Comment en êtes-vous venus à vous intéresser aux forêts vierges de Roumanie ?
Nous avons été bombardés par des infos, articles et vidéos, à propos de plusieurs scandales liés à la déforestation illégale en Roumanie. Contrairement à la France, il y a toujours des choses à sauver dans ce pays : des forêts intactes depuis des millions d’années, totalement indépendantes de l’action humaine, n’obéissant qu’aux lois strictes et équilibrées de la nature.
1 à 3 % des forêts européennes sont encore vierges, et la majorité d’entre elles se trouvent sur le territoire roumain.
Cette prise de conscience nous a motivés à aller voir par nous-mêmes, à s’approcher au plus près du cœur d’un écosystème intouché. C'était une chance de pouvoir filmer et se perdre dans des bois si anciens, où des hêtres énormes, de plusieurs centaines d’années, abritent le plus grand nombre d’ours, de loups, de lynx et de chèvres sauvages d’Europe, ainsi qu'un tiers de toutes les espèces végétales du continent, toutes réunies dans les Carpates roumaines…
Vous n'abordez pas le thème de la déforestation de manière frontale, pourquoi ?
Notre première conviction était que ce film ne serait pas centré sur le scandale. Les médias ont tendance à nous concentrer aveuglément sur ce que nous sommes en train de perdre, ce que nous avons échoué à préserver. Alors qu’il y a toujours un trésor à protéger, pour lequel nous devons agir, quelle que soit notre nationalité ! Virgo veut être un témoignage de la beauté de ce qui est encore là, dans le but de faire prendre conscience à différentes échelles, mais surtout à une échelle européenne, de l’existence de ces forêts. Les forêts amazoniennes sont en train de disparaître, mais les forêts européennes, trop méconnues, pourtant sous nos yeux, s'éteignent elles aussi.
Les poumons de l’Europe s’arrêtent peu à peu de respirer, et nous pourrions être la dernière génération à les savoir encore debout.
Nous voulions tout voir sous un angle différent. Car en Roumanie, il y a beaucoup de pessimisme autour de cette situation. Mais les images et l’ambiance du film reflètent exactement ce que nous avons trouvé sur place : là-bas, dans la nature la plus sauvage, nos yeux brillaient de joie et d’émerveillement face à tant de vie.
Comment s'est déroulé le tournage ?
Nous avons été deux, pendant 55 jours, à parcourir près de 6000 km à travers le pays. Pendant des heures, en s’enfonçant toujours plus loin dans les territoires sauvages, nous devions chuchoter pour ne pas perturber les animaux. Nous avons usé de patience pour filmer et enregistrer. Nous écoutions la forêt même lorsqu’elle ne nous disait rien. Traduire cette ambiance de manière sonore et visuelle n’a rien de simple. Les sensations sont uniques et magiques.
Qu'apporte le format d'un documentaire non-verbal ?
Toujours en réponse aux articles et autres scandales médiatisés, nous avons tendance à oublier d’écouter. Virgo offre de l’espace pour qui veut contempler et entendre le message des arbres et des paysages eux-mêmes. C’est pourquoi nous avons pris la décision de ne pas mettre de narrateur entre l’environnement montré et le spectateur. Nous voulions une expérience lente, qui puisse toucher les gens plus intensément, plutôt qu’un documentaire hyper rythmé et bourré de faits, qui selon nous n’aurait pas le même message et encouragerait la peur plutôt que l’espoir.
Comment représente-t-on un enjeu écologique à l'écran ?
Notre plus gros challenge a été de ne pas trouver d’aides financières ni de soutien par une institution ou une association influente. Le sujet de la déforestation est assez méconnu, fui ou ignoré – car il représente énormément d’argent pour ceux qui ont su en profiter quand personne n’y prêtait encore attention.
Il est compliqué d’attirer le regard sur un enjeu écologique aussi important.
La communauté écologiste et activiste est encore trop peu nombreuse. L’audience est limitée surtout à des représentations plus artistiques et expérimentales. Cependant nous sommes toujours très optimistes, nourris du désir de ralentir et de rappeler à notre façon que nous avons besoin plus que jamais de retour au calme et d’un environnement plus sain pour vivre.
Une culture de l'écologie pourra-t-elle s'affirmer dans le cinéma ?
L'écologie est plus qu'un simple thème pour notre génération. C'est un véritable enjeu. Un concept avec lequel nous sommes nés et autour duquel nous construisons. Cette culture de l'écologie s'affirme déjà et continuera de s'affirmer au cinéma et dans tous les autres arts et moyens d'expression possibles.
L'écologie est un style de vie que nous avons adopté pour plusieurs années.
L'écologie se vit – vie professionnelle et vie privée confondues. Nous devons tous commencer à penser et vivre écologie. Nous n'avons pas le choix. Nous pourrions en parler pendant des heures…
Enfin que veut dire Virgo ?
Un désir de retour à un état pur et simple. Pas un retour dans le passé mais l’image d’un futur qui se nettoie et se rééquilibre. Virgo se traduit littéralement par vierge. Virgo est féminine comme Mère Nature. Virgo est fertile, stricte et maternelle. Il est important de laisser plus de place à ce côté féminin et abandonner le trop-plein de masculinité, qui nous a apporté plus de souffrance que d’harmonie.
Virgo
Projection le samedi 5 janvier 2019 de 18h à 21h, dans le cadre de l'événement Voyage en Transylvanie (du 12 décembre au 13 janvier).
Ground Control, 81 rue du Charolais 75012 Paris
Au programme :
- À 16h, en direct du studio de Radio Ground Control, retrouvez l'émission Au gré du Ground avec les réalisateurs du documentaire.
- À 18h, les réalisateurs de Virgo, Lise & Vlad, vous présentent leur projet et ses enjeux sur la déforestation illégale dans les forêts vierges en Roumanie.
- À 18h20, découvrez une performance immersive d'artistes roumains : Lucian Matei à la flûte traditionnelle et Adrian Epure au didgeridoo et aux percussions chamaniques. Concert qui introduira de manière sensorielle la projection du documentaire.
Pour plus d'informations, cliquez ici.
Retrouvez toutes nos propositions de sorties culturelles (et durables) dans notre agenda participatif.