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CHRONIQUE JURIDIQUE

Monnaies locales : quelles sont les règles applicables ?

L’eusko basque, l’Epi lorrain, ou l’Abeille lot-et-garonnaise, toutes sont des monnaies locales dites complémentaires. Ces outils se développent depuis quelques années dans le but de dynamiser l’économie locale.

La loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire a introduit la possibilité, encadrée par la loi, de créer des monnaies locales. Ces monnaies ne sont pas des unités de change classiques et indépendantes, elles sont adossées à la devise nationale, à savoir l’euro et doivent respecter un cadre légal précis. Il convient tout d’abord de préciser que ces monnaies ne sont que complémentaires. Ainsi, tous les commerces d’un lieu où est diffusé une de ces unités de compte ne sont pas obligés d’accepter les paiements dans ces espèces. Il n’est pas plus possible de forcer un consommateur à payer via cette monnaie en refusant de vendre le bien ou le service si l’unité de paie proposée est l’euro.

Les monnaies locales ne peuvent être créées que par des acteurs précis, énumérés à l’article 1 de la loi du 31 juillet 2014, d’après le code monétaire et financier. Ainsi, les personnes morales de droit privé ayant pour seul objet social la diffusion de cette unité de change, des associations ou fondations régies par la loi du 1er juillet 1901 ayant inscrit la diffusion d’une telle monnaie peuvent se lancer dans la création d’une unité de change locale.  

Payer des services publics 

Certaines collectivités territoriales peuvent en outre conclure des accords avec une telle monnaie. En effet, d’après la fiche de la direction générale des finances publiques sur le sujet datant de septembre prévoit que les collectivités locales peuvent contracter avec la personne morale émettrice d’une monnaie locale pour permettre les paiements, notamment de services communaux publics. Les utilisateurs peuvent donc payer des services publics avec ces unités de comptes complémentaires. Il n’est cependant pas possible de payer des impôts et taxes avec les monnaies locales.

Ces monnaies locales doivent en outre se limiter à un espace géographique précis.  En effet, leur délimitation doit être mentionnée et elles ne peuvent être utilisées sur tout le territoire national. Cette contrainte suit l’objectif de la loi du 31 juillet 2014 qui vise à développer l’économie locale. Ainsi, ces substituts à l’euro servent à dynamiser les échanges dans un territoire défini, que ce soit un département, un canton ou une agglomération.

La forme pouvant être utilisée par ces monnaies est soit papier, soit numérique, comme toutes les unités de compte complémentaires existantes. Les monnaies locales ne sont pas les seules monnaies non étatiques à exister. Outre le fameux Bitcoin, les tickets restaurants sont un autre exemple commun d’une unité d’échange complémentaire à être répandue en France. De manière similaire à ces dernières, les paiements et échanges procédés via des monnaies locales ne peuvent inclure un rendu en euro. Ainsi, un prix payé en eusko ne peut l’être qu’en eusko et la monnaie sera rendue en eusko. Il est interdit de redonner des euros pour une transaction conduite en unité de compte locale.

Dynamiser les échanges locaux

Cette limitation concernant les transactions se matérialise également dans les conditions développées pour échanger les monnaies locales en euro. Une commission est prélevée de 5 %, à savoir le taux fixé pour une transaction en carte bancaire, à chaque change. La volonté du législateur de fixer un prélèvement réside dans l’incitation à garder ces monnaies complémentaires afin de dynamiser les échanges locaux. L’État, s’il permet le paiement et l’utilisation d’une monnaie qui n’est pas l’euro, garde la main sur la valeur de ces unités de change. Elles sont ainsi indexées sur l’euro, sans taux de variation possible. Un eusko vaut ainsi un euro. Il est par conséquent impossible de procéder à une politique d’inflation ou de déflation locale.

Pour les consommateurs, se procurer et payer en monnaie locale peut sembler ardu. Il n’est possible d’acquérir ces unités de compte qu’auprès de la personne morale qui a été autorisée à produire la monnaie. Cette organe émetteur se doit également de mettre à disposition des consommateurs la liste des commerces utilisant la monnaie complémentaire. Les personnes morales répondent à ce devoir d’information tout autant qu’elles ont une obligation éthique

En conclusion, si les monnaies locales se développent, trois mille utilisateurs pour l’eusko d’après France Info, le cadre légal qui régule ces unités de compte reste tout de même assez contraignant, en comparaison à d’autres monnaies alternatives comme le Bitcoin qui fleurit mondialement. Ainsi, il convient de voir si ces monnaies se développeront en un maillage territorial complet se positionnant en parallèle de la monnaie nationale ou si elles resteront relativement marginales.

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