ID s’est entretenu avec trois jeunes japonais, Ian Shimizu, Moegi Nakamura et Kazuki Hanado. Ils se connaissent personnellement et soutiennent tous les trois le collectif étudiant "Fridays For Future" au Japon, qui relaie et incite à suivre l'appel de Greta Thunberg. Tous trois participeront ce 15 mars à la grève mondiale des étudiants pour le climat : la marche partira de Shibuya, une place très fréquentée à Tokyo.
Ian est particulièrement actif dans le milieu du développement durable au Japon : Kazuki Hanado - qui nous as transmis son contact - le présente comme "un activiste profond, qui soutient de nombreuses revendications et porte la voix d'un grand nombre de jeunes japonais". Il a notamment fondé le "Spiral Club" : un média en ligne dédié à "proposer des occasions de mettre les questions environnementales sur le devant de la scène".
Ian et Moegi sont également membres de l’ONG "350.org Japan", Ian l'a même présidé durant un certain temps. Il s’agit d’une organisation fondée en 2007 dont l’action se concentre sur la lutte contre le réchauffement climatique.
Pouvez-vous vous présenter ?
Ian : J’ai 27 ans mais j’ai en réalité l’esprit d’un homme de 87 ans et le cœur d’un enfant de 7 ans. Je suis engagé depuis que je suis né et je pense que ma vie n’aurait pas pu suivre un autre chemin que celui déjà parcouru. J’ai envie de faire tellement de choses ! Je suis déjà impliqué dans un grand nombre d’initiatives… Mais ce dont j’ai le plus envie là maintenant, c’est d’aller chanter avec des amis au sommet d’une colline verte, face à la mer, durant une chaude journée d’été, en toute sérénité.
Moegi : J’ai 24 ans et je suis stagiaire pour l’ONG "350.org Japan". À côté de cela, j’écris des articles dans Spiral Club. Par la suite je voudrais devenir une graphic designer, pour diffuser mes idées eco-friendly via des supports visuels.
Kazuki : J'ai 25 ans. Je travaille pour une agence d'événementiel spécialisée dans l'organisation d'événements liés à des problématiques sociales et environnementales, Greenapple Inc.
Comment votre engagement se manifeste-t-il au quotidien ?
Ian : J’essaie de ne plus manger de viande et d’économiser de l’énergie en éteignant les lumières le plus souvent possible. Je fais attention aux personnes autour de moi, je tente d'être généreux et de les sensibiliser.
Moegi : En ce qui me concerne, j’essaie de réduire ma consommation de plastique et de viande. Je mange le plus souvent possible des plats que j’ai cuisinés moi-même et je me promène toujours avec une gourde !
Kazuki : Je fais ce que je peux... Je demande à ce que l'on ne me donne pas de touillettes quand je commande un café et j'essaie de ne pas utiliser de sacs en plastique, même si cela implique que je doive transporter mes affaires avec les bras. Mais j'en utilise encore parfois : j'essaie, jour après jour, de m'habituer à un nouveau style de vie, et à produire aussi peu de déchets que possible. Cela me demande beaucoup de temps, d'énergie et de concentration : c'est très difficile !
Selon vous, quelle est la priorité aujourd’hui en matière de protection de l'environnement ?
Ian : La biodiversité est ce qu’il y a de plus important. Sans biodiversité, il n’y aura plus d’écosystème stable où nous pourrons vivre. Et la plus grande menace pour la biodiversité aujourd’hui, c’est le changement climatique. En conséquence, lutter contre le réchauffement climatique est notre engagement collectif principal, beaucoup d'énergie humaine est dépensée pour tenter de répondre à cette problématique.
Moegi : Selon moi, il faut avant tout qu’il y ait un changement dans les mentalités des gens : il faut que leurs centres d'intérêt se déportent des questions économiques vers les questions environnementales et d'habitudes de consommation. J’ai travaillé en tant que bénévole dans une ferme, lors d’un séjour en Europe. Vivre dans la nature m’a fait réaliser à quel point elle était belle et que nous devions à tout prix la préserver.
Kazuki : Ce que je veux voir en priorité, ce sont des enfants en train de sourire, au milieu de la nature. Comment les hommes pourront-ils sourire hors d'un environnement épanoui ? J'aimerais également voir se développer des approches plus pédagogiques des questions environnementales, pour enrichir l'esprit des enfants et des jeunes générations. Et ces efforts doivent selon moi se concentrer sur les populations en situation de précarité.
Quels sont vos moyens d'action pour concrétiser cet engagement ?
Ian : La parole publique que je peux avoir est un des éléments principaux de mon engagement. Je considère que le combat principal doit être de nature politique et que notre engagement personnel doit être voué à mettre la pression sur les hommes politiques. C'est ce dont nous avons besoin : que les politiques évoluent, que des règles plus strictes soient mises en place notamment dans les secteurs du transport et de l'énergie. C'est le seul moyen d'atteindre l'objectif d'avoir un jour un monde "neutre en carbone".
Moegi : Je participe à des campagne de boycott à Tokyo et je soutiens l’association "Fridays For Future". C'est un collectif qui a été créé par des étudiants à l'université. Ils ont commencé à s'inquiéter lorsqu'ils ont compris que l'appel de Greta Thunberg n'était pas relayé au Japon. Ils appellent donc à la mobilisation les vendredis et effectuent des campagnes de sensibilisation dans la rue.
Kazuki : Je ne suis qu'une ombre, je ne fais que coordonner les événements, principalement des temps de rencontre. Les échanges entre les personnes présentes sont un bon moyen de générer de nouvelles idées. Ce sont également des occasions d'apprendre les uns des autres, de se raconter nos histoires et nos expériences. Je ne suis qu'une ombre qui tente de participer à l'éveil des consciences et à créer un nouveau point de départ (ou du moins, j'essaie de l'être!). Dans ce tweet (NDLR : ci-dessous) on peut voir Moegi. Récemment, nous sommes toutes les deux allées distribuer des flyers devant la station Shibuya, sur une des places les plus fréquentées de Tokyo. Nous avons rejoint les personnes qui s'occupent de l'organisation des Fridays For Future et nous leur avons apporté notre aide en essayant de discuter avec les passants (enfin plutôt en leur criant gentiment dessus). Pour une certaine raison, ce tweet a eu beaucoup de succès. Ce n'est probablement pas grand chose comparé au succès du mouvement en France, mais pour le Japon il s'agit d'une importante avancée !