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Culture

André-Joseph Bouglione : "j'ai décidé d'arrêter d'exploiter des animaux dans mon cirque"

André-Joseph Bouglione, descendant de la famille circassienne Bouglione, a décidé d'arrêter toute exploitation animale dans ses spectacles. Il s'apprête à lancer le premier "éco-cirque : 100 % humain et sans animaux", à l'horizon 2019.

L'éco-cirque Bouglione devrait voir le jour à l'horizon 2019. Ce cirque sans animaux et écologique est une première dans le métier. André-Joseph Bouglione, à l'initiative du projet, nous explique ses motivations.

Qu'est ce que l'éco-cirque, "100 % humain et sans animaux" ? 

Depuis 2016, nous avons décidé d'arrêter d'exploiter des animaux, sauvages comme domestiques. En 2019, nous lancerons l'éco-cirque. Les costumes des artistes seront confectionnés sans matière animale, sans cuir, sans plume, sans soie, sans fourrure. Une part de la recette sera également reversée à notre association, "Objectif 100 % humain" : nous soutenons des projets partout dans le monde pour réintroduire les animaux à l'état sauvage et pour la sauvegarde des espèces en voie de disparition. Enfin, il y aura une dimension écologique au spectacle : par exemple, nous n'utiliserons aucun camion, nous aurons une centrale solaire, des solutions de récupération d'eau, de déchets, de compost... 

Le cirque, c'est la prison à perpétuité pour des animaux qui sont parfaitement innocents."

Pourquoi avez-vous décidé d'arrêter de présenter des animaux dans vos spectacles ? 

Nous sommes devenus anachroniques. Notre public commençait à s'éloigner de nous : souvent, des parents sont venus nous voir après les spectacles pour nous expliquer leur malaise au moment où les éléphants et les fauves entraient en piste. Nous nous devions d'être à l'écoute de notre public. Autrement, on ne peut pas avoir la prétention de faire un spectacle populaire. Puis, par rapport à nos animaux aussi, on ressentait un malaise. Leur qualité de vie, leur confort, le fait qu'ils soient enfermés à vie... Il fallait que ça change. C'est la prison à perpétuité pour des animaux qui sont parfaitement innocents.

Aujourd'hui, lorsqu'on fait entrer un animal en piste, on brise le rêve. Ce n'est plus féérique, c'est juste devenu sordide. "

Comment cette décision a-t-elle été reçue dans le monde du cirque ? 

Comme une trahison. Au moment de cette prise de conscience, il m'a fallu du temps pour en parler seulement à ma femme et à mes enfants. Alors je vous laisse imaginer le reste. C'est une grande remise en question parce qu'on est conditionné dès l'enfance, dans le ventre de nos mères : les enfants de cirque entendent les rugissements des fauves, c'est naturel pour nous ! Lors de mon baptême comme à mon mariage, il y avait des animaux, parce qu'ils font partie de la famille. Surtout chez les Bouglione, c'est très puissant. Il a fallu se désintoxiquer de toute cette influence, accepter et assumer  le fait d'en parler publiquement et de le défendre. C'est une espèce de honte dans le milieu circassien, un tabou : c'est perçu comme une transgression de ne plus faire comme nos anciens. Pourtant, on a toujours la même ambition : faire rêver les gens. Et aujourd'hui, lorsqu'on fait entrer un animal en piste, on brise le rêve. Ce n'est plus féérique, c'est juste devenu sordide. 

Du côté du grand public, comment cela s'est-il passé ? 

Evidemment, il y a des gens qui sont amoureux du cirque traditionnel et très attachés aux spectacles d'animaux. Mais nous avons surtout reçu énormément de messages de soutien, de remerciements, d'amour... Les gens nous disent merci parce qu'ils peuvent enfin retourner au cirque avec leurs enfants sans aucun malaise.

L'éco-cirque Joseph Bouglione, premier cirque sans animaux

Une interview réalisée en partenariat avec France Inter. Pour écouter la chronique Social Lab, cliquez ici