©Rachel Lévy
Chronique culture

Rachel Lévy : une esthétique du compost

L'artiste photographe Rachel Lévy, connue pour ses portraits de fleurs fanées, poursuit son travail autour du potager du château de La Roche-Guyon (Val d'Oise). Du 23 mars au 30 juin, elle y présente une douzaine de grands formats proposant un regard différent et sensible sur… le compost.

Comment est née cette exposition ?

Avant ça, je travaillais déjà autour des fleurs et des plantes, donc quand on m’a proposé de faire une résidence au château de La Roche-Guyon, j’ai sauté sur l’opportunité. Au départ, je n’avais aucune idée de ce que j’allais faire. Il m’a fallu un temps d’observation assez poussé, en arpentant le jardin pendant des jours et des jours, pour que finalement me soit révélé quelque chose de l’essence profonde de cet endroit, en l’occurrence son fonctionnement en permaculture et donc le compost.

Je voulais produire quelque chose de radicalement différent, essayer de traduire ce qui m’importe le plus profondément, au-delà des émotions purement esthétiques. Aujourd’hui, on est tous pris dans cette avalanche d’images qui ne s’arrêtera jamais.

Pour créer autre chose, il fallait toucher à quelque chose d’un peu plus universel, qui avait forcément à voir avec le déclin et la renaissance.

La vie c’est ça aussi, un cycle, un changement perpétuel. Je devais photographier ce qui se passait au sol.

C’est la première fois que vous travaillez de cette manière ?

Absolument. J’ai compris que je ne pouvais pas photographier le compost tel qu’il était : j’ai superposé des images, en négatif, en positif, en gardant certaines choses, en en enlevant d’autres. Mais de façon à ce qu'on comprenne que ça reste du végétal.

©Rachel Lévy

Je pense que j’ai ouvert une fenêtre sur quelque chose de différent. C’est un autre cycle qui démarre, où je me sens beaucoup plus libre. Le travail que je réalisais avant, qui était très inspiré de la planche botanique, avec un côté décalé, je l’ai fait en m’amusant, parallèlement aux piges que je faisais pour des journaux. J’ai commencé à photographier des fleurs fanées, j’ai rempli un mur chez moi. Un jour, une amie est venue et m’a dit qu’elle voulait ça pour sa galerie. Puis c’est parti aux Rencontres d’Arles, sans que j’aie rien à faire. Mais ce n’était pas pensé comme un travail.

D’où vous vient cette passion pour la nature ?

J’ai toujours adoré jardiner. Ça s’est accentué il y a 25 ans, quand j’ai emménagé dans un appartement avec une grande terrasse. Maintenant on ne peut plus y bouger ! J’y ai planté plein de trucs, puis j'ai commencé à fréquenter des jardiniers, des paysagistes. J’aime beaucoup cette atmosphère. Petit à petit, on tombe dans une sorte de niche, et c’est comme ça que je suis arrivée à La Roche-Guyon. En tant qu’artiste “plasticienne”, ça me paraissait évident de travailler autour du potager, qui est assez étonnant. Mais effectivement, au début, quand j'ai dit que je voulais me pencher sur le compost, tout le monde m’a regardé d’un air ahuri !

©Rachel Lévy

Pour moi, ce qui est beau n’est pas évident.

Des fleurs fanées, c’est une autre forme de beauté que celle de la fraîcheur. Je pense que le sens esthétique se trouve dans plein de domaines de la vie, c’est aussi une attitude. Il fallait essayer de faire passer ça dans ce travail. Le plus important est de toucher à une émotion autre, de la vie, de la lumière, tous ces enchevêtrement de végétaux qui vont se décomposer et donner naissance à une terre fertile.

Votre travail porte-t-il un message écologique ?

Oui, c’est évident. Même si aujourd’hui on est un peu sombre, catastrophiste, tout le monde parle d’effondrement, moi je voulais passer un message positif. Après, bien évidemment il faut exiger des choses à nos gouvernements, aller défiler, etc. Mais je crois plus à l’effort individuel.

On mange trop, on a trop de fringues, il faut d’abord modifier nos habitudes personnelles de consommation. Le compost, c’est une espèce de recyclage.

©Rachel Lévy

Métaphoriquement parlant, c’était aussi important dans ce travail d’inverser l’ombre et la lumière, parce que sans le soleil ce monde-là n’existerait pas. Il fallait vraiment que j’aille dans ce sens. Alors je ne sais pas si c’est "écologique" que d’être du côté de la vie et de l’espoir, mais je pense qu’on n’a plus le choix !

FERTILE – Rachel Lévy
Du 23 mars au 30 juin 2019
Château de La Roche-Guyon
1 rue de l'Audience 95780 La Roche-Guyon
Pour plus d'informations, cliquez ici.

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