©Andrea Reiman
Chronique

A quoi bon agir quand on sait que la majorité des pollutions nous échappent ?

Si l'année 2018 s'est terminée sur une fièvre jaune, 2019 doit en tirer les leçons et peut être, enfin, répondre à une question : pourquoi les citoyens doivent-ils se restreindre et se responsabiliser là où les entreprises, grosse source de pollution, ne sont pas (assez) incitées à le faire ?

La section "Ask Umbra" est une référence sur Grist, média américain traitant des questions d'écologie et d'alternatives. Depuis 2006, leur journaliste répond aux questions des lecteurs qui s'interrogent sur les modes de vie à adopter par temps de crise climatique, écologique, économique, etc. 

En décembre 2018, une question m'a interpellée tant elle raisonne avec les questions posées en France par le mouvement des gilets jaunes, mais aussi avec une interrogation que beaucoup se posent dans les "milieux agissants" : "à quoi bon agir dans son coin, à quoi bon se mobiliser et faire les colibris alors que les principaux pollueurs ne font rien ?" Pourquoi se sentir coupable de voyager en avion ou d'avoir des enfants alors que ces pollueurs ne sont pas condamnés par le pouvoir politique ?

Pour y répondre, la journaliste Eve Andrews utilise une belle comparaison qui donne de quoi méditer en ce début d'année :

Vous souvenez-vous du credo de l'agent Dale Cooper dans Twin Peaks qui dit 'chaque jour, une fois par jour, faites vous un cadeau' ? Je vous propose de le modifier ainsi 'chaque jour, une fois par jour, faites vous un cadeau pour le futur' de manière à ne pas rester les bras ballants face au changement climatique"

Certes, cela ressemble à un coup d'épée dans l'eau si vous n'êtes pas le PDG de l'une de ces 100 grandes entreprises à l'origine de 71 % des émissions de CO2, mais pour lutter contre ce changement climatique le mieux n'est pas de se mettre hors jeu : "il faut prendre la revanche et s'emparer du jeu climatique" insiste la journaliste, bien consciente de la difficulté de se passer d'un mode de vie basé sur les produits fossiles (pétrole, plastique, etc.) alors que nous en sommes entourés. Mais c'est là qu'il ne faut pas oublier que ces produits issus des énergies fossiles ne sont répandus dans nos économies que parce que leur production est encouragée par des subventions. Aux Etats-Unis, les énergies renouvelables reçoivent sept fois moins d'aides que les énergies fossiles. Et le prix de l'essence ou des vols d'avion sont si peu chers en raison de prix entretenus artificiellement bas par un système de lobbies qui favorise ce fonctionnement.

Le temps de la revanche est venu

Que faut-il faire, dans ces conditions ? Voter pour des représentants qui ne sont pas proches de ces lobbies, premièrement (aux Etats-Unis une liste qui établit celles et ceux qui reçoivent le plus de dons de ces compagnies). Mais comme les élections n'ont pas lieu tous les quatre matins, la question est de nouveau la suivante : quel cadeau limitant le changement climatique pouvez-vous faire pour votre futur chaque jour ?

Sans doute faut-il cesser d'obéir aux règles d'achat définies par ces industries, et préférer au sentiment de culpabilité celui de revanche ou de justice ? "A force de se sentir lésé, à force de trouver cela injuste, il est sans doute temps d'exprimer et montrer ce sentiment !" explique alors la journaliste d'Ask Umbra dans un conseil qui ressemble fort à ce que certains Français commencent à faire aujourd'hui (qu'ils soient gilets jaunes ou gilets verts !)

En somme, sans doute est-il temps de systématiser le buycott en favorisant certains achats sur d'autres, en questionnant sa banque, en favorisant les renouvelables, les achats d'occasion, l'entraide, le local, etc. La bonne nouvelle, c'est que la France est en pointe en la matière, en témoignent nombre d'initiatives relayées sur ID (telle Buy or not, la journée sans achat, I Boycott et le mouvement #Onestprêt par exemple) !

Alors, un conseil pour la suite ? Encore un extrait de Twin Peaks conseillé par Umbra : "Ce que je veux et ce dont j'ai besoin sont deux choses différentes, Audrey" (dixit l'agent Cooper) : "pour différencier les besoins des envies, il suffit de définir ses besoins en fonction du futur dont on a envie - à savoir une civilisation fonctionnelle !" conclut ainsi Eve Andrews.