A Poitiers plusieurs écoles font régulièrement classe dehors.
© JEAN-FRANCOIS FORT/Hans Lucas via AFP
Education/Citoyenneté

Faire classe en plein air : une nouvelle manière d’enseigner en plein essor

Article réservé aux abonnés

De la maternelle au lycée, la classe dehors gagne du terrain aux quatre coins de la France. Conseillère pédagogique et pionnière de l’école du dehors, Crystèle Ferjou nous explique pourquoi cette éducation en pleine nature séduit.

Ces dernières années, les classes en plein air connaissent un intérêt grandissant auprès des enseignants et enseignantes. Pour mieux comprendre cet engouement, et ce qui se joue à travers ces initiatives, ID a interrogé Crystèle Ferjou, conseillère pédagogique départementale spécialisée en arts plastiques. 

Pionnière de l’école du dehors, elle est également co-auteure d'Emmenez les enfants dehors - livre paru en 2020 dans lequel elle partage son expérience et encourage parents et professeurs à emmener les enfants dehors. 

Crystèle Ferjou, conseillère pédagogique et pionnière en France de l'école en pleine nature.
© Emmanuel Ferjou

Pouvez-vous nous raconter comment vous avez eu l’envie de pratiquer l’école en plein air lorsque vous étiez enseignante ? 

La pédagogie axée autour de la nature m’a toujours intéressée. Avant d’être professeure des écoles, j’étais éducatrice nature. J’ai notamment suivi la formation "Eco-interprète" qui m’a plongée dans la pédagogie active en espace de nature. Mes premières années professionnelles m’ont conduit à accompagner des élèves en classes de découverte en m’appuyant sur les pratiques de l’éducation à l’environnement.  

Quand je suis devenue enseignante, j’ai monté des projets qui permettaient à mes élèves de vivre des expériences dehors comme la pratique du jardin pédagogique, la construction de cabanes...Mais ce n’est vraiment qu’en 2010, alors que j’enseignais en maternelle à Pompaire (Deux-Sèvres), que j'ai souhaité aller plus loin. L’élément déclencheur a été la lecture d’expériences scandinaves et Suisse en forêt.  

Pourquoi les classes en plein air sont-elles aujourd’hui aussi plébiscitées en France ?  

Ce sont des pratiques qui facilitent les apprentissages mais qui sont aussi bénéfiques pour la santé mentale et physique des enfants. On va mobiliser tout le corps pour apprendre quand on est dehors. C'est un espace plus vaste qui permet aux élèves plus d’exploration. Contrairement à la salle de cours, le dehors va également obliger les enfants à s’adapter en permanence car la nature est en perpétuelle mouvement. Cela va développer leur curiosité mais aussi affiner la manière dont ils observent l'environnement qui les entoure, et surtout leur faire prendre conscience qu’ils font partie de ce monde.  

Pour aller plus loin"L’écologie pour les enfants" 

Combien d’initiatives recense-t-on dans l'Hexagone ? 

Il est difficile d’évaluer précisément le nombre d’établissements car le recensement ne se fait pas de manière systématique. Néanmoins, il est indéniable que le mouvement essaime dans plusieurs territoires, y compris dans les villes. On retrouve aussi des classes en plein air à tous les niveaux d’enseignement, de la maternelle, en passant par la primaire, jusqu’au collège et lycée. La pandémie a été un vrai accélérateur. Les contraintes liées au protocole sanitaire ont favorisé des innovations pédagogiques comme les classes dehors. Ceux qui ont testé cette pratique pendant cette période, ont souvent poursuivi par la suite.  

La classe dehors, d'après Crystèle Ferjou

Cette approche est-elle toutefois toujours bien accueillie, que ce soit par les enseignants ou les enfants ? 

Dans l’ensemble, les enseignants sont plutôt favorables mais ils sont aussi en demande d’accompagnement et de formation. Et pour cause. On ne fait pas classe dehors comme on fait classe dedans.

Par exemple, quand les élèves sont à l'intérieur, ils sont bien souvent assis derrière une table. Dehors, ils vont être soit debout, soit tout seul. Ils ne vont pas être mobilisés corporellement de la même façon. Il faut alors accepter que les élèves changent de posture tout en posant de nouvelles règles d'organisation.

Du côté des enfants, un temps d’adaptation est également nécessaire. Pendant les premières sorties, il va falloir les aider à appréhender ce nouvel environnement de travail qui les sollicite plus car il s'y passe plus de choses.

Quel regard l'Education nationale porte-t-elle sur cette démarche ?

De manière globale, il y a un soutien. A l’échelle nationale, des ressources sont mises en oeuvre pour les enseignants notamment à travers le réseau Canopée ou le dispositif “Notre école, faisons là ensemble !

Seriez-vous favorable à ce que la classe dehors soit inscrite dans les programmes scolaires afin de la généraliser davantage ? 

Selon moi, cette approche pédagogique doit rester volontaire. On ne peut pas l’imposer à tous les enseignants. Il faut avoir une certaine sensibilité pour cette manière d’enseigner. Aimer être dehors pour donner l'envie aux enfants d'y aller et y rester.

La deuxième édition des rencontres internationales de la classe dehors, initiées notamment par la Fabrique des Communs Pédagogiques, a lieu du 14 au 17 mai 2025, à Marseille. Retrouvez plus d’informations ici