Le Nutri-Score note les aliments de A à E en fonction de leurs qualités nutritionnelles.
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Alimentation : le Nutri-Score est-il un indicateur fiable ?

Depuis 2017, certains produits alimentaires affichent une note de A à E en fonction de leurs qualités nutritionnelles : le Nutri-Score. Parfois décrié par les industriels, cet outil est considéré comme un bon indicateur par la plupart des scientifiques. Même s’il présente quelques limites. Décryptage.

C’est un indicateur plébiscité par 94 % des Français. Le Nutri-Score, créé en 2014 et mis en place en France en 2017, a pour but de classer les produits alimentaires en fonction de leurs qualités nutritionnelles : de A pour les aliments les plus sains, à E pour les plus mauvais. Non-obligatoire, les entreprises peuvent choisir de l’apposer ou non sur le packaging de leurs produits. Et si de nombreuses réserves ont été émises depuis sa mise en place, beaucoup s’accordent sur son efficacité à promouvoir une alimentation plus saine et à faire changer les pratiques des industriels.

"Il est issu d’un travail scientifique très poussé, avec une réelle volonté de respect de la science et des résultats", explique à ID Valérie Nicolas-Hémar, professeure des universités en sciences du management à l’université Paris-Saclay. "Et c’est un bon indicateur pour des consommateurs qui n’ont pas une grande connaissance nutritionnelle". Car sa principale caractéristique, c’est sa simplicité. En un coup d’oeil, les consommateurs obtiennent des renseignements sur la qualité du produit qu’ils envisagent d’acheter et peuvent ainsi faire un choix plus éclairé. "C’est pour cette raison que de nombreuses études quantitatives ont montré que son format d’étiquetage était bien meilleur que d’autres", poursuit la professeure.

Une efficacité reconnue par la majorité des études

Des études sur le Nutri-Score, il y en a eu beaucoup depuis 2014. Selon un article de Stéphane Besançon, biologiste et nutritionniste, et directeur général de l’ONG Santé Diabète, 83 % de ces études sont favorables au Nutri-Score. Et quand elles ne le sont pas, ce n’est généralement pas par hasard. "La probabilité qu’un article ne soit pas favorable pour le Nutri-Score est […] 21 fois plus forte si les auteurs déclarent un conflit d’intérêts ou s’il a fait l’objet de financements privés présentant un conflit d’intérêts", indique-t-il dans son article. Des résultats qui montrent que les études bénéficiant du financement des industriels de l’agroalimentaire ont souvent tendance à aller dans le sens de ces derniers.

Au-delà de son objectif d’information des consommateurs, le Nutri-Score a également pour but de pousser les industriels à améliorer leurs produits pour bénéficier d’une note plus avantageuse, et donc d’un argument marketing supplémentaire. Mais certaines entreprises essayent de jouer avec les limites de l’algorithme, en remplaçant par exemple des ingrédients problématiques par d’autres qui, eux, ne sont pas pris en compte par le Nutri-Score. "L’aspartame n’est pas pris en compte, alors que le sucre l’est", détaille Valérie Nicolas-Hémar, "on trouve donc des sodas sans sucre avec un Nutri-Score B".

Des limites pouvant induire les consommateurs en erreur

Et ça n’est pas la seule limite de l’outil. Certains produits ultra-transformés enrichis artificiellement en nutriments peuvent obtenir de bons scores, alors que des produits naturels non. C’est le cas par exemple de l’huile d’olive ou des poissons gras, pourtant riches en acides gras insaturés bénéfiques pour la santé. Ou encore des fromages artisanaux qui, s’ils ont une teneur élevée en graisses saturées, apportent des quantités significatives de protéines et de calcium.

Autre limite : l’algorithme est conçu pour favoriser la comparaison au sein d’une même catégorie de produits. Autrement dit, des céréales sucrées peuvent obtenir une bonne note simplement parce qu’elles sont meilleures que d’autres céréales. Ce qui peut induire le consommateur en erreur. "On a fait réagir des consommateurs sur des haricots verts surgelés et des frites surgelées, tous deux notés A", explique Valérie Nicolas-Hémar. "Certains ont suffisamment de connaissances nutritionnelles pour savoir qu’une frite ça n’est pas comparable à un haricot vert, mais d’autres vont se dire que c’est la même chose".

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Pour répondre à ces problématiques, un nouveau mode de calcul prenant davantage en compte les nuances des différents produits et les dernières recommandations de santé publique a été développé. Mais sa mise en application est pour le moment suspendue. "On sait qu'il y a derrière ce retard l'action vraisemblable de certains lobbies", déplore au micro de France Inter Serge Hercberg, nutritionniste et concepteur du Nutri-Score. D’autant qu’avec le nouvel algorithme, certains produits vont voir leur note baisser, comme les yaourts à boire du géant agroalimentaire Danone, qui a décidé de retirer le Nutri-Score de ses produits. Une décision "lamentable" pour Serge Hercberg, qui défend le travail de ces experts qui ne "travaillent ni pour faire plaisir aux industriels ni pour les pénaliser de façon gratuite mais uniquement en fonction de l'intérêt de la santé publique".