La controverse a été déclenchée fin avril par un militant écologiste, Pierre Rigaux. Il semble que le comté soit "devenu un mauvais produit sur le plan écologique" et que les cours d'eaux soient pollués par sa production, avait-il dénoncé sur la radio France Inter.
Appelant à se passer de ce fromage à pâte dure "plutôt mauvais pour la santé", le militant avait affirmé que "le fromage tue et fait souffrir les animaux tout autant que la viande". Selon le ministère de l'Agriculture, le comté, produit dans le massif du Jura, dans l'est du pays, est le fromage d'appellation d'origine protégée (AOP) le plus vendu en France.
Après cette attaque, les producteurs de comté ont vivement réagi: "ces attaques sont blessantes et injustes compte tenu du niveau d'exigences qu'on s'impose dans la région", a déploré auprès de l'AFP Alain Mathieu, président du Comité interprofessionnel de gestion du comté.
Se référant au strict cahier des charges qui encadre la production, M. Alain a estimé que "l'environnement et la préservation de nos ressources" faisaient partie des priorités de la filière, qui représente 14.000 emplois directs et indirects.
L'interdire? Autant interdire les couchers de soleil sur le Jura. Restons sérieux!
-Pierre-Édouard Colliex, préfet du département du Jura.
Le préfet du département du Jura, Pierre-Édouard Colliex, a réagi samedi sur son compte X, reprenant le mot-dièse #TouchePasAuComté. "Le comté, c'est du Jura, du goût, du calcium, des protéines... et zéro culpabilité. (...) L'interdire? Autant interdire les couchers de soleil sur le Jura. Restons sérieux!" , a lancé le représentant de l'Etat.
Plusieurs députés d'extrême droite se sont aussi exprimés pour "protéger" l'emblématique fromage, tandis que le chef de file des députés du parti de droite LR, Laurent Wauquiez, a vu dans la dénonciation du comté le projet "d'une France sans identité et sans saveur".
Nitrates
A tel point que Marine Tondelier, secrétaire nationale des Ecologistes, a réagi lundi sur X, en affirmant que "les Ecologistes n'ont jamais demandé d'arrêter d'en manger, et encore moins de l'interdire".
Les écologistes locaux ont de leur côté rappelé leur soutien à la filière, "bâtie sur des valeurs coopératives et une organisation exemplaire", tout en ajoutant qu'il n'était "pas possible de nier l'impact environnemental de l'élevage et des fromageries, même sous AOP". Eaux troubles, mousse blanche, odeurs d'égoûts et poissons morts avaient été signalés entre 2019 et 2020 aux abords de laiteries présentant des défaillances importantes de traitement des eaux usées.
Le parquet régional de l'environnement de Besançon avait ouvert des enquêtes. Deux premières fromageries avaient été condamnées en 2022 à de lourdes amendes. "Prendre des négligences individuelles pour discréditer l'ensemble de la filière ne peut être admis", se défend Alain Mathieu.
Devenues sous-dimensionnées, les stations d'épuration des laiteries incriminées déversaient "des eaux non traitées dans la nature, avec un effet catastrophique pour l'environnement", sur un sol très perméable, avait analysé à l'époque le procureur de Besançon Etienne Manteaux.
Dans un vaste "plan fromagerie" lancé en 2022, l'autorité préfectorale avait mis en demeure 14 des 96 fromageries du département du Doubs de mettre en conformité leur installation de traitement ou de réparer les canalisations défectueuses. La quasi-totalité étaient désormais conformes en 2024, selon les services de l'Etat. Mais pour l'association environnementale SOS Loue et rivières comtoises, l'enjeu est surtout celui de la quantité de lait produit. "
En 30 ans, le comté a plus que doublé sa production en passant de 30.000 tonnes en 1991 à 72.000 en 2024", indique l'association, pour qui le cahier des charges "ne va pas du tout assez loin". "Le nombre de vaches n'a certes pas augmenté, mais elles produisent plus de lait qu'avant, c'est-à-dire qu'elles se nourrissent plus et produisent plus d'excréments... ce qui contribue à l'augmentation des nitrates dans nos rivières", résume-t-on à l'association.
Avec AFP.