Les voitures ne se vendent plus aussi bien qu’avant. La pandémie du Covid-19 a asséné un coup de massue au secteur automobile, qui n’a jamais retrouvé ses performances d’avant-crise. Alors que 2,21 millions de véhicules étaient vendus en France en 2019, seul 1,72 million a quitté les concessionnaires français en 2024.
Au micro de RMC/BFMTV, le lobbyiste Luc Chatel, président de la Plateforme automobile (PFA), a fait part de son inquiétude face à une "crise structurelle" que le secteur doit conjuguer avec la "difficulté de la transition" vers l’électrique.
L’ancien ministre a interpellé l’Union européenne sur une "décision réglementaire qu’elle a imposée à l’ensemble des industriels de la filière, alors qu’eux-mêmes avaient engagé de gros efforts en matière de réduction des émissions de CO2" et a appelé à "remettre de la souplesse".
Une nette hausse des prix
Les réglementations de l’UE, et notamment l’interdiction de la vente de véhicules à moteur thermique d’ici 2035, pousseraient les consommateurs à ne considérer que les voitures électriques lors de l’achat d’un modèle neuf. Or ce type de véhicule coûtant généralement plus cher que ses équivalents thermiques, les potentiels acheteurs finiraient par renoncer au neuf.
Toutefois, une étude de l’Institut des mobilités en transition (IMT) réalisée en partenariat avec le cabinet de conseil C-Ways et relayée par Novethic, relève que sur les 24 % d’augmentation du prix moyen des véhicules vendus en France, seuls 6 % découlent de l’électrification.
Pour le reste, 6 % proviennent de la hausse du coût des matières premières. Quant aux derniers 12 %, ils sont imputables aux constructeurs eux-mêmes. "L’effet "pricing power" a compté pour environ un tiers (+ 4 %) et la montée en gamme pour les deux tiers en moyenne (+ 8 %) avec cependant des disparités sensibles selon les constructeurs", expliquent les auteurs.
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Expression popularisée par Carlos Tavares, l'ancien directeur général de Stellantis, l'effet "pricing power" consiste, pour les constructeurs, à profiter de leur position de force dans une période où l’offre est inférieure à la demande, comme lors de la pénurie engendrée par la crise du Covid-19. Ils ont pris la décision de privilégier les gros véhicules, plus chers et donc plus rentables que les petites citadines.
Ainsi, les principaux constructeurs mondiaux ont réalisé des chiffres d’affaires records entre 2021 et 2023, dépassant même les 160 milliards en 2023, selon Franceinfo.
Un retour de bâton prévisible
Cette politique se solde cependant par un retour de bâton, les foyers les plus modestes ne pouvant se permettre d’effectuer des achats aussi onéreux. "La pratique des prix élevés ça marche tant que vos modèles sont nouveaux. Mais quand vos voitures sont moins modernes (...) alors cette stratégie ne fonctionne plus", explique Eric Champernaud, directeur général de C-Ways.
Le cabinet a comparé l’évolution des ventes de quatre marques françaises ces quinze dernières années. Ainsi, si Citroën, Renault et Peugeot enregistrent une chute de leurs ventes, Dacia, la marque à bas coût du groupe Renault, affiche une progression remarquable, passant de 100 000 modèles vendus en 2010 à 150 000 en 2025.
Bernard Jullien, maître de conférences en économie à l’université de Bordeaux et spécialiste de l’automobile, rappelle dans une interview à Franceinfo que "les clients ont toujours fait ce que les constructeurs, leur publicité et leurs vendeurs voulaient qu'ils fassent".
Une manière pour lui de soutenir que l’électrification du parc automobile d’ici 2035 n’est pas un objectif inatteignable : "Il faudrait que les commerciaux soient formés à vendre des véhicules avec une autonomie de 250 km, en rappelant aux clients que les pleins d'essence sont le principal poste de dépense des ménages. Et que perdre une heure sur un Paris-Brest pour recharger sa voiture, ça peut valoir les économies faites."