Ce calculateur bénéficie aujourd’hui d’une mise à jour : il est désormais enrichi de nouvelles questions sur la mode, la seconde main et les impacts de la fast fashion sur l’empreinte carbone et eau individuelle.  
©Pete Linforth/Pixabay/Généré par l'IA
Climat

Nos Gestes Climat : le calculateur d’empreinte écologique individuelle de l’ADEME évolue

Article réservé aux abonnés

Calculer son empreinte carbone et eau en seulement 10 minutes, voici ce que propose le calculateur d’empreinte écologique individuelle de l’ADEME. Celui-ci est aujourd’hui utilisé par plus de 2, 3 millions de Français et vient d’être mis à jour en ce qui concerne notre consommation de vêtements. 

L’empreinte carbone individuelle correspond aux émissions générées par une personne selon son mode de vie : transports, alimentation, énergie, consommation. En France, elle est estimée à 9.2 tonnes de CO₂e. Notre empreinte est nettement au-dessus de la moyenne mondiale (6,1 t), et en dessous de celle des États-Unis (21 t).  

De quoi est d’ailleurs composée cette empreinte carbone individuelle ?  

L’ADEME rappelle qu’au quotidien, et à titre individuel, la majorité de nos émissions de gaz à effet de serre provient de trois grands postes : les déplacements, l’habitat et l’alimentation. Ceux-ci représentent plus des trois quarts de notre empreinte carbone individuelle. La moyenne française varie selon les modes de vie, l’utilisation ou non de la voiture, de l’avion, la vie en maison ou en appartement, le mode de chauffage, l’alimentation… Et peut varier entre 4 et 15 tonnes par personne et par an.  

Toujours selon l’ADEME, les experts s’accordent pour dire que pour maintenir une Terre vivable pour tous, nous devons réduire cette empreinte à deux tonnes de CO₂. Deux tonnes en 2050, c’est l’objectif à atteindre pour espérer limiter le réchauffement climatique à 2 degrés. 

Nos Gestes Climat permet de calculer sa contribution au changement climatique et ainsi de réaliser à quel point nos usages participent au rejet dans l’atmosphère d’équivalents CO₂. Les questions posées portent par exemple sur le nombre de kilomètres parcourus en voiture dans la dernière année, les 14 repas (déjeuners et dîners) de notre semaine type, notre consommation de produits locaux, de viande, d’eau en bouteille, la quantité de déchets que nous générons, les sports que nous pratiquons régulièrement, le tabac... 

Une fois que l’on a répondu aux questions, on obtient le niveau de ses empreintes (carbone et eau), ses principaux postes d’émissions et des suggestions d’actions à mener pour réduire ces empreintes.  

On commence par poser des questions sur la voiture parce que c’est en majorité et en moyenne le poste d’empreinte principal des Français."

Ce calculateur bénéficie aujourd’hui d’une mise à jour : il est enrichi de nouvelles questions sur la mode, la seconde main et les impacts de la fast fashion sur l’empreinte carbone et eau individuelle.  

Notre manière de consommer des vêtements a en effet un impact environnemental majeur. À titre d’exemple, la production et l’entretien d’un jean en coton nécessitent l’équivalent de 3500 à 7000 litres d’eau. Rappelons d’ailleurs que le 10 juin dernier, le Sénat adoptait une proposition de loi pour freiner l’essor de la fast fashion. 

ID s’est entretenu au sujet de cet outil et de cette mise à jour avec une spécialiste carbone et eau de Nos Gestes Climat, Julie Pouliquen.  

Pouvez-vous tout d’abord vous présenter ? 

Oui, j’ai rejoint Nos Gestes Climat il y a deux ans, comme spécialiste du modèle. Par modèle, on entend toutes les données qui se retrouvent derrière le simulateur, donc le calcul d’empreinte. À l’origine, le simulateur ne calculait que l’empreinte carbone, nous y avons adjoint l’empreinte eau il y a un an.  

J’ai aussi la casquette “contenus pédagogiques”, je chapeaute la rédaction d’articles pour le blog, les infolettres... 

Comment se présente le calculateur Nos Gestes Climat ? 

L'idée de Nos Gestes Climat, c'est d'arriver sur le site et de calculer ses empreintes eau et carbone annuelles en un temps record, soit en 10 minutes, en fonction de son mode de vie. Une entreprise ne peut pas le faire, on s’adresse vraiment aux individus.  

Le but est vraiment de comprendre les ordres de grandeur, de voir où agir compte. Nous avons cet objectif théorique à tenir de deux tonnes d’empreinte par citoyen à l’horizon 2050. Cela suppose une baisse assez importante, à savoir quasiment une division par cinq de nos empreintes actuelles. Il y a du travail et il faut donc réussir à cibler les bons ordres de grandeur.  

Donc l’objectif est de savoir précisément à quel niveau agir ? 

Exactement. Ça donne des pistes d’actions. L’idée est de planter une première petite graine et de comprendre que réduire la voiture et l’avion sera toujours beaucoup plus important que de trier ses courriels ou regarder moins de vidéos sur Internet, par exemple. 

Comment se présente le test ? 

On commence par poser des questions sur la voiture parce que c’est en majorité et en moyenne le poste d’empreinte principal des Français. On commence par vous demander votre nombre de kilomètres annuels en voiture et avec quel type de voiture, car cela change beaucoup de choses, selon le gabarit et la motorisation de celle-ci.

On a historiquement parlé que du confort d’hiver, mais la notion de confort d’été commence à être très importante aussi avec l’augmentation des températures."

On continue ensuite avec la série des transports. On vous demande s’il vous arrive de prendre l’avion, le train, d’emprunter des modes actifs, donc le vélo, la trottinette, la marche... Et quel mode de transport vous utilisez pour vos vacances.  

On passe ensuite à l’alimentation qui est en moyenne le deuxième poste d’empreinte pour les Français. On s’intéresse à la teneur des repas en viande, à quel type de viande vous consommez et à quelle fréquence sur la semaine. On vous demande à quoi ressemble une semaine type. On pose aussi une question sur le petit-déjeuner. Le café a une empreinte non négligeable, presque 20 fois supérieure au thé. C’est lié à sa culture, qui génère pas mal de déforestation, c’est un produit qui vient de loin et il faut pas mal de grammes de café pour chaque café. Alors que concernant le thé, avec quelques feuilles, vous en faites un litre. 

Arrive alors la question du logement. Il y a une notion de foyer : le calculateur demande combien de personnes vivent dans votre foyer et calcule ce qui est selon lui partagé : le mobilier, la surface habitable, etc. L’empreinte du logement est en moyenne importante mais peut être radicalement différente selon la taille du foyer et surtout son isolation. Le poste principal d’empreinte sur un logement, ce sont les consommations liées au chauffage. Il y a aussi la question de la climatisation l’été : on a historiquement parlé que du confort d’hiver, mais la notion de confort d’été commence à être très importante aussi avec l’augmentation des températures. Un logement assez petit et bien isolé aura une empreinte faible alors qu’une grande passoire thermique aura une empreinte très élevée. Encore pire si le mode du chauffage est du fuel. 

Rien ne vaut un vieux téléphone ou le fait de faire durer ses appareils un maximum."

À la fin, on termine par la catégorie “Divers” : ce sont toutes nos consommations de services et d’objets. Il y a les objets à consommation longue durée comme le mobilier et l’électroménager, on les renouvelle relativement peu souvent.  

capture écran

(Exemple de résultat personnalisé sur le calculateur Nos Gestes Climat)

Il y a le numérique, qui a une importance pour l’empreinte et qui compte aussi beaucoup dans notre quotidien. Le message important à ce niveau est que l’empreinte est vraiment liée à l’objet en lui-même. 80 % de l’empreinte est liée à l’appareil. La partie usage ne représente que 20 %. Oui, il faut privilégier le Wifi et éviter de passer des heures à streamer du contenu. Oui, l’IA a une importance incroyable dans l’empreinte de l’usage numérique. Mais rien ne vaut un vieux téléphone ou le fait de faire durer ses appareils un maximum. Une bonne partie des objets que nous arrêtons d’utiliser ne sont pas obsolètes techniquement. Nous les changeons pour d’autres raisons.  

Concernant le textile, c’est vraiment nouveau ou vous avez ajouté des questions ? 

Ce n’est pas nouveau mais nous avons modifié notre approche de la question. Nous allons aussi le faire avec le numérique et les biens de longue durée comme l’électroménager. Avant, nous étions sur une notion d’inventaire assez basique. On arrivait sur une mosaïque d’objets et on devait lister ceux qu’on achetait dans l’année. Il n’y avait aucune notion de qualité du vêtement, de seconde main ou de réparation. 

Le message pédagogique n’était pas très présent. Nous avons voulu passer à un autre format de question qui permet de bien plus saisir une notion de qualité aussi et de passer des messages pédagogiques.  

Aux personnes qui nous disent qu'ils achètent beaucoup de vêtements, le seul message qu'on a envie de leur passer, c'est d'en acheter moins."

Nous avons souhaité cibler un message par type d'objet et sur le textile, c'est vraiment attaché à la notion de seconde main et de qualité du vêtement, qui est implicitement comprise dans la largeur de gamme des marques auprès desquelles on va acheter nos vêtements.  

Avec la fast fashion, comme avec l'ultra fast fashion, on a une qualité de vêtement plus faible et donc une empreinte plus importante. Elle est tout simplement liée au fait que cela génère de la surconsommation et donc de la sous-utilisation. Les vêtements nécessitent beaucoup de matière, beaucoup d'énergie pour être produits.  

Il faut en acheter moins. Avec l’ultra fast fashion et la fast fashion, on en achète plus mais on les porte moins. L'empreinte liée à chaque vêtement est décuplée.  

Aux personnes qui nous disent qu'ils achètent beaucoup de vêtements, le seul message qu'on a envie de leur passer, c'est d'en acheter moins. Aux personnes qui achètent moins ou qui achètent pour renouveler, par besoin, on va essayer d'avoir un message allant vers de la seconde main, vers des marques avec des largeurs de gamme plus resserrées.  

Vous voulez donc aussi revoir votre approche pour d’autres catégories, comme le numérique ? 

Oui, ça arrivera dans peu de temps. L’idée est de se focaliser sur le côté "durée de vie de l’objet". De partir du principe que le smartphone est un peu l’emblème de l’objet numérique que tout le monde a, et de demander combien de fois on le renouvelle. On veut éviter de demander juste l’âge du smartphone. On peut l’avoir changé l’an dernier parce que le précédent ne fonctionnait plus.

On demande combien de fois on l’a changé en cinq ans. Si on est à 0 ou 1 renouvellement, c’est très bien. Si on le renouvelle davantage, mais que c’est acceptable, on va vous inciter à trouver des alternatives, comme le fait de s’intéresser au reconditionné. Si on l’a renouvelé cinq fois en cinq ans, le seul message c’est : gardez-le plus longtemps ! 

Vous souhaitez donc apporter plus de pédagogie... 

Oui, on a parfois des utilisateurs qui nous disent qu’ils sont frustrés parce qu’ils ont des pratiques vertueuses, comme le fait d’acheter du reconditionné, et qu’ils ont l’impression d’être mis dans la même catégorie que tout le monde. Donc on veut changer cela.  

L'empreinte eau est très cachée derrière l'alimentation et le textile.

Vous dites que l’empreinte eau a été ajoutée il y a un an, pourquoi ? 

Oui, il faut bien faire une distinction à ce niveau car il y a l’eau bleue, grise, verte... Il y a l’eau domestique, et l’empreinte eau qui est un calcul théorique des quantités d’eau générées par nos consommations.  

L'empreinte eau est généralement de plusieurs milliers de litres par jour alors que pour l'eau domestique, on est en moyenne en France sur une température de 150 litres par jour. 

Il y a une incompréhension des gens qui nous disent que nous avons dû nous tromper d'unité, alors que non, malheureusement. L'empreinte eau est beaucoup liée à tout ce qu'on a fait pousser. Une grande partie concerne l'alimentation parce qu'on fait pousser beaucoup de choses pour s’alimenter ou pour nourrir les bêtes qui vont vous nourrir.  

On fait aussi pousser des champs pour se vêtir. L'empreinte eau est très cachée derrière l'alimentation et le textile. Le coton, notamment, est incroyablement consommateur d'eau. En plus, il se situe dans des régions soumises à un stress hybrique assez important. La ressource en eau est très précieuse.  

L’empreinte eau est donc pondérée par un facteur de stress hydrique lié à la région où elle est consommée.  

Quel est le retour des utilisateurs sur cet outil ? 

Nous avons beaucoup de retours qui nous confortent dans le fait que notre outil est utile. Il sert aussi beaucoup à des associations et des organisations comme support d’animation pour des sessions de sensibilisation à l’empreinte. On perçoit aussi qu’il y a vraiment une demande de : “et après ?”. 

Nous avons des propositions d’actions en fin de parcours mais nous avons envie de travailler cela davantage.Nous avons fabriqué par ailleurs des sortes de mini formations sous format de cycles d’infolettres.  

Nous allons atteindre les 700 000 simulations sur l’année. Nous touchons beaucoup de monde en France et pas que d’ailleurs, notre outil est traduit dans plusieurs langues...