Le collectif de parkour rennais Wizzy Gang éteint les enseignes des commerces qui restent allumées entre 1h et 6h.
©_filex_/Wizzy Gang
Education/Citoyenneté

"Pas besoin d’être militant pour être concerné": des sportifs désobéissent contre le gaspillage d'électricité

Ces derniers mois, les opérations "lights off", pour lutter contre la pollution lumineuse dans les grandes villes, se multiplient. Un temps menées par des collectifs militants, ces extinctions d'enseignes lumineuses ont vu des collectifs de sportifs s'y essayer, avec succès. 

Qui aurait pu croire que le parkour, ce sport qui consiste à évoluer de manière acrobatique, principalement dans un environnement urbain, pouvait être utile à la cause environnementale ? La démarche est partie d'un constat : les enseignes lumineuses des commerces urbains, qui doivent être systématiquement éteintes entre 1h et 6h du matin, ne le sont jamais ou presque. Mathieu a 26 ans, travaille dans une agence d’architecture, et fait partie du Wizzy Gang, un collectif de parkour qui mène à Rennes des actions d’extinction d’enseignes lumineuses. ID l'a rencontré pour parler de ces opérations "lights off".

Le parkour, ça consiste en quoi ?

C’est un sport, une façon de se déplacer dans l’espace urbain ou naturel. C’est quelque chose qu’on peut faire depuis que l’on est petit, en explorant, escaladant des obstacles. Nous, nous avons continué à grimper, escalader, dans la ville, et aujourd’hui, nous sommes capables de sauter entre deux toits par exemple.

J'imagine que cela demande beaucoup d'entraînement... 

Ça demande beaucoup d'entraînement, en effet, des entraînements quasiment quotidiens. Normalement, nous nous entraînons beaucoup en salle de gym, mais en ce moment, avec le Covid, c'est compromis. Sinon oui, il y a clairement tout un entraînement derrière le parkour, notamment au sol, ça ne s’improvise pas.

Déambuler dans les rues la nuit, en se munissant de grandes perches et autres bâtons, pour éteindre les lumières des commerces... On s’est demandé comment nous pouvions mettre le parkour à contribution dans cette démarche."

Vous avez impliqué votre groupe dans une démarche désobéissance civile, comment vous est venue cette idée ?

Nous avons découvert une vidéo de la chaîne YouTube "Partager c’est sympa", qui mettait en lumière des initiatives qui voyaient le jour un peu partout en France, qui consistaient à déambuler dans les rues la nuit, en se munissant de grandes perches et autres bâtons, pour éteindre les lumières des commerces. On s’est demandé comment nous pouvions mettre le parkour à contribution dans cette démarche. Nous avons commencé à nous promener, nous aussi, dans les rues pour repérer les interrupteurs qui servent aux pompiers et sont destinés à couper le courant en cas d’incendie notamment. Ils sont généralement à trois mètres et quelques de hauteur, juste à côté de l’enseigne du commerce. On essaye alors d’imaginer un « itinéraire » d’escalade, ou simplement de prendre de l’élan, en mettant un pied sur le mur, pour aller actionner l’interrupteur. Le lendemain le commerçant doit aller l’actionner à son tour, de cette manière il est prévenu que son enseigne a été éteinte, ce qu’elle est censée être, légalement, entre 1h et 6h.

©_filex_/Wizzy Gang

Vous bravez donc l’interdiction du couvre-feu pour poursuivre ces missions, en ce moment, ou avez-vous arrêté ?

Non, nous avons arrêté depuis le couvre-feu, car risquer 135 euros d’amende tous les soirs c’est compliqué. Mais depuis le début de ces opérations, on a constaté la différence, il y avait beaucoup moins d’enseignes allumées dans Rennes. Nous nous sommes dit que l’engouement pour notre mouvement commençait peut-être à porter ses fruits.

Derrière l’action de désobéissance civile, il y a aussi, tout simplement, un jeu ?

Au début, c’est vraiment né de cette manière. Lorsqu’on rentrait de nos entraînement de parkour par exemple, on s’amusait plus de cette démarche qu’autre chose. Au fur et à mesure, nous nous sommes aperçus que l’économie d’énergie était quand même un enjeu majeur, particulièrement en hiver. Nous en avons donc fait une vidéo, fin décembre 2020, et elle a très bien marché. En continuant à nous renseigner sur le sujet, on a donc continué, en alliant l’utile à l’agréable si l’on peut dire.

Dans 98% des cas, je dirais, le commerçant est compréhensif."

Avez-vous eu des témoignages de commerçants qui ont adhéré à la démarche ou qui, au contraire, étaient en colère ?

C’est une action que l’on essaie de faire avec un maximum d’interactions avec les commerçants. S’ils sont là et qu’ils nous voient faire, on va bien sûr leur parler et expliquer notre geste, on ne fait pas ça en douce en fuyant si jamais la personne nous interpelle. Dans 98% des cas je dirais, le commerçant est compréhensif. On a pu voir dans le reportage que quelques commerçants n’étaient pas forcément fans de la démarche, mais c’est rare. Je pense que les gens commencent vraiment à comprendre les enjeux liés au réchauffement climatique, et ce genre d’action non-violent, non dégradant, est de mieux en mieux vu et soutenu.

Les gens qui font partie de ce collectif ne sont pas de grands militants, mais plutôt des gens « comme tout le monde » finalement ?

Bien sûr. C’est une génération de jeunes qui a pris le réchauffement climatique sur les épaules, comme héritage des générations précédentes. Il n’y a pas besoin d’être militant pour être concerné et conscient de ces problématiques. Il n’y a pas non plus d’engagement politique. C’est une démarche humaniste : on est tous sur la même planète, et à un moment où il faut s’en occuper et en prendre soin. On est aussi une génération qui n’attend plus que les choses viennent d’en haut, qui n’y croit plus vraiment parce qu’il y a beaucoup de belles paroles et peu d’actes finalement. Faire parler de cette initiative, c’est notre façon d’apporter notre pierre à l’édifice, c’est assez valorisant de voir que cela prend de l’ampleur.

Une interview réalisée en partenariat avec France Inter. Ecoutez la chronique Social Lab dans le player ci-dessous.

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