Que l’on soit féru de nature ou simple curieux, l’hiver est l’occasion, si l’on possède un jardin, de nourrir les oiseaux pour mieux les observer. C’est habituellement en cette période que les contacts entre humains et oiseaux sont les plus évidents, ces derniers tendant à se faire plus discrets le reste de l’année. Mais la parenthèse 2020 et sa crise sanitaire ont semble-t-il changé la donne. En l’absence d’activités humaines notamment lors du premier confinement, la nature a, par endroits, repris ses aises, s’offrant davantage à notre vue qu’à l’accoutumée. Le citoyen lambda s’est alors trouvé face à une réalité insoupçonnée : l’on s’est étonné d’entendre à nouveau le chant des oiseaux en ville ou de voir des renards en plein Paris, une réappropriation par la nature de notre espace vital largement commentée par les médias.
Un engouement spectaculaire
Lorsque cet étonnement s’est accompagné d’une volonté de témoigner, la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) a constitué un interlocuteur privilégié. En effet, l’association de défense de l’environnement s’attache depuis des années à donner une dimension participative à ses opérations de comptage des oiseaux. Celles qui concernent les oiseaux communs, à l’image du suivi temporel des oiseaux communs (STOC), perpétué d’année en année depuis des décennies, sont ouvertes à tout un chacun à condition d'être capable de différencier les espèces observées. De l’aveu de Frédéric Malher, la participation citoyenne relève plus de la nécessité que d’une démarche consciente des associations. "C’est la seule méthode qui est possible", fait remarquer le délégué régional de la LPO en Île-de-France. "Les scientifiques mettent au point les protocoles puis analysent les données, mais la recherche française n’a pas les moyens de payer des milliers de compteurs en France, c’est forcément un travail bénévole", ajoute-t-il.
Toujours est-il que ce type d'initiative a rencontré l'année passée un succès inhabituel. Le protocole "Confinés mais aux aguets", soutenu par la LPO pour entretenir l’activité scientifique malgré le coronavirus, a connu un engouement spectaculaire, avec plus de 10 000 contributions enregistrées. Et l'opération a aussi séduit des novices, des fiches d'identification des oiseaux ayant été mises à disposition par l'association. "Il y a eu un tel mouvement d’adhésion que la procédure d’inscription a planté pendant plusieurs jours", confie Frédéric Malher.
"Ouvrir le débat"
Il faut dire que ces créatures à plumes ont bonne presse. Elles sont, pour beaucoup, facilement repérables et reconnaissables, contrairement aux insectes par exemple, et nous inspirent une certaine sympathie. Leurs populations reflètent aussi fidèlement l’état de santé de leur environnement. C’est pourquoi leur étude sert officiellement d’indicateur environnemental, reconnu comme nécessaire à l’élaboration des stratégies de protection de la nature. Le STOC a ainsi pu mettre en lumière le lien causal entre la disparition des jachères, imposée par la Politique agricole commune à la fin des années 2000, et l’effondrement des populations d’oiseaux des champs en France.
Ce récent engouement peut-il peser dans la balance pour susciter des politiques publiques de protection de la biodiversité ? "On entend des choses sur la nature dont on ne pouvait pas rêver il y a 30 ans, et cela permet déjà d’ouvrir le débat. Dire que c’est efficace, c’est peut-être un peu optimiste, mais au moins on en parle !", estime Frédéric Malher, évoquant à cette occasion la chute de près de 75 % des effectifs de moineaux dans la capitale. Ces opérations collaboratives semblent d’autant plus justifiées que leurs résultats mettent en lumière le déclin de nombreuses autres populations de volatiles. En somme, l’observation des oiseaux peut être un moyen simple de prêter attention à la nature qui nous entoure, tout en constituant un acte militant pour la sauvegarde de l’environnement.
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