Depuis 2021, l'enseignement de l'éthique animale en EMC est inscrit dans le code de l'Education.
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Education/Citoyenneté

Enseigner le respect des animaux à l’école : un voeu pieux ?

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Depuis 2015, les animaux sont juridiquement reconnus comme des "êtres vivants doués de sensibilité". Mais est-ce le cas à l’école ? Alors que la question de l'éthique animale grandit au sein de la société, celle-ci reste relativement absente des programmes et des manuels scolaires, au grand dam des associations de défense des animaux. 

On le sait peu mais depuis la loi du 30 novembre 2021 visant à "lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes", l'éthique animale - autrement dit l’étude de la responsabilité morale des hommes à l’égard des animaux, doit être enseignée dès le CP et jusqu’à la terminale. L’article 25, qui modifie le code de l’Education, mentionne notamment que "l’enseignement moral et civique (EMC) sensibilise également, à l’école primaire, au collège et au lycée, les élèves au respect des animaux de compagnie. Il présente les animaux de compagnie comme sensibles et contribue à prévenir tout acte de maltraitance animale." Mais qu’en est-il dans les faits ?  

Globalement, l’éthique animale occupe aujourd'hui une place mineure à l’école. "La plupart des enseignants ne savent pas que la question du respect des animaux a été intégrée dans les EMC. Il n’y a pas eu de communication du ministère de l’Education nationale à ce propos, ni une inscription claire dans les programmes scolaires auxquels se réfèrent les professeurs pour élaborer leurs cours. Tout cela freine l’application de cet article et donc la sensibilisation des élèves à l’éthique animale", explique Marie-Laure Laprade, enseignante et présidente de l’association Education Ethique Animale.  

A la marge des programmes 

Un manquement que soulève également Jordane Liebeaux, juriste du droit polaire, dans un article publié le 4 décembre 2023 sur le site de la LFDA. Dans les programmes d’EMC au cycle 2 (CP, CE1, CE2), elle note que les animaux sont abordés uniquement en tant qu’objet d’observation biologique. Ils "sont identifiés, observés, et distingués des végétaux, par exemple en abordant les chaînes de prédation", commente la spécialiste. 

Au cycle 3 (CM1, CM2, 6ème), "l’animal fusionne avec le reste de la nature et la notion d’écosystèmes. Les concepts de biodiversité et de développement durable sont au coeur des programmes d’EMC", tandis qu’au cycle 4 (5ème, 4ème, 3ème), "commence la classification des espèces et l’étude de l’évolution et de la génétique", poursuit l’auteure. Une réflexion autour des "conséquences de certains comportements et mode de vie", en lien avec la disparition des espèces, est toutefois amorcée en SVT. Au lycée, si l'éthique animale trouve un écho dans les humanités et les sciences sociales, elle reste absente dans les matières scientifiques – qui les étudient plutôt sous le prisme de l’espèce. 

Les animaux sont mentionnés mais souvent sous l’angle des écosystèmes, de l’environnement. L’accent n’est pas mis sur leurs caractéristiques individuelles. Le fait qu’ils soient capables de réfléchir, d’avoir des pensées complexes et des émotions”, précise Sophie Hild, éthologue et directrice de la Fondation Droit Animal, Ethiques et Sciences (LFDA). 

Sortir d’une vision purement biologique 

Dans une note d’orientations et de propositions pour le renforcement des enseignements relatifs au changement climatique, à la biodiversité et au développement durable, publiée en 2019, le Conseil supérieur des programmes (CSP), pointait du doigt cette vision purement biologique en soulignant que "l’étude de la biodiversité ne peut être réduite à la description de faune et de la flore”.

Selon cette instance indépendante du ministère de l'Education nationale, "elle doit inclure l’ensemble des interactions, y compris avec les êtres humains", avant d’ajouter : "L’homme faisant partie du vivant, il convient également de prendre en compte l’idée de services rendus par la nature, parce qu’elle permet la prise de conscience d’un phénomène majeur : en déséquilibrant la biodiversité, l’Homme compromet son propre avenir." 

Pour les associations de défense des animaux, comprendre notre appartenance au vivant serait aussi essentiel pour le développement des jeunes. "A travers l’animal, on peut transmettre des valeurs comme l’empathie, la compassion, cultiver le sens des responsabilités et le respect d'autrui", relève Sophie Hild. Par ailleurs, civiliser dès le plus jeune âge à la question animale permettrait de lutter contre les violences.

Une grande quantité d’études attestent du lien entre les violences faites sur les animaux et les violences faites entre les humains. Apprendre à prendre soin des animaux, c’est donc aussi apprendre à prendre soin de ses pairs”, abonde Marie-Laure Laprade. 

Pallier le manque de formation et d’informations 

Si pour les acteurs associatifs une meilleure intégration de l’éthique animale dans programmes, et par conséquent dans les manuels scolaires, est fondamentale, l'accent doit aussi être mis sur la formation des enseignants et l'accès à des ressources pédagogiques. Pour pallier ces différents manques, les associations prennent aujourd’hui le relais. L214 Education met par exemple à disposition des professeurs des supports éducatifs tout comme l’association Education Ethique Animale qui propose plusieurs outils en ligne à destination des enseignants : une fresque des animaux pour mieux comprendre la condition animale, ainsi qu’une formation gratuite pour aborder en classe, à partir du CM1 et jusqu’en 3ème, le respect des animaux.  

Autant de clés qui doivent permettre de favoriser l’émergence de l’éthique animale en EMC, en attendant une refonte des programmes scolaires. Celle-ci doit avoir lieu en septembre prochain. Du côté des défenseurs de la cause animale, le rendez-vous est pris. 

Les enfants connaissent-ils bien les animaux ? 

C’est la question à laquelle a tenté de répondre une récente étude menée par la Chaire bien-être animal auprès de 518 élèves de CM1-CM2 pour la Fondation Droit Animal, Ethique et Sciences (LFDA). Voici les principaux chiffres qu’il en ressort :  

- 76 % des enfants interrogés pensent que l’humain ne fait pas partie du règne animal. 

- 34 % des élèves ne savaient pas faire le lien entre un nugget et le poulet dont il est issu. 

- 25 % des enfants interrogés n’auraient vu un animal de ferme qu’une seule fois dans leur vie. 

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