Le moins que l’on puisse dire c’est que la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), actuellement en discussion et qui devrait prochainement faire l’objet d’un décret, ne fait pas l’unanimité. Si ce n’est contre elle.
Et à juste titre, tant les dernières tergiversations sur le futur de notre politique énergétique et la remise en cause à peine voilée de l’électrification des usages témoignent d’une incapacité à rester ferme sur les modalités décidées pour atteindre nos ambitions. Ces errances privent surtout les professionnels du secteur de cette indispensable visibilité à long terme, clé de leur survie.
Cette troisième PPE fixe les objectifs en matière de production et de consommation d’énergie sur la période 2025-2035 pour mettre la France sur la voie de la neutralité carbone en 2050. Rappelons-le, la part des énergies fossiles doit passer de 58% de la consommation actuelle à 30 % en 2035 tandis que la part de l’électricité croît de 27à 39%.
Au vu des chiffres de l’énergie observés sur la période 2023-2024, le texte de la PPE opère un changement « en réactif » et à vision court-termiste : un chapitre entier dédié à l’électrification des usages, portant la mise en place d’un tableau de bord de suivi de la production, de la consommation d’électricité par secteur et des actions sectorielles. Un thème qui apparaît maintenant comme un « sujet controversé », un comble !
Acteurs essentiels pour la réussite du projet neutralité carbone, consommateurs et développeurs réclament avant tout une chose, du sérieux."
Or le texte dont la publication est imminente constitue une révision de la stratégie actuelle du gouvernement pour, nous dit-on, prendre en compte les critiques de différents acteurs publics et privés, notamment sur le coût de l’énergie. C’est raté, tant les critiques -justement- se multiplient, au vu des différentes révisions prévues.
Point d’orgue de cette contestation, un courrier adressé au Premier ministre par 160 sénateurs fustigeant un manque de « vision globale », et dénonçant le fait que les parlementaires soient ignorés sur un sujet aussi essentiel que le prix de l’électricité.
Les sénateurs critiquant le soutien au solaire en raison de son intermittence, là où d’autres, écologistes en tête, condamnent la baisse du rythme de développement des centrales solaires et la possibilité accordée aux dernières centrales thermiques de préférer le gaz à la biomasse. Les premiers oublient que ladite PPE prévoit un recours accru à la flexibilité pour équilibrer entre production et consommation.
La divergence d’intérêts des différentes parties prenante est une évidence et chacun, fort logiquement, prêche pour sa paroisse. On ne pouvait imaginer pire scénario puisque tous les acteurs du secteur ont d’abord besoin de constance et de sérénité pour tracer des stratégies gagnantes.
Sans parler du défaitisme ambiant, sur l’air de on n’y arrivera pas, entamer pour pousser à ralentir l’électrification des usages. Soyons clair, une PPE est là pour orienter une stratégie à dix ans, par pour commenter la baisse des ventes de voitures électriques ou de pompes à chaleur.
Pour les nombreux développeurs de nouvelles solutions, qui ne demandent qu’à prendre leur part à l’effort national, il est essentiel de pouvoir bénéficier d’une vraie visibilité à long terme. Cette inconstance gouvernementale peut se révéler fatale, notamment pour les plus fragiles.
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Nous avons besoin, d’abord et avant tout, de stabilité pour dresser des plans clairs et ambitieux. Mais pas seulement nous les développeurs de solutions, les consommateurs aussi dont nous devons chaque jour gagner l’adhésion. Constamment sommés de changer leurs modes de consommation, ils doivent savoir sur quel pied ils peuvent danser.
Comment le pourraient-ils si les incitations, les priorités et les subventions, sont l’objet permanent d’un déroutant jeu de chaises musicales qui en découragerait plus d’un. Acteurs essentiels pour la réussite du projet neutralité carbone, consommateurs et développeurs réclament avant tout une chose, du sérieux.
Par Benjamin Bailly, Directeur des Marchés et de l'Innovation chez Voltalis