L’océan est un héritage commun. Quelles priorités doivent guider notre action pour le protéger face aux pressions de la pêche industrielle et du changement climatique ?
Il faut d’abord rappeler qu’il n’existe qu’un seul océan, connecté en permanence à l’échelle du globe. Où que l’on soit, son eau est la même : l’océan mondial est notre patrimoine commun. Or, nous l’avons trop longtemps considéré comme une ressource inépuisable, alors qu’il subit de plein fouet la surexploitation, la pollution et la destruction de ses écosystèmes côtiers.
La priorité, c’est de protéger le littoral. C’est là que tout commence et que tout se dégrade. Nous devons stopper la course à l’artificialisation, limiter la surpêche et les pollutions, y compris celles liées aux microplastiques ou aux métaux lourds, qui menacent la biodiversité marine et, in fine, le climat. Car l’océan est notre plus grand régulateur thermique et un formidable puits de carbone. Le maltraiter, c’est dérégler encore davantage le climat.
L’économie bleue ne peut se développer qu’en respectant la fragilité des océans. Comment concilier restauration des écosystèmes et développement économique ?
Aucune économie ne peut prospérer si elle détruit le bien sur lequel elle repose. L’économie bleue doit être pensée comme une économie de l’équilibre, non de la prédation. On peut exploiter sans détruire, à condition de changer nos pratiques : travailler avec les écosystèmes, et non contre eux.
Cela passe par une exploitation mesurée des ressources halieutiques, par des pêcheries durables, mais aussi par la recherche et l’innovation. L’océan recèle d’immenses potentialités pour la médecine, les biotechnologies ou le biomimétisme. Ces découvertes, inspirées du vivant marin, peuvent révolutionner nos manières de produire, consommer et soigner, à condition d’être guidées par l’humilité et le respect du vivant. C’est une économie qui ne se fait pas contre la nature, mais avec elle.
Le Sommet de l’ONU évoque de nouveaux traités sur la haute mer et le plastique. Qu’attendez-vous concrètement de ces accords ?
Ces accords sont indispensables, mais ils ne serviront à rien sans volonté politique. Nous continuons à produire massivement du plastique, qui asphyxie les écosystèmes marins et entre désormais dans toute la chaîne alimentaire. L’enjeu n’est pas seulement de mieux recycler : c’est de produire autrement, de réduire à la source et de repenser nos modèles économiques.
La gouvernance de la haute mer, la régulation de la pêche, la lutte contre la pollution plastique doivent devenir des priorités mondiales. Nous devons transmettre aux générations futures un océan vivant, capable de continuer à produire de l’oxygène, de nourrir l’humanité et de réguler le climat. Préserver l’océan, ce n’est pas un luxe écologique : c’est une condition de survie.
A travers cette interview, Gilles Boeuf nous rappelle que la compréhension scientifique de l’océan est la clé de toute action durable. Préserver sa vitalité, c’est garantir la stabilité de nos équilibres environnementaux, économiques et sociaux. L’océan n’est pas un horizon lointain : c’est un acteur central de nos vies quotidiennes et de notre avenir collectif.
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