Entre 1972 et 1993, ce pesticide ultra-toxique, appelé "chlordécone", a été utilisé massivement dans l'ensemble des bananeraies et cultures agricoles de Guadeloupe et de Martinique.
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Santé

Chlordécone : 92 millions d'euros pour réparer les dommages, trop peu pour les victimes

Le quatrième plan chlordécone, destiné à lutter contre les conséquences de la pollution à long terme de cet insecticide aux Antilles, a entamé sa dernière ligne droite avec une consultation publique en Martinique et Guadeloupe, avant sa présentation officielle début 2021.

Dossier ultra sensible aux Antilles, la pollution des sols par cet insecticide considéré comme perturbateur endocrinien et cancérogène probable, a été jugée par Emmanuel Macron lui-même comme un "scandale environnemental". Le Plan Chlordécone IV, qui couvrira la période 2021-2027, fait suite au rapport d'une commission d'enquête parlementaire, qui en novembre 2019, avait conclu que l'Etat était "le premier responsable" de cette pollution.

L'insecticide a été autorisé entre 1972 et 1993 dans les bananeraies des Antilles et a infiltré les sols pour des centaines d'années, polluant eaux et productions agricoles, alors que sa toxicité et son pouvoir persistant dans l'environnement étaient connus depuis les années 60. "L'Etat a fait subir des risques inconsidérés, au vu des connaissances scientifiques de l'époque, aux populations et territoires de Guadeloupe et de Martinique", selon le rapport des députés Justine Bénin (MoDem, Guadeloupe) et Serge Letchimy (apparenté PS, Martinique). Plusieurs de leurs préconisations sont reprises dans le nouveau Plan.

92 millions d'euros de "réparation"

Au total 92 millions d'euros vont être investis dans ce nouveau plan. "C'est trois fois plus que le plan précédent", a signalé le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu, sur RCI (Radio Caraïbes internationale). Pour lui, "la plus belle manière de reconnaître la responsabilité, c'est de réparer", a-t-il expliqué. Plus de 90 % de la population adulte en Guadeloupe et Martinique est contaminée par le chlordécone, selon Santé publique France, et les populations antillaises présentent un taux d'incidence du cancer de la prostate parmi les plus élevés au monde.

La consultation publique prend fin vendredi. Le site internet a accueilli près de 20 000 personnes (dont 17 000 de Martinique), a indiqué mardi le préfet de Martinique, Stanislas Cazelles, sur RCI. Les contributions, recueillies en ligne ou en mairie, enrichiront le Plan, a expliqué à l'AFP Sébastien Jakubowsky, en charge du suivi à la préfecture.

"Vivre avec"

Le nouveau plan prévoit par exemple de continuer à cartographier les terres polluées, de créer une Coordination Locale de la Recherche sur la Chlordécone aux Antilles, de poursuivre la surveillance des denrées alimentaires mises sur le marché, de développer un service d'analyse gratuit destiné aux agriculteurs et éleveurs pour les sols, l'eau et les fourrages ou de mener des études scientifiques sur les cancers liées au chlordécone.

Le plan prévoit aussi des tests du taux de chlordécone dans le sang pour les populations les plus vulnérables (autoconsommateurs de fruits et légumes ou poissons, femmes enceintes), de lancer une nouvelle étude en 2021 sur l'imprégnation de la population antillaise, et de nouvelles analyses de l'eau du robinet, ou encore de créer un centre Antilles Guyane de consultation des pathologies professionnelles et environnementales. "De petites actions cumulées pour essayer de 'Vivre avec'" le chlordécone, alors qu'il faudrait "entrer dans une ère de mutation, de réparation, d'indemnisation. Il faut sortir du chlordécone avec une dépollution massive" regrette Serge Letchimy, pour qui le budget consacré à ce plan n'est "pas sérieux". Dans ce nouveau plan figure également un récent décret sur le nouveau fonds d'indemnisation pour les victimes de maladies professionnelles liées aux pesticides. Il rend désormais possible l'indemnisation des agriculteurs empoisonnés par le chlordécone, ainsi que les enfants exposés pendant la période prénatale. "L'accompagnement des travailleurs agricoles" pour ces indemnisations fera partie du plan, a assuré le préfet Cazelles.

Des procédures judiciaires

Le sujet est toujours d'actualité : des procédures judiciaires pour "mise en danger de la vie d'autrui", sont en cours depuis des années au sein du Pôle Santé du TGI de Paris, et en mai dernier, 500 habitants des Antilles exposés au chlordécone ont saisi le tribunal administratif de Paris pour voir reconnu un préjudice d'anxiété. Et en Martinique, le sujet est au coeur de nombreuses tensions identitaires, une partie de la population accusant de grandes familles locales (béké), d'être à l'origine de la pollution.

Avec AFP.

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