Augustin Boulot, Délégué Général de B Lab France.
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Entreprises

Le mouvement B Corp se mobilise pour accélérer le changement économique

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Un total de 10 000 entreprises certifiées à travers 105 pays avec un cap de 500 entreprises atteint en France... Environ dix ans après son lancement dans l'Hexagone, le mouvement B Corp organise un grand rassemblement de sa communauté pour continuer à mobiliser toutes les entreprises volontaires afin de repenser leur rôle au sein de la société.   

Le mouvement B Corp se mobilise tout au long du mois de mars et fait appel au collectif pour accélérer le changement économique, "dans un monde faisant face à l'urgence climatique, sociale et démographique". Une campagne d’envergure mondiale a été lancée dès le début du mois, rassemblant près de 10 000 entreprises certifiées B Corp au sein de plus d’une centaine de pays parmi 160 secteurs d'activité. L'objectif : "mettre en lumière les entreprises investies dans le mouvement" et  encourager les acteurs de l’économie "à s’investir vers une démarche de transformation continue au service de l’humain et du vivant dont ils font partie".

En France, un grand rassemblement de communauté est prévu le 27 mars à la Cité Fertile à Pantin. 

2025 s'avère être une année charnière pour le mouvement avec l’évolution des standards de la certification et un nouveau cadre d’exigences. Rappelons que derrière B Corp, il y a une ONG baptisée B Lab, fondée aux États-Unis en 2006 et qui est propriétaire de la marque "Certified B Corporation". La marque est concédée sous licence à des entreprises à but lucratif qui ont répondu à différents critères en matière de performance sociale et environnementale, de responsabilité et de transparenceID s'est entretenu à ce sujet avec Augustin Boulot, Délégué Général de B Lab France. 

Selon le référentiel, une entreprise B Corp est capable de créer de la valeur positive, qui a de l'impact positif, pour le plus grand nombre de ses parties prenantes.

Comment fonctionne le mouvement B Corp ?

Le mouvement a été créé par trois entrepreneurs aux États-Unis et s'est rapidement exporté. En France, il est arrivé en 2014 avec une première entreprise certifiée qui est le cabinet de conseil UTOPIES. UTOPIES a joué le rôle de partenaire en France auprès de B Lab pour démarrer le mouvement. Il a eu ce rôle jusqu'en 2019. C'était alors le moment d'ouvrir une antenne en France et B Lab est né fin 2019. Il y avait alors 80 entreprises B Corp dans le pays. Aujourd'hui, nous sommes plus de 500 en France. 

B Lab France repose sur trois piliers. Avant d'être une certification, c'est un standard d'évaluation d'impact avec un questionnaire très fourni, le B Impact Assessment (BIA), disponible et ouvert à toutes les entreprises souhaitant se confronter aux questions, sans aucune obligation d'aller jusqu'à la certification. C'est vraiment le cœur du réacteur de ce que nous proposons. En France, environ 15 000 organisations utilisent l'outil de mesure d'impact. Certaines ne l'ont complétée qu'à 25 ou 50 %, d'autres l'ont juste regardé rapidement pour se donner des idées et faire leur chemin seules... Et certaines vont vraiment l'utiliser au quotidien sans nécessairement aller chercher la certification. 

Le deuxième pilier est la certification. C'est pour les entreprises qui au-delà d'avoir complété le questionnaire, ont envie d'avoir une validation de leur propre évaluation. Elles se tournent alors vers le processus de vérification, soumettent leur dossier et entrent dans un parcours d'audit. Les analystes de B Lab vérifient l'ensemble des informations et des preuves documentaires sont exigées. Si un certain score est dépassé, à savoir 80 points, elles peuvent obtenir la certification. Il faut alors modifier ses statuts et accepter d'être dans une démarche de transparence puisque chaque entreprise certifiée a un profil public sur le site de B Corp avec son score par domaine d'impact et un certain nombre de rapports de transparence en fonction des secteurs d'activités. 

Le troisième pilier se situe après la certification : il y a un très fort aspect de communauté d'entreprises. Beaucoup viennent aussi pour cela. Cette vie de communauté est assez riche, avec une volonté de progression en continu, puisque ces entreprises doivent se faire recertifier tous les trois ans. Elles profitent de cette communauté pour s'enrichir et progresser.

Le processus allant jusqu'à la certification est long ?

Ça dépend beaucoup de la maturité de l'entreprise et de ce qu'elle cherche à faire à travers la certification. Cela peut prendre plus de 10 ans pour de grosses structures, et pour d'autres, plus petites, avec des activités qui se limitent par exemple à du conseil sans site de production ni besoin d'une activité physique de vente, nous sommes plutôt sur des parcours d'un, deux ou trois ans. 

AG 2024 de B Corp.
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Quand une entreprise est certifiée B Corp, ça signifie quoi, en résumé ?

Je peux démarrer par ce que signifie le B. Cela veut dire "benefits for all". C'est au sens anglo-saxon du terme : ce n'est pas sur le plan financier, c'est la valeur pour tous et toutes.

Selon le référentiel, une entreprise B Corp est capable de créer de la valeur positive, qui a de l'impact positif, pour le plus grand nombre de ses parties prenantes. Cela signifie que quand elle prend des décisions stratégiques, structurantes, souvent liées au "business model" de l'entreprise, celle-ci doit être capable de ne pas  avoir uniquement un regard de création de valeur financière pour ses seuls actionnaires, mais de création de valeur pour l'ensemble de ses parties prenantes. 

Nous avons beaucoup de retours d'entreprises nous disant qu'elles ont des enjeux de marque employeur et que cela vient apporter de la valeur à celle-ci.

Pour ces entreprises, avoir cette certification est louable... Mais quels autres intérêts en tirent-elles ?

C'est très variable. Certaines entreprises y voient un intérêt interne et de vision long terme de l'entreprise. Elles ont créé un département RSE mais souhaitent aller plus loin et structurer davantage leurs démarches. Parfois, cela ne constitue pas forcément un énorme levier sur les enjeux "business", par exemple dans le milieu pharmaceutique.

Dans le milieu alimentaire, il peut y avoir un réel enjeu "business". Car quand on négocie avec la grande distribution, cela veut dire quelque chose de venir avec cette certification. Ça peut donner une autre tournure aux négociations.

Nous avons beaucoup de retours d'entreprises nous disant qu'elles ont des enjeux de marque employeur et que cela vient apporter de la valeur à celle-ci. Nous recevons régulièrement des mails de personnes qui entrent sur le marché du travail et qui nous demandent de leur partager la liste des entreprises B Corp car elles ne souhaitent travailler que pour celles-ci.  

Dans le monde des start-ups, nous avons des retours nous disant que cette certification est de plus en plus demandée par les fonds d'investissement. Cela peut aussi être un gain de temps. Quand les investisseurs étudient les dossiers, si on arrive avec cette certification, toute une partie de leurs critères d'exigences est satisfaite. 

Beaucoup d'entreprises croient beaucoup en cela pour entrer dans un réseau, une communauté qui les dynamise et qui montre aux équipes dirigeantes qu'elles ne sont pas seules et que cela crée de la valeur. 

Les intérêts sont donc très variés en fonction des secteurs d'activités.

Logo B Corp
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Quels sont les défis/objectifs à venir pour B Lab France ?

Nous allons connaître une période charnière pour le mouvement puisque les standards vont être modifiés. Nous publierons courant avril ce que sera leur nouvelle version. Des thématiques ont été ajoutées, des pondérations de points ont évolué, pour que cela devienne plus exigeant à chaque version. C'est la première fois depuis le début de l'histoire de B Corp, soit depuis près de 20 ans à l'international, qu'il y a une modification en profondeur de la structure du référentiel.

Nous allons nous éloigner du mécanisme de points et reconstruire la façon dont nous allons évaluer l'impact. Beaucoup de sujets demeureront et les entreprises qui ont déjà la certification s'y retrouveront. Cela fait presque quatre ans que ces standards sont en construction. Des consultations publiques ont été menées. Ce n'est que courant 2026 que les premières entreprises vont être certifiées sur ces nouveaux standards. Car à côté du référentiel lui-même, il faut repenser tout le processus de vérification, avec de nouvelles réglementations européennes à prendre en compte dès septembre 2026. Celles-ci vont notamment réglementer comment fonctionnent les certifications environnementales et sociales. 

L'objectif est de faire en sorte que les entreprises se préoccupent de ces enjeux. Qu'elles se rendent compte que si elles ne s'en préoccupent pas, dans le long terme, la place qu'elles occupent dans la société ne survivra pas.

À la lumière de ces nouveaux standards, nos objectifs à moyen et long terme sont de continuer à agrandir cette communauté et d'essayer de rendre le plus accessible possible l'outil d'évaluation d'impact au plus grand nombre. Cela en ciblant ce que nous considérons comme étant des prescripteurs qui ont vocation à peser dans le monde de l'entreprise.

Nous avons aussi déjà des programmes à destination des établissements d'enseignement supérieur, mais nous souhaitons les développer pour atteindre un maximum d'étudiant(e)s qui sont pour certain(e)s de futurs dirigeant(e)s d'entreprises. Nous avons comme ambition de nous rapprocher du tissu économique local, des collectivités, des CCI pour passer à l'échelle...

On observe en ce moment la simplification de la CSRD, des assouplissements dans certains "objectifs verts"... Malgré tout, cet engagement des entreprises, c'est l'avenir selon vous ?

Nous avons la conviction que oui. Nous avons soutenu la CSRD. Pour nous, un des succès de B Corp est que nous sommes entrés sur ces sujets en faisant en sorte que cela parle aux praticiens des entreprises. Cela doit servir les personnes qui travaillent dans les entreprises, les directrices ou directeurs financiers, les RH, les commerciales et commerciaux... Le questionnaire parle à toutes ces personnes.

Le problème d'une réglementation, notamment européenne, est que cela peut parfois sembler être déconnecté et être juste lu comme de la norme, du "reporting"... Nous pensons qu'il y a une façon de porter le sujet qui nous permettra de continuer à rester attractifs. L'objectif est de faire en sorte que les entreprises se préoccupent de ces enjeux. Qu'elles se rendent compte que si elles ne s'en préoccupent pas, dans le long terme, la place qu'elles occupent dans la société ne survivra pas.

Nous avons un rôle pour défendre ces sujets effectivement dans un moment où ils sont attaqués de toutes parts, en les traitant un peu différemment tout en soutenant le fait que ces réglementations européennes sont importantes et élèvent les ambitions de notre économie. Aux côtés du mouvement Impact France, nous faisons partie d'un écosystème qui doit peser pour qu'il y ait un minimum de détricotage sur ces sujets.

Un mot sur l'événement du 27 mars à la Cité Fertile ?

C'est la première fois que nous faisons un rassemblement de ce type, en France. C'est pour fêter ce passage un peu symbolique des 500 B Corp en France, les 10 ans symboliques de l'arrivée du mouvement dans le pays... C'est aussi l'occasion de permettre aux entreprises B Corp de se retrouver, notamment les plus nouvelles. Il y aura des ateliers et des conférences autour des nouveaux standards, même s'ils ne pourront pas encore être dévoilés.

La campagne internationale a toujours lieu en mars pour faire un maximum de bruit partout dans le monde, avec l'enjeu de gagner en visibilité.