La Convention citoyenne pour le climat (CCC), dans son rapport de juillet 2020, réclamait la restriction de la publicité pour les produits polluants. En discussion le mardi 23 mars à l’Assemblée nationale dans le cadre de la « loi climat », le rôle à jouer par la publicité dans la transition écologique n'est pas consensuel. Édulcoré pour les uns, trop sévère pour d’autres, c'est le contenu du futur texte fait débat : certains mettent en garde contre des restrictions trop importantes pour un secteur économique qui pèse lourd, d’autres en font une condition nécessaire au « monde d’après », un monde qui ferait table rase d’un modèle de consommation jugé obsolète.
Plus de pub pour les énergies fossiles
Dans une de ses 149 propositions, la Convention citoyenne pour le climat (CCC) avait suggéré « d’interdire de manière efficace et opérante la publicité des produits les plus émetteurs de GES », une sorte de « loi Evin sur le climat » en référence au texte de 1991 interdisant notamment la publicité pour le tabac et limitant celle pour l’alcool. De telles mesures permettraient, selon les 150, de « réorienter la consommation sur des produits plus vertueux » et de « réduire les incitations à la surconsommation ». Même si Emmanuel Macron s’était engagé à reprendre « sans filtre » les travaux de la CCC, pour l’heure, la majorité table sur la seule interdiction de la publicité « pour les énergies fossiles ». Celle-ci est inscrite dans l’article 4 de la loi Climat et résilience, présenté comme le dernier grand texte de loi du quinquennat d’Emmanuel Macron actuellement débattu à l’Assemblée.
Si la ministre de la Transition Écologique Barbara Pompili promet qu’« à terme », la publicité pour tout produit polluant devrait bien être interdite, elle affirme qu’à courte échéance, le gouvernement fait plutôt le pari de « l’engagement volontaire » des marques et des annonceurs pour verdir leurs pratiques. La ministre ajoute qu’il « faudrait ajouter des possibilités de contrôle et d’encadrement » pour contrôler ces engagements, mais la déclaration reste pour l’heure au conditionnel.
Un manque d’ambition pour l’opposition et les ONG
En « édulcorant » le message porté par la Convention citoyenne, le gouvernement s’est exposé aux critiques des ONG, celles-ci estimant que le pouvoir en place a cédé au lobby des annonceurs. Les associations de défense de l’environnement n’en démordent pas : il faut pénaliser la publicité qui prône la consommation à outrance ou pour des produits qui ne répondent pas aux enjeux de l’époque. D’après le WWF, les SUV, ces 4x4 urbains pointés du doigt pour leur consommation de carburant et la pollution qu’ils génèrent, bénéficient encore d’une image publicitaire trop flatteuse. À eux seuls, ils représenteraient 18 pages de presse quotidienne et 3h50 de publicité télévisée par jour. Greenpeace ajoute qu'en 2019, « les investissements de publicité et de communication des secteurs automobile, aérien et énergies fossiles en France étaient estimés à plus de 5,1 milliards d’euros », autant d’argent qui échappe à l'investissement dans la recherche et le développement des entreprises en faveur de transition écologique.
Le front d’opposition tente de porter des mesures plus fidèles à l’esprit des 150. Le projet pour une « vraie loi Climat » porté par les députés ex-LREM Delphine Batho et Matthieu Orphelin (non-inscrits), dans son article 9, propose « la régulation de la publicité sur les produits les plus polluants de manière progressive et concertée sur 10 ans. » Quant à la France Insoumise, le groupe défendait à l’automne 2020 un projet de loi pour « libérer l’espace public de la manipulation publicitaire ». Le groupe d’appui à la CCC a pour sa part jugé dans un rapport que « les grandes compagnies vendant ces énergies mettent plutôt en avant soit leur nom en tant que marque soit leur offre d’énergies renouvelables ». Même constat pour le Conseil d’Etat qui relève dans un avis « le caractère peu fréquent de ces publicités directes » pour les énergies fossiles elles-mêmes.
Le pari de l’engagement volontaire en question
De leur côté, les publicitaires saluent que la décision du gouvernement aille dans le sens de mesures incitatives et plutôt que coercitives. Bertille Toledano, présidente de l’agence publicitaire BETC, estimait au micro de France Info que l’on pouvait « passer par l’encouragement, le dialogue, […] prendre des mesures soi-même sans être obligé d’interdire. » Les professionnels du secteur craignent notamment l’impact de restrictions sur le l'automobile, deuxième plus gros annonceur du marché. Reprenant l'exemple des 4x4 urbains, Mme Toledano rappelle également que « la publicité pour le SUV n’est pas le SUV », et que le vrai enjeu résiderait donc plutôt dans les pratiques de consommation en elles-mêmes.
Seulement, en l’absence de cadre légal contraignant, les entreprises comme les publicitaires semblent peu enclines au changement de modèle. C’est du moins ce que dénoncent certaines ONG, comme France Nature Environnement (FNE). L’association avait, dès septembre 2020, claqué la porte du Conseil Paritaire de la Publicité, qui conseille l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP). « L’instance n’est pas en mesure de réguler la publicité pour répondre à l’urgence climatique et environnementale », annonce FNE dans un communiqué, pointant les limites de l’autorégulation du secteur. « La publicité a besoin d’un nouveau cadre », conclut l’association.
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