La pratique du surf peut se révéler particulièrement polluante.
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Société

Surfer sans polluer : est-ce vraiment possible ?

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Associé dans l’imaginaire collectif à la protection des océans, le surf n'en demeure pas moins un sport polluant. Entre les déplacements en avion et la fabrication des équipements, cette pratique peut se révéler particulièrement néfaste pour l’environnement. Pour réduire son impact, de plus en plus de marques proposent des alternatives plus ou moins durables. Décryptage. 

Le surfeur est un paradoxe sur pattes. Amoureux de l’océan et fervent défenseur de la nature, il peut aussi multiplier les voyages à l’autre bout du monde pour chasser les meilleures vagues. Une soif d’aventure qui n’est pas sans incidence sur l’environnement. D'après le simulateur de l’ADEME, emprunter l'avion revient à émettre 229,97 gCO2e/km/personne. Au-delà des trajets, le choix du matériel pour ses sessions peut fortement alourdir la balance.
"L’impact des déplacements a une dimension émotionnelle plus forte que celui du matériel, pourtant, dans les chiffres, l’impact environnemental de la production du matériel d'outdoor est encore plus important", relève Léa Brassy, surfeuse et apnéiste professionnelle française. Parmi les équipements utilisés par les pratiquants, la combinaison reste l’un des principaux points noirs. Il suffit de jeter un œil du côté des étiquettes pour s’en rendre compte. 

La majorité des combinaisons sont constituées de néoprène, un caoutchouc synthétique réalisé à partir de combustibles fossiles dérivés du pétrole, qui est enveloppé entre deux couches de tissu (polyester ou nylon). "La fabrication reste assez opaque. On sait en revanche que la plupart des combinaisons sont aujourd’hui conçues par la même usine en Asie”, explique Pierre Barbez, co-fondateur de La Green Session, une association dédiée à la pratique d’une glisse plus écoresponsable. Avec des usines au Cambodge, au Vietnam et en Thaïlande, le groupe Sheico fournit près de 60 % des marques dont Patagonia, Picture, Billabong, Roxy ou encore Soöruz.   

En quête d’alternatives au néoprène 

Conscients de l’impact néfaste du néoprène sur l’environnement, de plus en plus d’acteurs de l’industrie du surf se tournent vers des alternatives, comme le "limestone" (roche calcaire en anglais). "Pour nos combinaisons, nous mélangeons cette matière avec des pneus et des bouteilles d’eau recyclés. Une fois coulée, cette pâte est utilisée pour fabriquer des plaques de néoprène que l’on habille avec une pellicule de lycra”, détaille Antoine Pouvreau, co-fondateur de la marque française Wildsuits. Si cette technique est "un moindre mal", elle reste polluante. En cause : l’extraction du calcaire de mines qui se trouvent au Japon.

On ne peut pas se dire complètement ecofriendly mais on essaye d’optimiser cet impact-là."

"Nous tentons par exemple de sourcer du néoprène européen ou de le recycler. A terme, nous souhaitons faire de la recherche et développement pour trouver d’autres matériaux”, défend le co-fondateur de Wildsuits.  

Depuis 2013, la marque Soöruz se penche également sur l’écoconception de ses combinaisons. Après avoir commercialisé pendant dix ans des tenues en limestone, l’entreprise française innove depuis 2020 en proposant "l’Oysterprène". La roche calcaire est ici partiellement remplacée par de la poudre de coquilles d’huîtres. "Nous avons également développé le 'Bioprène', une mousse à base de coquilles d’huîtres, de semences non-alimentaires, de sève d’hévéa et de canne à sucre. Cette matière est biosourcée à plus de 115 %”, révèle Paul Le Guen, chargé du programme de collecte et de revalorisation Soöruz 2nde Life. Difficile toutefois de connaître l’empreinte carbone de ces alternatives. "Nous espérons communiquer dessus dans le futur", assure-t-il. 

Les planches en question 

Plus récemment, en 2016, c'est la marque Patagonia qui a fait parler d’elle en annonçant troquer le néoprène contre du caoutchouc naturel : le "Yulex", obtenu après transformation du latex d’hévéa, un arbre originaire de la forêt amazonienne et d’Amérique centrale. Le résultat d'un processus de recherche et développement qui a pris plus de dix ans. "On arrive à un produit très abouti d’un point de vue environnemental", atteste Léa Brassy, surfeuse et ambassadrice Patagonia depuis 2011, avant de poursuivre :

Alors que la production d’hévéa peut être source de déforestation, Patagonia s’assure que la chaîne de production soit durable et qu’il n’y ait pas de déforestation de forêts primaires".

Sur son site, la marque de vêtements outdoor affirme être associée au Forest Stewardship Council (FSC) pour garantir que les hévéas "proviennent uniquement de plantations préservant la biodiversité et l’intégrité écologique". Et ajoute : "la Rainforest Alliance, une ONG internationale qui œuvre pour conserver la biodiversité et assurer des moyens de subsistance durables, réalise des audits sur le terrain afin de confirmer que nos plantations sources répondent bien aux normes FSC".

Du côté des fabricants de planches de surf, l’heure est aussi à l’écoresponsabilité. Alors que l’empreinte carbone d’une board 6’0 de 2,5 kg correspondrait à 270 kg de CO2, de plus en plus de marques expérimentent de nouveaux matériaux. Exit les planches "polyester" fabriquées en mousse polyuréthane (PU) et résine polyester, place au polystyrène expansé (EPS) ou encore à la résine biosourcée.

Créée en 2017, Nomads surfing mise par exemple sur ces technologies pour réduire l’impact environnemental lié au matériel des surfeurs. "Nos planches en polystyrène expansé sont réalisées à partir de pains de mousse 100 % recyclés et 100 % recyclables. On utilise également une résine biosourcée à 40 % venant de France ainsi que de la fibre de lin pour remplacer la fibre de verre. Grâce à ces matériaux, on peut réduire de 25 à 30 % les émissions de CO2 par rapport aux planches en polyuréthane", développe Nicolas Thyebaut, l’un des co-fondateurs.  

Réfléchir au surf de demain 

Des initiatives prometteuses qui restent encore à approfondir. Selon Pierre Barbez, co-fondateur de La Green Session, la planche la plus écologique reste celle qui aura la plus grande durée de vie. "Les pratiquants doivent changer leurs habitudes. Il faut par exemple remplacer le moins souvent son matériel et le réparer au maximum”, note-t-il. Plusieurs shapers locaux proposent aujourd’hui des services de réparation. Les marques de combinaisons se sont aussi mises à la page, à l’image de Soöruz qui a son propre atelier en interne pour donner une nouvelle jeunesse aux équipements des surfeurs. 

La seconde main gagne également l’univers des sports de glisse. Des offres sont désormais disponibles sur les e-shops de certaines marques dédiées ou des applications de revente de matériel outdoor comme Everide. Des espaces de vente physiques voient le jour. A Brest, The Old Shell, une boutique consacrée aux combinaisons et accessoires en néoprène de seconde main, a ouvert ses portes en février dernier. Au tour, des surfeurs de prendre cette vague écolo. 

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