Les ONG environnementales ont fustigé mercredi l'abandon de l'indicateur français de mesure de l'usage des pesticides.
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Politique

Glyphosate : les réactions après la prolongation de son autorisation par la Commission européenne

La Commission européenne a annoncé, ce jeudi, le renouvellement de l’autorisation du glyphosate dans l’Union Européenne pour 10 ans. Partisans et opposants à cet herbicide sulfureux ont déjà vivement réagi à cette annonce. ID fait le point.

Le 13 octobre dernier, la Commission Européenne a organisé un vote avec les États membres de l'union portant sur la reconduction de l’autorisation du glyphosate jusqu’en 2033. Pour valider ou rejeter le texte, la majorité qualifiée était requise - soit 15 États sur 27, représentant au moins 65 % de la population européenne -. Celle-ci n’a pas été atteinte. Ce jeudi 16 novembre, la Commission a donc pris la décision seule de réautoriser le glyphosate pour dix ans.

Un produit sans alternative ? 

"Il aurait été irresponsable de la part de la Commission européenne d'interdire totalement le glyphosate" a déclaré Anne Sander, eurodéputée du groupe conservateur du Parti Populaire Européen, sur FranceInfo. Sans avancer que le glyphosate est inoffensif, "effectivement il y a des risques", elle défend que "nous avons besoin de glyphosate, de manière encadrée, pour assurer notre sécurité alimentaire". Un raisonnement qui fait écho à la FNSEA, Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, qui a déclaré dans un communiqué que "ce choix va permettre de donner de la visibilité aux agriculteurs et permettra à tous ceux qui sont engagés dans des techniques agronomiques vertueuses de poursuivre cette voie en termes d’agroécologie car ils auraient été confrontés à une totale absence d’alternative en cas d'interdiction."

Une absence d’alternative que conteste la Confédération paysanne, syndicat défenseur de l'agriculture paysanne. Pour elle, prolonger l’autorisation du glyphosate "c’est faire croire que continuer à utiliser cet herbicide ne pose aucun problème. C’est repousser toujours plus loin les changements dans les exploitations agricoles. Enfin, c’est refuser d’assumer la nécessité urgente de soutiens économiques au développement de pratiques affranchies de ce pesticide et plus généralement de toutes les substances dangereuses."

Dangerosité du glyphosate en question  

Si pour la FNSEA, prolonger l’autorisation du glyphosate respecte "la science", l'ONG environnementale Greenpeace martèle au contraire que "la Commission européenne préfère se ranger du côté des lobbys de l’agrochimie plutôt que de suivre les avis scientifiques, d’appliquer le principe de précaution et d’assumer l’interdiction de ce pesticide." Partisans et détracteurs du glyphosate brandissent donc l’argument de la science pour justifier leur position.

Aujourd’hui, il n’existe pas de consensus scientifique sur la dangerosité du glyphosate. En 2015, le produit avait été classé comme "cancérogène probable" par le Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC), des résultats ensuite appuyés par l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) en 2021. Toutefois, en juillet 2023, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a décrit le glyphosate comme ne faisant pas l’objet "de préoccupation critique". C’est sur cette décision que s’est appuyée la Commission européenne pour renouveler son autorisation du produit phytosanitaire.

Xavier Reboud, chercheur en agroécologie à l’INRAE, a confié à ID que "le principe de précaution voudrait que l’on s’en passe dès lors qu’il y a un doute. Le principe de réalité souligne que l’on a construit tout notre modèle d’agriculture intensive pour proposer des denrées alimentaires à bas coût autour de la mobilisation de la mécanisation et de la chimie."

Pour la Confédération paysanne, soutenir le glyphosate "C’est ignorer la réalité qui veut que les paysan.nes sont les premières victimes des pesticides, béquilles chimiques et économiques."

Sur X, Sabine Grataloup a décrit la réautorisation du glyphosate comme "un déni de démocratie scandaleux, un mépris de la santé publique condamnable." Gérante de centre équestre, Sabine Grateloup est aussi la mère de Théo, 16 ans, né avec une grave malformation du larynx, de l’œsophage et du système respiratoire. En mars 2022, les experts du Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides ont évoqué l'existence possible d’un lien entre ces pathologies et l’exposition prénatale de Théo au glyphosate, produit que sa mère utilisait régulièrement pendant sa grossesse.

Le rôle de la France dans la décision de la commission 

La position d’Emmanuel Macron sur le glyphosate a beaucoup évolué depuis son arrivée au pouvoir. Alors qu’en 2017 il prévoyait son interdiction sur le sol français "au plus tard dans trois ans", il est revenu à de nombreuses reprises sur cette idée, déclarant même, 6 mois après sa déclaration initiale, "Peut-on dire qu'il n'y aura plus de glyphosate dans cinq ans ? C'est impossible" sur le plateau du Grand Débat. Pour autant, Stéphane Séjourné, secrétaire générale du parti Renaissance, a affirmé le 21 septembre dernier sur France Inter qu'"à ce stade", la France voterait contre l’autorisation du glyphosate pour dix ans supplémentaires. Lors du vote organisé par la Commission européenne, la France s’est finalement abstenue.

À l’annonce de la prolongation de l’autorisation de l'utilisation du pesticide, Pascal Canfin, membre du parti présidentiel Renaissance et Président de la commission Environnement du Parlement européen, a réagi sur X : "Ursula Vonderleyen passe donc en force en réautorisant le glyphosate pendant 10 ans sans aucune majorité et alors que les trois plus grandes puissances agricoles du continent (la France, l’Allemagne et l’Italie) n’ont pas soutenu cette proposition. Je le regrette profondément."

"Quel culot" lui rétorque Marie Tousaint, eurodéputée écologiste, avant d’ajouter "Le gouvernement aurait pu envoyer un signal fort en votant CONTRE le renouvellement du glyphosate. Il s'est abstenu". Un constat partagé par le reste de la gauche. Clémence Guetté, député LFI, juge par exemple la situation "très grave", et Christophe Clergeau, Député européen socialiste, dénonce "la lâcheté et l’hypocrisie de la France".

La gauche et les associations environnementales mettent également en avant le poids des lobbys de l’industrie chimique et de l’agriculture dans cette décision. "À eux les remerciements de Bayer-Monsanto et la FNSEA. À nous les cancers du sang et l’effondrement de la biodiversité." tweet Manon Aubry, député LFI.

Une responsabilité française dont se défend la majorité, Pascal Canfin ayant rapidement réagi à ces accusations : "Je lis parfois que la France serait responsable de la décision sur le glyphosate. C’est faux! La France s’est abstenue, ce qui revient à ne pas soutenir cette proposition. Le pays qui aurait pu faire pencher la balance, c’est l’Espagne, dirigée par un gouvernement socialiste et qui a voté pour!"

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