A 20 ans, Rania Raki a fait de la lutte contre la précarité étudiante son "combat". Quatre fois par semaine, cette bénévole se rend dans un entrepôt près du campus toulousain du Mirail, où elle gère l'antenne d'Equipage Solidaire qui stocke là les denrées à livrer aux jeunes. "Après Paris, Toulouse enregistre le plus de demandes", précise l'étudiante en ingénierie, tout en surveillant le rythme des distributions en temps réel via l'application : sur l'écran de son téléphone, la carte de la Ville Rose se remplit de points rouges.
Présente dans 14 villes, l'association s'est installée en septembre à Toulouse, où elle a déjà effectué 1600 livraisons, à raison d'un maximum de trois par personne et par mois. Et "les demandes explosent, on en a encore 1000 à traiter, d'autres s'ajoutent", souffle la jeune femme, originaire d'Aubervilliers, en banlieue parisienne, où est né le projet en 2020 pendant la crise du Covid.
Les rires fusent parmi les étudiants bénévoles, qui s'affairent à remplir des sacs de féculents, de légumes, de laitages... produits en passe d'être périmés qu'ils récupèrent auprès de grandes surfaces, permettant ainsi de limiter en outre le gaspillage.
Demandes en urgence
"On se rend compte de l'inflation lors des collectes aux supermarchés quand on nous dit : 'Pour nous aussi c'est la galère ! Allez travailler !'", se désole Rania. Selon l'Insee, la hausse des prix alimentaires a atteint près de 15 % sur un an en avril. Les 1300 bénévoles que compte Equipage Solidaire en France ont distribué plus de 16 000 kits depuis le lancement de la plateforme.
Ils pensent qu'il y a plus précaire qu'eux alors qu'ils en ont vraiment besoin : quand on les livre, certains n'ont rien mangé depuis deux jours."
Avec sa voiture du même rouge vif que les sacs qu'elle répartit, Carla-Marie Bellier, 18 ans, étudiante en arts et communication, se prépare à livrer dans une résidence universitaire près du canal du Midi. "Ils nous écrivent : 'J'ai qu'un paquet de pâtes pour tenir le mois, j'ai besoin d'une livraison d'urgence'", raconte-t-elle, en référence aux appels au secours que reçoit l'association. Mais d'autres n'osent pas faire la démarche. "Ils pensent qu'il y a plus précaire qu'eux alors qu'ils en ont vraiment besoin : quand on les livre, certains n'ont rien mangé depuis deux jours", ajoute une autre bénévole, Marie Pignon, 18 ans, étudiante en licence de psychologie.
D'après l'Observatoire de la vie étudiante en 2021, 38 % des étudiants déclarent restreindre leurs dépenses alimentaires, 18 % ne pas manger à leur faim et 16 % sauter des repas pour des raisons financières. "L'inflation renforce très clairement leur situation déjà alarmante et touche même de nouveaux profils", précise à l'AFP Sarah Biche, représentante de la Fédération des associations générales étudiantes (Fage).
Voler pour manger
Comme les autres bénéficiaires, Marie, 22 ans, s'est enregistrée sur la plateforme en précisant son statut d'étudiante en master d'histoire et ses préférences alimentaires. Repas, loyer, transports... sa bourse universitaire de 500 euros ne suffit pas. Préférant taire son nom, elle s'avoue en "grande difficulté". "L'inflation, personne n'y échappe (...) Encore moins les étudiants. On est les plus touchés !", lance-t-elle derrière ses grandes lunettes rondes. "Je compte chaque centime, je saute des repas pour économiser", confie-t-elle, au bord des larmes.
Ailleurs dans Toulouse, Elisa Barbot, étudiante de 18 ans en arts et communication, attend son premier kit sur le seuil de son studio. Huile, pâtes, savon, protections hygiéniques : autant d'articles qu'elle ne peut plus se "permettre". "Je pique des desserts au resto U pour les manger chez moi le soir", avoue-t-elle. Avec 100 euros d'aide, pas de place pour "le surplus" : activités culturelles ou sorties passent à la trappe. "Je me prive tout le temps. Parfois, pour garder un semblant de vie sociale, je vais dans un bar avec mes copines, mais je ne prends rien", regrette-t-elle. Sous couvert d'anonymat, une autre étudiante admet "voler régulièrement dans les magasins". "Je cache de la viande dans mon sac, mes poches, ou du jambon sous mes vêtements", dit-elle, mimant le geste.
Avec AFP.
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