"Au début de mon année scolaire, je suis allée dans un parc avec des amis et on se demandait si on voulait avoir des enfants plus tard, explique Sara Montpetit, une Montréalaise de 17 ans. Tout le monde ou presque a répondu 'Non, pas avec ce qui se passe actuellement et ce qui va arriver dans l'avenir'. Cette réponse trotte depuis dans ma tête : on ne se voit pas avoir d'enfants à cause des générations précédentes qui ont pollué notre planète, et parce que nous continuons à le faire. Je trouve cela injuste."
Sara Montpetit, qui étudie à l'École secondaire Robert Gravel, sur le Plateau-Mont-Royal à Montréal, explique avoir été particulièrement inspirée en décembre dernier par le discours de la jeune suédoise Greta Thunberg à la COP24. "Face à cela, nous avions le choix de ne rien faire ou d'agir. Bien sûr, les initiatives personnelles sont importantes : manger moins de viande, trier ses déchets, acheter moins de produits emballés dans du plastique... Mais il faut aller plus loin, il faut quelque chose de plus gros." La jeune Montréalaise a décidé d'organiser avec d'autres lycéens depuis quatre semaines des "Vendredis verts", comme en Europe : des journées de grève scolaire durant lesquelles les jeunes sont invités à manifester dans la rue pour le climat.
Pour ce faire, Sara Montpetit a créé le groupe "Pour le futur Montréal", qui relaie sur Facebook et Instagram des informations sur ces "Vendredis verts". "Le premier vendredi, il pleuvait, il faisait très froid, nous n'étions que 200 personnes. Mais depuis, le mouvement prend de l'ampleur. La directrice de la Commission scolaire de Montréal nous soutient, il y a même un collectif des Profs pour la planète qui s'est formé. Le 15 mars (ndlr : journée mondiale de mobilisation des jeunes pour le climat), plusieurs écoles fermeront, précise la Québécoise. Ce que nous demandons, c'est le réveil des politiciens mais aussi de la population."
Quid du niveau post-secondaire (les étudiants, en somme) ?
Pas de "Vendredis verts" du côté des étudiants du post-secondaire (ndlr : post lycée) québécois, pour lesquels la mobilisation a été pensée différemment. Louis Couillard, co-porte-parole du jeune collectif "La planète s'invite à l'Université" et étudiant en droit international à l'Université de Montréal, explique à ID : "La particularité de notre mouvement, c'est qu'il propose des grèves formelles votées en associations étudiantes. Quand on parle de mobilisation sociale au Québec, il y a toujours une référence à 2012 (ndlr : le "printemps érable". Entre le 13 février et le 7 septembre 2012 avait lieu la plus longue grève étudiante de l'histoire du Québec, pour protester contre l'augmentation prévue des droits de scolarité universitaires). Le meilleur moyen est de passer par les structures d'associations étudiantes : pour que ce mouvement puisse perdurer, il faut que cela soit démocratique."
Nous, les jeunes, avons tout à perdre. On veut sauver la planète, on veut changer notre mode de vie, on veut que nos décideurs politiques soient forcés de respecter leurs engagements, à travers le monde et à notre échelle. - Louis Couillard, porte-parole de "La planète s'invite à l'Université".
"La planète s'invite à l'Université", qui a vu le jour le 16 janvier dernier à l'Université de Montréal, a ainsi proposé aux étudiants deux dates de grève pour le climat : le 15 mars, mais également le 27 septembre prochain, date à laquelle le mouvement Earth Strike appelle à une grève climatique mondiale. Plus de 110 300 étudiants québécois ont voté en faveur d'une grève étudiante pour le climat ce 15 mars.
"On voyait les nouvelles en Europe, les jeunes mobilisés et on se disait : mais on est où là-dedans ?, se rappelle Louis Couillard. Quand on lancé notre appel début février en conférence de presse, ça a explosé. On a commencé à recevoir des messages du Québec, du reste du Canada et de l'Europe... Tout le monde a voulu s'impliquer. Aujourd'hui, nous sommes en collaboration étroite avec des regroupements citoyens à travers la province. L'idée est de créer un réel fonds commun citoyen qui va faire pression sur les décideurs politiques."
Les revendications des étudiants pour le climat
Dans un communiqué, "La planète s'invite à l'Université" précise ses revendications. Louis Couillard ajoute que le collectif souhaite organiser un congrès "où tout cela sera sujet à réflexion et à changements."
"Nous demandons :
1. Aux gouvernements d’établir un programme d’éducation à l’écologie et de sensibilisation à la crise climatique, en partenariat avec des jeunes citoyens et citoyennes ; (...)
2. Aux gouvernements d’adopter une loi climatique forçant l'atteinte des cibles recommandées par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) pour limiter le réchauffement planétaire à 1,5 degré Celsius.(...)
3. Aux institutions d’enseignement une plus grande transparence concernant leurs investissements, le retrait des investissements dans les énergies fossiles et la tenue d’un bilan carbone institutionnel afin de pouvoir cibler les plus grandes sources d’émission de GES en vue de les réduire."
"Ici au Québec, la Coalition Avenir Québec (ndlr : la CAQ, parti politique) a été élue avec pour slogan : 'Le changement, c'est maintenant'. Il y avait un réel désir de changement dans la province. Mais l'angle mort de la CAQ, ce sont les changements climatiques. Ça commence de plus en plus à se faire entendre dans les médias : on a remarqué qu'il n'y avait aucune cohérence : le gouvernement du Premier ministre François Legault, tout en se donnant de grosses cibles, continue à encourager des gros projets d'envergure pour le transport des énergies fossiles et donc du pétrole sur notre territoire. Cela va annuler toute tentative de réduire notre empreinte carbone", déplore Louis Couillard.
Le porte-parole de 22 ans fait remarquer que le gouvernement actuel a promis une réduction de 37,5 % de gaz à effet de serre par rapport à 1990. "Nous, on ne demande pas seulement 37, 5 % parce que ce n'est pas ce que le GIEC a recommandé. On veut que ce soit 50 % de réduction d'ici 2030", lance-t-il. Le 15 mars, Louis Couillard s'attend à "beaucoup de mobilisation". "Des manifestations sont organisées dans neuf villes de la province : les plus grosses étant fort probablement à Montréal et dans la capitale, Québec. Notre campagne, c'est de passer des changements climatiques à un réel climat de changement au Québec, et ça doit se faire maintenant."
Le 12 mars dernier, les représentants de "La planète s’invite à l’Université" ont reçu une proposition de rencontre venant du ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques Benoit Charette, le 14 ou le 15 mars. Dans un communiqué, le collectif a dit accepter de rencontrer le ministre seulement après le 15 mars, précisant qu'il est "toujours possible pour les membres du gouvernement ainsi que le Premier ministre de marcher dans la rue afin d’exprimer leur intérêt pour le sujet des changements climatiques".