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Santé

La zoothérapie : les animaux peuvent-ils soigner les humains ?

Personnes âgées, enfants malades, travailleurs stressés : et si les animaux pouvaient nous aider à mieux vivre ?

Un cheval à l'hôpital, un chat à l'école, un chien à la maison de retraite… Cela ressemble à un poème de Prévert mais c'est une réalité : depuis quelques années, les animaux font une arrivée remarquée dans un nombre croissant d'établissements, qu'il s'agisse d'hôpitaux, d'EHPAD, d'écoles et même de bureaux. Encore peu connue en France, la zoothérapie, ou médiation animale, s'impose même comme une thérapie complémentaire pour de nombreux malades, enfants autistes et personnes âgées en particulier.

Mémoire et motricité

Dans la région de Montpellier, Caroline Carrière et ses fidèles compagnons rendent ainsi visite aux résidents de plusieurs EHPAD. La zoothérapeute a pour collègues deux chiens, cinq lapins, des perruches, des tortues et même une poule "pour les papis et mamies qui avaient un poulailler", explique-t-elle. Le principe de la zoothérapie est de travailler avec chaque personne sur sa relation à l'animal : "les psychologues des EHPAD me donnent des informations sur les relations que la personne a eues avec les animaux dans sa vie, raconte Caroline Carrière. Cela permet de faire un travail sur la mémoire ancienne."

Mais les animaux ne sont pas seulement là pour rappeler des souvenirs : ils sont aussi de véritables auxiliaires pour les soignants : "Par exemple, une personne qui ne veut pas marcher avec le kiné va se laisser convaincre d'aller promener le chien parce que ça fait plaisir à l'animal. C'est l'affect qui prend le dessus", illustre la zoothérapeute. La visite du chien devient même un rendez-vous attendu avec impatience : "Certains groupes de personnes âgées ont carrément adopté l'animal. Ils ont leur "lapin mascotte", ou bien disent "mon" chien. Ils ont besoin de se raccrocher à des rituels avec l'animal et d'avoir une mission, comme de collecter du pain pour mes ânes !", sourit Caroline Carrière.

Une partie de cartes avec les pattes

Le plus souvent, ce sont les chiens qui sont utilisés pour nouer un contact avec les humains : on peut les promener, jouer avec eux, les caresser et les brosser, surtout s'ils ont le poil long… A l'EHPAD Mémoires de Bourgogne, dans l'Yonne, les résidents reçoivent régulièrement la visite de bergers australiens et de shetlands : "La zoothérapie est un facilitateur d'action : face à une dame qui ne veut pas aller à la salle de bains pour se laver, on va utiliser l'hygiène du chien pour lui faire accepter sa propre hygiène, explique Philippe Wattecamps, directeur de l'établissement. En focalisant l'attention du résident sur l'animal, et en jouant sur l'aspect affectif, cela permet de faire passer des messages."

Motricité, mémorisation, sociabilisation mais aussi valorisation et estime de soi : être utile à l'animal, lui porter de l'affection, anticiper son retour dans quelques jours… Cela suffit parfois pour que les résidents retrouvent l'envie de "poursuivre leur processus de vie". Sans compter les parties de Mémory endiablées avec une des petites chiennes, spécialement dressée pour savoir pousser les cartes à jouer quand on lui demande…

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Chiens d'éveil

Loin d'être réservée aux personnes âgées, la zoothérapie peut aussi être une aide précieuse pour les enfants ayant des troubles du spectre de l'autisme, atteints de trisomie ou de poly-handicaps. L'association Handi'chiens a ainsi donné, depuis 1991, plus de 2000 chiens dits "d'éveil" à des familles frappées par l'un de ces troubles : "Pour les enfants autistes, le chien facilite la communication, explique Jean Perez, en charge du mécénat pour Handi'chiens. L'enfant va oraliser pour appeler son chien, il pourra dormir avec lui, ce qui calme les crises nocturnes, et il peut même prendre exemple sur lui. Je me souviens ainsi d'un enfant qui, à 7 ans, se nourrissait encore au biberon. Lorsqu'il a vu que son chien mangeait dans une gamelle, il a aussitôt abandonné le biberon pour une assiette."

"Ronronthérapie"

Si les animaux ne remplacent ni les traitements médicaux ni un accompagnement psychologique lorsqu'il est nécessaire, ils sont ainsi de formidables liens entre malades et soignants. Et ils pourraient même parfois prévenir l'arrivée de certaines maladies, notamment celles liées au stress. Des entreprises japonaises ont ainsi ouvert leurs portes à des chats pour éviter le burn-out chez leurs salariés. Les vibrations sonores à basses fréquences émises par le chat lorsqu'il ronronne seraient de nature à calmer et apaiser les tensions des humains.

Mais au-delà des effets physiques supposés, toute thérapie accompagnée par un animal repose surtout sur l'affection et l'attachement à un chat, un chien, une poule, un âne…: "Certains résidents de l'EHPAD mettent dans leur chambre une photo du chien qui les visite plutôt qu'une photo de leurs enfants qui ne viennent jamais les voir...", soupire Philippe Wattecamps. Aimer pour aller mieux, c'est sans doute le secret de la zoothérapie.

3 questions à François Beiger, directeur général de l'Institut français de zoothérapie (IFZ)

Comment définiriez-vous la zoothérapie ?

La zoothérapie est un soin alternatif non médicamenteux. Elle ne remplace pas la médecine mais l'accompagne d'une autre façon : l'animal est un médiateur entre une personne malade ou faible et son thérapeute, qu'il s'agisse d'un psychologue, d'un pédiatre, d'un éducateur spécialisé… Par exemple, brosser un chien permet de prendre soin de l'animal donc, par un effet de miroir, de prendre conscience qu'on doit aussi prendre soin de soi-même.

Comment l'animal peut-il être ce médiateur ?

L'animal est rassurant car il ne juge pas, ne parle pas. On peut aussi faire des choses avec lui, le promener, le caresser. Les animaux utilisés en zoothérapie reçoivent une formation spécifique pour qu'ils soient capables de travailler avec des personnes âgées par exemple. Mais le principe est surtout que l'animal soit un vecteur d'émotions. De plus, l'animal a cette sensibilité de savoir que la personne en face de lui est "différente", qu'il faut être attentionné avec cette personne.

Pour quels problèmes la zoothérapie est-elle recommandée ?

On l'utilise beaucoup pour les personnes âgées et pour les troubles du spectre autistique, mais aussi pour traiter les schizophrènes et les hallucinations. On a constaté que la présence d'un animal permettait de réduire l'usage de neuroleptiques. La zoothérapie peut aussi être utile aux personnes en situation de handicap, aux jeunes inadaptés socialement… Actuellement, je travaille avec le ministère de la Justice sur un projet de zoothérapie dans les prisons. Cela permettrait de faire entrer une forme de liberté contrôlée dans la prison, de redonner aux détenus quelque chose qui vient de l'extérieur et de faciliter la communication avec eux.