?

Nous avons lancé un programme pilote avec Carrefour, qui a installé des boîtes de recyclage dans une dizaine de magasins en région parisienne pour proposer une solution aux clients à l'entrée des magasins. L’objectif est de pouvoir installer des bandes de collecte un peu dans tous les lieux de vie entreprise, supermarché, et puis après d'autres lieux de vie. L'entreprise est un bon point de départ, il est vrai que cela permet de collecter les flux là où ils se trouvent et de faire financer l'opération par des entreprises ce qui est plus évident que directement par les particuliers.

Une interview réalisée en partenariat avec France Inter. Pour écouter la chronique Social Lab :

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