Etudiants, Université de Rennes 1.
©Damien Meyer/AFP
Société

A Rennes, une épicerie gratuite fait la guerre à la précarité étudiante, sans conditions

"Si l'épicerie gratuite n'était pas là, je pense que certains jours je serais obligée de sauter un repas" : comme Noa, 19 ans, plus de 200 personnes font la queue devant l'association créée au coeur du campus de Rennes 2 par des étudiants.

Trois après-midi par semaine, sans aucune condition de ressources ou une quelconque contrepartie, les bénéficiaires peuvent venir chercher des denrées qui leur permettront de préparer deux ou trois repas. Une manne pour ces jeunes qui subissent souvent de plein fouet la précarité étudiante et l'inflation alimentaire. "En général, un étudiant repart avec en moyenne 2,5 kg de nourriture. L'année dernière c'est 35 tonnes d'aliments qu'on a sauvées", souligne fièrement Benoît Foliot, 24 ans, à la fois bénévole de l'association et bénéficiaire.

Aliments invendus

Le circuit est toujours le même : dans un premier frigo, les produits laitiers, puis une vitrine réfrigérée où se trouvent des plats préparés, souvent des surplus des cantines de la ville de Rennes, avant les viandes et poissons, les plats cuisinés et le frigo "végétarien". A l'extérieur du petit local sont disposés les produits secs (pain, pâtes, conserves) et, tous les lundis, des légumes provenant d'un maraîcher bio.

Ces denrées sont issues à 95 % des invendus de la grande distribution et surplus des collectivités car l'épicerie gratuite s'inscrit autant dans la lutte contre le gaspillage alimentaire que contre la précarité.

L'année dernière, quand je faisais des grosses courses qui me duraient bien deux semaines, j'en avais pour 50 euros. Maintenant c'est facilement 70 euros."

"Ils donnent pas mal de choses, ça permet d'économiser un peu. Des oeufs, de la viande, du poisson, des fois il y a même du saumon !", s'enthousiasme Noa. Sans l'épicerie et ses bénévoles, "mon budget courses alimentaires augmenterait bien de 20 voire 30 euros par mois. C'est pas rien", explique la jeune femme aux cheveux bleutés, qui dispose d'un budget mensuel total d'environ 500 euros. "L'année dernière, quand je faisais des grosses courses qui me duraient bien deux semaines, j'en avais pour 50 euros. Maintenant c'est facilement 70 euros", lance l'étudiante en théâtre.

Selon l'Insee, l'inflation atteignait 6,2 % sur un an en février, avec une hausse des prix de 14,5 % pour les seuls produits alimentaires.

Venir à l'épicerie gratuite "n'a pas été forcément facile au début, j'étais un peu réticente", confie Noa. Désormais, elle incite des amis en difficulté à l'imiter mais certains "ne se sentent pas légitimes, alors qu'il n'y a pas de honte à être dans le besoin". Pour Camille Le Duvéhat, qui coordonne les bénévoles de l'association, l'ancrage de l'épicerie gratuite sur le campus, à côté du "resto U", est très importante pour les aider à surmonter ces réticences.

L'idée est venue d'une autre association, Coeurs Résistants, qui organisait des distributions pour les personnes de la rue. De plus en plus d'étudiants avaient recours à leur aide alimentaire mais "ils ne se sentaient pas forcément légitimes à se trouver à côté de familles et de gens sans abri", explique Camille. Cette épicerie gratuite étudiante, première du genre à sa création fin 2018, voit désormais défiler chaque semaine au moins 600 personnes. Et le nombre de bénéficiaires n'a cessé d'augmenter depuis le début.

On peut manger des repas diversifiés et équilibrés, un luxe pour pas mal d'étudiants aujourd'hui."

Chloé, étudiante en psychologie âgée de 23 ans, venue avec des boîtes en plastique pour les plats cuisinés et une bouteille qu'elle a pu remplir d'huile d'olive, repart avec un sac bien chargé. "Je pense que ça va me faire la semaine, avec les repas que je prends le midi au restaurant universitaire", sourit-elle. Avec un loyer de 650 euros, les "paniers" de l'épicerie "font vraiment une grosse différence". "On peut manger des repas diversifiés et équilibrés, un luxe pour pas mal d'étudiants aujourd'hui", assure la jeune femme, qui a déjà dû se priver de nourriture par le passé. "Je ne pense pas être la seule. J'ai beaucoup de proches qui sautent des repas pour des raisons financières. On connaît d'autres étudiants qui vivent dans leur voiture faute d'argent, ce sont des réalités...", déplore Chloé.

Avec AFP. 

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