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Les Spice Girls, les ouvriers du Bangladesh, la fast fashion et nous

En ce mois de janvier, les médias nous rapportent du Bangladesh les nouvelles d’une grève réprimée et celles d’ouvrières exploitées alors qu’elle fabriquaient des tee-shirts prônant l’émancipation féminine. Continuons à mettre en lumière l’exploitation de ceux qui là-bas fabriquent les fringues à bas coût vendues ici.

Au Bangladesh, début janvier, une grève des ouvriers était réprimée par les autorités. La semaine dernière, le média britannique The Guardian révélait que des tee-shirts à l’effigie des Spice Girls ont été fabriqués dans des conditions indignes, au Bangladesh encore. Le pays est le second plus gros exportateur de vêtements après la Chine. Il compte 4500 usines. L’industrie textile bangladaise pesait 30 milliards de dollars en 2018. Les autorités du pays prévoient d’atteindre les 50 milliards en 2023. Pour nous vendre toujours plus de vêtements à bas coûts fabriqués par des personnes exploitées ?

Rana Plaza et après ?

En 2013 pourtant, l’effondrement du Rana Plaza était apparu sur la scène médiatique comme un électrochoc. Le 24 avril de cette année-là une usine s’effondrait causant la mort de 1138 ouvrières et ouvriers, en blessant près de 2500 autres. Sous les décombres, on découvrait des étiquettes de Mango, Benetton, Tex (Carrefour), In Extenso (Auchan), Camaïeu, entre autres. Il y a eu l’émotion du grand public, la mobilisation des ONG, la mise en place d’un fonds d’indemnisation des victimes, un accord sur la sécurité des ateliers signé par 222 entreprises (dont Adidas, H&M et Uniqlo). En France, une loi dite "Rana Plaza" a été votée en 2017 sur le "devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre". Elle impose aux entreprises de plus de 5000 salariés en France et plus de 10 000 dans le monde de contrôler leurs sous-traitants sur le terrain de la sécurité et des droits du travail.

Salaires de misère

Pourtant tout reste à faire. La grève qui a commencé le 13 janvier à Dacca réunissait des milliers de protestants. Dans un pays où les représentants syndicaux sont fréquemment réprimés, ces ouvriers ont bravé la peur pour réclamer une paye plus juste. "Les récentes manifestations ont été déclenchées par la révision du salaire minimum en 2018, explique le collectif L’Ethique sur l’étiquette. Les travailleurs demandaient un salaire minimum de 16 000 Taka (166 euros). Le Gouvernement n’a pas donné son feu vert, et proposé un salaire minimum de 8 000 Taka pour les travailleur.se.s les moins qualifiés de la branche textile. Pour la majorité d’entre eux, cela signifie qu’il n’y aura aucun changement notable. Pour certains niveaux de salaire, les minima n’ont pas augmenté du tout." Un homme est mort au cours de ces marches, alors que la police tirait des balles en caoutchouc.

Mettre la pression sur les marques

L’affaire des Spice Girls vient souligner encore l’injustice du système. Et son ironie. Car les tee-shirts en question étaient destinés à récolter des fonds pour l’ONG Comic Relief’s et sa campagne en faveur de l’égalité pour les femmes. Ces vêtements qui portent le slogan "I wanna be a Spice Girl" (je veux être une Spice Girl) ont été fabriqués par des ouvrières payées 35 pennies (40 centimes) de l’heure, forcées de travailler 16 heures par jour et insultées par leur chef.

Pour réagir, on peut boycotter la fast fashion. Soutenir des ONG comme Clean Clothes Campaign ou le Collectif de l’Ethique sur l’étiquette. On peut aussi signer des pétitions comme celle-ci qui interpelle H&M. En 2013, la marque prenait l'engagement suivant : "850 000 travailleurs du textile seront payés un salaire vital d’ici 2018". Cinq ans après, un rapport du Collectif l’Ethique sur l’étiquette montre qu’il n’en est rien. Il nous faut continuer à mettre la pression sur les grands de la fast fashion. Et mettre en lumière ceux qui à l’autre bout du monde fabriquent des vêtements pour l’Occident.