Bien que ce ne soit absolument pas la tendance actuelle, certains climatologues ont imaginé ce qu’il se passerait si les émissions de CO2 d’origine anthropique s’arrêtaient net et que l’humanité atteignait dès maintenant son objectif de neutralité carbone.
Dans leur étude publiée en juillet 2020 dans Nature communications, ils expliquent que le comportement du climat est soumis à une forte inertie et que le renversement des phénomènes que nous vivons prendrait des années. Ainsi, la température de la Terre continuerait d’augmenter pendant au moins 10 à 20 ans.
"L’océan, réservoir de chaleur"
Depuis 1982, "la surface océanique ayant vécu un événement de vague de chaleur marine au cours d'une année est passée de 50 % à 80 %" et leur fréquence a doublé, explique Thibault Guinaldo, chercheur au Centre d'études en météorologie satellitaire (CEMS) de Lannion (Côtes d'Armor) à l’AFP.
Affectés comme la surface terrestre par l’augmentation des températures, les masses d’eau sont également soumises à une forte inertie. À l’image d'une piscine qui prend plusieurs jours à se réchauffer à l’approche de l'été ou à refroidir une fois l’automne arrivé, les océans auront besoin de nombreuses années pour que leur température se stabilise.
C’est d’ailleurs pour cette raison que la montée des eaux se poursuivra sur plusieurs dizaines, voire centaines d’années après avoir atteint la neutralité carbone. Soumis à un phénomène appelé la dilatation thermique, la masse des océans continuera d’augmenter à cause de la chaleur qui y est stockée.
Les océans font toutefois partie des écosystèmes les moins documentés et les effets d’un tel scénario sur leur fonctionnement, tout comme les impacts à long terme du changement climatique, restent encore largement méconnus.
L’importante longévité du carbone
Les scientifiques savent toutefois que les océans sont de très efficaces puits de carbone, qui stockent plus de 90 % des émissions anthropiques excédentaires. Cette chaleur est lentement renvoyée dans l’atmosphère, participant à "réémettre" des gaz à effet de serre plusieurs années après qu’ils ont été produits par l’homme.
Ce CO2 réémis s'ajoute aux émissions déjà présentes dans l’atmosphère, où elles profitent d’une longévité exceptionnelle : elles peuvent y rester amoncelées pendant 100 à 1 000 ans.
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À l’inverse, les aérosols ne restent quant à eux que quelques jours à quelques semaines dans l’atmosphère. Rejetés par la combustion des énergies fossiles, comme les gaz à effet de serre, ces particules fines possèdent un effet refroidissant.
L’arrêt brutal de la combustion du charbon, du pétrole ou du gaz entraînerait aussi l’interruption nette des émissions d’aérosols, entraînant une hausse temporaire de la température.
De tels constats rappellent surtout que les gaz à effet de serre émis aujourd’hui continueront à influencer le climat pendant plusieurs siècles, rendant l’avenir toujours plus incertain à mesure que l’objectif de neutralité carbone est repoussé.