40 Grands tétras, venus de Norvège, vont atterrir chaque année dans les Vosges
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Biodiversité

5 min pour comprendre le conflit autour de la réintroduction du Grand tétras dans les Vosges

Le préfet de la région Grand Est a annoncé le 16 avril que le projet de renforcement du Grand tétras dans le massif des Vosges serait lancé. Quatre jours plus tard, cinq associations ont déposé un recours, demandant la suspension de cette mission.

C’est un projet qui faisait débat depuis sa présentation au début de l’année 2023. La région Grand Est, son préfet et le Parc naturel régional des Ballons des Vosges (PNRVB), ont annoncé le 16 avril que le plan de réintroduction du Grand tétras allait être lancé dans les Vosges. Ce projet signifie que des oiseaux vont être capturés en Norvège, puis relâchés dans le massif français. Si cette décision fait débat, c’est car le Grand tétras, aussi appelé coq de bruyère, est menacé de disparition totale dans les Vosges depuis plusieurs dizaines d’années, en raison du réchauffement climatique et de l’essor du tourisme. Entre 1972 et 2020, ces gallinacés ont vu leur population diminuer de 93 % sur le territoire et à ce jour, il reste difficile d’estimer combien y vivent encore.

En apprenant la concrétisation de ce projet, cinq associations ont décidé "de déposer un recours en référé suspension devant le Tribunal Administratif de Nancy, et dans le même temps un recours en suspension de la capture des Grands tétras devant les autorités norvégiennes". Parmi elles : Vosges Nature Environnement, SOS Massif des Vosges, Oiseaux Nature, Avenir et Patrimoine 88 et Paysage Nature et Patrimoine de la Montagne Vosgienne. 

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Une "opération de communication", selon Dominique Humbert

Dans un communiqué publié le 20 avril, les associations rappellent qu’une consultation publique avait été réalisée par la préfecture elle-même, au résultat de 811 contributions défavorables à ce projet sur un total de 957 réponses. "Nous ne sommes pas opposés, évidemment, à la réintroduction du Grand tétras, mais on ne peut pas réintroduire un animal sauvage dans un territoire d’où il vient de disparaître pour des raisons qui sont liées à la dégradation de ce territoire", a expliqué auprès de l’AFP Dominique Humbert, président de SOS Massif des Vosges.

Dominique Humbert voit en ce plan une "opération de communication." Il estime que le Grand tétras ne se plaît plus dans les Vosges, puisqu'au-delà du réchauffement climatique et du tourisme, sa nourriture naturelle, les myrtilles, est mangée par les gibiers du territoire. En février 2023, le Conseil scientifique régional du patrimoine naturel (CSRPN) et le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) avaient rendu, eux aussi, des avis défavorables au projet. 

Michel Munier est photographe naturaliste. Il a longtemps observé le Grand tétras dans les forêts vosgiennes. © France 3 Grand Est

Des mesures pour assurer une bonne réintroduction

De son côté, la préfecture reconnaît, comme les associations, que le processus d’extinction des Grands tétras vosgiens est lié au réchauffement climatique, à la prédation et à l’aménagement d’infrastructures touristiques sur le territoire. Mais pour répondre à ces problématiques, elle affirme, via son communiqué, avoir renforcé son projet de réintroduction, "sur la base des avis" du CSRPN et du CNPN.

La préfecture garantit que des mesures ont été mises en place pour permettre d’améliorer l’environnement des nouveaux gallinacés. "On peut citer par exemple la mise en œuvre, depuis 1991, par l’Office national des Forêts (ONF), d’une directive de sylviculture favorable au Grand tétras sur un espace boisé de 55 000 hectares au sein de l’aire de présence de l’espèce", précise le communiqué. 

Un projet qui suscite de "fortes incertitudes"

Ce dernier assure aussi que le Grand tétras "n’est pas directement sensible au réchauffement du point de vue physiologique, mais peut subir les effets d’une altération de son habitat lui-même impacté par le changement climatique." Cela signifierait alors que les animaux venus de Norvège seraient en capacité de s’adapter à leur nouvel environnement, si celui-ci correspond à leurs besoins. 

Le plan de renforcement rappelle toutefois que "de fortes incertitudes" persistent quant aux chances de réussite de cette opération. L’État autorise donc, par arrêté préfectoral, ce projet à titre exploratoire pour une première période de 5 ans. "Il fera l’objet d’un suivi annuel par un comité de pilotage qui pourra proposer des adaptations techniques du projet ou son abandon le cas échéant", précise le rapport. 40 Grands tétras, venus de Norvège, vont donc atterrir chaque année dans les Vosges. Cette opération qui divise coûtera 200 000 euros annuellement à la France.