Le président Donald Trump en campagne pour l'élection présidentielle américaine.
©Brendan Smialowski/AFP
tribune

"Incompréhension des enjeux climatiques aux États-Unis sous la présidence Trump"

A quelques jours des élections présidentielles américaines, l'Institut Open Diplomacy, considère que la politique climatique menée par Donald Trump relève entre autres d'une "incompréhension des nouveaux droits environnementaux". "Il ne suffit pas de l'accuser de vouloir se démarquer à tout prix de son prédécesseur par narcissisme plutôt que par conviction", juge Anne Kraatz dans cette tribune. 

Anne Kraatz est Senior Fellow de l'Institut Open Diplomacy, Docteure en Histoire et spécialiste des enjeux de politiques américaines et des relations entre l'Europe et les Etats-Unis.
©Institut Open Diplomacy/DR

Pour essayer de comprendre l'ardeur avec laquelle le président Donald Trump s'est attaché à détricoter les avancées dans la gestion des causes et des effets du réchauffement climatique du président Barack Obama, y compris son retrait de l'accord de Paris, il ne suffit pas de l'accuser de vouloir se démarquer à tout prix de son prédécesseur par narcissisme plutôt que par conviction. Même s’il y a bien de cela dans son comportement.

Il faut plutôt essayer de quantifier à la fois le manque d'informations fiables et facilement compréhensibles sur ce sujet au sein de la population américaine, et la solidité de certaines convictions qui tendent à contredire ou minimiser les problèmes causés par le réchauffement climatique. C’est notamment le cas parmi les citoyens les plus âgés et les plus conservateurs. Ces facteurs constituent des enjeux politiques à forte valeur électorale. C'est donc sur le scepticisme vis-à-vis des données scientifiques, souvent plus contestées aux États-Unis qu'ailleurs, et sur celui des personnes qui auraient une "mémoire longue" des incidents climatiques leur permettant de les attribuer à la "normalité" des saisons par exemple, que s'appuie Donald Trump pour ridiculiser l'idée même d'un réchauffement.

À cette incompréhension fondamentale vient s'ajouter l'idée, maintes fois contredite par les faits, que le développement durable, autrement dit "écologique", détruirait les emplois et modifierait le style de vie des Américains, autre sujet électoral porteur pour Donald Trump. Une courte liste des retours en arrière les plus significatifs de son administration comprendrait le quasi-démantèlement des pouvoirs de l'Agence pour la protection de l'environnement (Environmental Protection Agency - EPA) ; l’assouplissement des normes sur les émissions de CO2 adoptées sous Obama pour l'industrie automobile ; l'autorisation d'entreprendre des forages côtiers dans la mer de Beaufort, dans l'Arctique américain, ainsi que dans les terres fédérales où vivent des espèces protégées. En revanche pas de forages au large de la Floride - la propriété de Donald Trump se trouve sur la côte. Une liste exhaustive et très détaillée des mesures prises par l'administration américaine peut être consultée sur le site du National Geographic dédié à ce sujet.

Incompréhension des nouveaux droits environnementaux

Plus important encore pour la suite des événements est l'incompréhension du Président et des plus haut dirigeants de l'administration républicaine vis-à-vis du changement de paradigme judiciaire auquel les nations se préparent pour faire face aux contestations de leurs citoyens face aux dommages sur leur environnement. Lors des Rencontres du Développement Durable créées par l'Institut Open Diplomacy, il a été question des nouvelles notions de justice environnementale que le législateur française est prêt à inscrire dans le corpus juridique, suivi en cela notamment par les Pays-Bas et l’Espagne. Il s'agit de permettre de quantifier les dommages environnementaux qui affectent la santé et le bien-être des personnes, et de permettre aux tribunaux de les sanctionner. Emilie Gaillard, coordinatrice générale de la Chaire Normandie pour la Paix et Clémentine Baldon, avocate et experte associée auprès du conseil scientifique de la Fondation pour la nature et l’homme, ont décrit le droit à un environnement protégé et la notion de justice climatique. Soit deux concepts pour lesquels il n'existe pas encore de précédent juridique bien établi mais dont le principe, désormais acquis, fait déjà consensus parmi la population comme parmi les praticiens de la Justice.

C'est justement sur ce point que l'incompréhension de l'administration américaine est manifeste. Il y a déjà cinq ans, 21 jeunes Américains de la côte Ouest se sont portés partie civile contre leur gouvernement pour son rôle dans le réchauffement climatique. C'était là un des premiers exemples de ce type d'action engagée par ceux qui pâtissent directement des effets de ce changement. Le dossier, Juliana vs. the United States, est arrivé jusqu'à la Cour suprême où les juges ont accepté, provoquant la colère de Donald Trump, d'examiner la requête mais sans rendre un verdict. Ils ont simplement conseillé aux plaignants de s'en remettre à la cour du district approprié. Cette dernière a rendu une opinion, sinon un jugement, indicatif de l’abasourdissement de la magistrature américaine face à ce genre de plainte. Le procureur général a en effet indiqué que "l'assertion de nouveaux droits fondamentaux de grande envergure à des conditions climatiques spécifiques n'a aucun fondement ni dans l'histoire de la nation ni dans sa tradition et aucune place dans une cour fédérale". Il a ajouté que ces jeunes gens proposaient ni plus ni moins une refonte complète et inacceptable du système d'approvisionnement énergétique des États-Unis.

On est donc loin d'une appréhension des faits et des effets du réchauffement climatique, et de la nécessité d'une réponse légalement structurée aux demandes des peuples pour un développement durable et non dommageable. Sur ce sujet comme sur tant d'autres, l'administration de Donald Trump est en retard d'une époque.

Par Anne Kraatz, Docteure en Histoire - Open Diplomacy.

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