À l’occasion de sa résidence d’écriture à Mains d’Œuvres (Saint-Ouen), l’auteure et metteur en scène Noémie Fargier s’aventure dans des questionnements poético-sensibles autour de l’imaginaire du jardin en ville. Elle propose ce mercredi 11 avril une première expérience interactive et participative, réalisée avec le créateur sonore David Hess et l’artiste programmeur Philippe Boisnard. Une immersion sensorielle au cœur de l’environnement sauvage de nos villes contemporaines. Interview d’une artiste urbaine, et sensible.
Le jardin est un endroit de refuge, de rêverie et de création d’une utopie concrète.
Vous mêlez culture et “agri-culture”, pourquoi ?
L’idée de travailler sur l’imaginaire du jardin m’est venue parce qu’elle rejoint plein d’enjeux de société. C’est parce que la ville peut nous agresser qu’on a besoin de ces espaces qui sont entre l’ouvert et le fermé. Le jardin est un endroit de refuge, de rêverie et de création d’une utopie concrète, à la fois collectif, mais aussi très intime, dans lequel on peut aller seul, pour jardiner ou juste pour penser. Je suis donc allée à la rencontre des personnes engagées dans des projets d’agriculture urbaine ou de végétalisation sur le territoire, notamment les jardins de Guinot, de l’Impasse Juif et les parcelles associatives du Grand Parc (à Saint-Ouen), le jardin Cristino Garcia et l’Usine à Gazon (à la Plaine Saint-Denis), ou les jardins du Ruisseau (Paris 18e). Je voulais comprendre ce qui animait ces gens qui aspirent à un mieux-vivre.
Quand on plante quelque chose, il y a une relation presque filiale, c’est émouvant de voir ces graines sortir de terre. Ces projets apportent aussi un autre rapport aux autres, parce qu’on ne crée pas un jardin seulement pour soi mais aussi pour que ce soit agréable pour tous. Et puis, que partage-t-on dans un jardin partagé ? Est-ce que les gens respectent le lieu ? Comment s’investir quand c’est une terre qui appartient à tous ? Ça pose des questions politiques, sur le vivre-ensemble, la construction d’un futur, mais aussi d’un présent, meilleur. Mais j’aborde plutôt cela à partir de la sphère intime.
Quand les parcs sont programmés par la ville, ça fait parfois un peu garage à poussettes…
À quoi va ressembler cette première “expérience sonore et gustative” ?
Urbain sensible propose une approche plus large, presque métaphorique, sur notre environnement urbain. Est-ce que ça nous rend hypersensibles, ou est-ce que ça nous insensibilise ? Quel désir de refuge, de fuite ou d’évasion ? Et quels espaces pour cela ? C’est un questionnement à la fois sociétal, philosophique, mais surtout sensible.
Le spectacle est essentiellement sonore, réalisé à partir de plusieurs enregistrements faits dans Saint-Ouen et le nord de Paris. L’idée, c’est de plonger les spectateurs en immersion dans ces sons, de créer une autre attention à ce qui nous environne quotidiennement, pour jouer avec la mémoire sensorielle. Ensuite, il y aura une partie plus participative, pendant laquelle chacun pourra partager par écrit ses sensations à l’aide d’une application conçue pour l’occasion. Et à la fin, un temps plus informel, autour d’une soupe, pour prolonger la discussion. Les spectateurs seront donc les co-auteurs de cette rencontre. Le 11 avril sera une première étape de création au contact du public, avant d’en faire une forme en extérieur, en partenariat avec le collectif d’architectes La Gonflée. Cette deuxième étape de création se déroulera le 30 juin à la Plaine Saint-Denis, dans le cadre du festival Croisière sur la Plaine. Pour amener le théâtre ailleurs, l’ancrer dans la vie.
Les jardins seraient-ils une solution à la pollution sonore des villes ?
Oui, on se confronte tous les jours à quelque chose de violent au niveau sonore, et on a besoin d’endroits pour souffler. Mais c’est compliqué : moi j’adore les jardins partagés, qui sont vivants, libres, où la végétation part un peu dans tous les sens, c’est ce qui fait leur beauté. Or, ce n’est possible que sur des friches, et il n’y en a pas beaucoup en centre-ville. Et quand les parcs sont programmés par la ville, ça fait parfois un peu garage à poussettes !
Le but d’Urbain sensible, c’est d’abord de faire vivre un voyage intérieur pour qu’on ressorte ensuite dans sa rue, dans son quartier, et qu’on entende la ville différemment. À Saint-Ouen par exemple, il y a énormément de travaux, c’est une ville en mutation, ça peut être positif mais en attendant c’est beaucoup de désagréments. Pour autant, il y a des bruits synonymes de vie. L’autre jour, je suis allée prendre des sons au marché, c’était très animé. À l’inverse, les campagnes deviennent de plus en plus silencieuses, parce qu’il y a de moins en moins d’oiseaux et d’insectes. En ville, le problème, c’est surtout le manque d’espace, que ce soit pour des jardins ou juste pour habiter, en fait. On a besoin d’espace !
Urbain sensible
De Noémie Fargier (conception, écriture, voix), David Hess (création sonore) et Philippe Boisnard (artiste programmeur)
Mercredi 11 avril 2018 de 19h30 à 22h30
Mains d'Œuvres, 1 rue Charles Garnier 93400 Saint-Ouen
Pour plus d'informations, cliquez ici.
- Une deuxième étape de création en salle aura lieu le 19 mai à 20h30 au festival Les Alentours, la Friche de Strasbourg.
- Première étape en extérieur, avec La Gonflée, le 30 juin à la tombée de la nuit au festival Croisière sur la Plaine, à l'Espace imaginaire, La Plaine Saint-Denis.
Retrouvez toutes nos propositions de sorties culturelles (et durables) dans notre agenda participatif.