Après un été favorable pour les marchés européens et mondiaux, les incertitudes politiques françaises ont quelque peu refroidi les investisseurs. Comme lors de la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024, les sociétés réalisant une part importante de leurs profits en France (banques, autoroutes, télécoms) subissent une prime de risque accrue, car elles pourraient être mises à contribution dans l’effort budgétaire. Ainsi, les financières françaises ont perdu 10% en trois jours, et la décote de valorisation des banques hexagonales par rapport aux autres banques européennes atteint environ 25%.
La nécessité de consolidation budgétaire incite par ailleurs les économistes à réviser leurs prévisions de croissance à la baisse, même si l’impact est relativement faible à l’échelle de l’Europe. Enfin, la prime de risque sur la dette française se tend à nouveau, avec un différentiel de taux à 10 ans d’environ 80 points de base par rapport à l’Allemagne, contre 65 points de base début août (graphique 1).
Certains stratégistes estiment que ce différentiel pourrait grimper jusqu’à 100 points de base, voire plus. Pourtant, la France affiche déjà les taux longs les plus élevés de la zone euro avec l’Italie, alors même que sa signature de crédit reste jugée meilleure que celle des pays du sud (graphique 2). Il est certes probable que le rating de la France subisse encore des baisses cet automne – le bal des révisions commence le 12 septembre avec Fitch – mais le marché intègre déjà tout cela et même bien pire. Sur la base des relations actuelles entre rating et niveau des taux à long terme, le différentiel France-Allemagne devrait plutôt fluctuer autour de 60 points de base (dans l’hypothèse d’une dégradation d’un ou deux crans de son rating).
Ce nouvel épisode français se produit en fort décalage avec la nouvelle réalité obligataire européenne, celle d’une faible dispersion des taux à long terme dans la zone euro. Celle-ci n’a cessé de diminuer depuis 2023, pour atteindre aujourd’hui son plus bas niveau depuis 2008 (graphique 3). Les marchés considèrent désormais la France comme une anomalie, alors même que la gouvernance de la zone euro inspire une confiance renforcée. Dans un tel contexte de confiance dans la zone euro, un différentiel France-Allemagne de 80 points de base apparait donc comme particulièrement élevé.
La convergence – France exceptée – des taux européens depuis 2023 fait partie d’un puissant mouvement de reflation financière en Europe. Cette dynamique se nourrit aujourd’hui de l’attractivité de l’euro, rival du dollar, mais aussi de la politique budgétaire allemande, de la rentabilité et solidité des banques, de la baisse des taux courts et du redressement de la courbe des taux, de la reprise du crédit bancaire et des émissions obligataires privées. L’instabilité politique française freine un peu mais ne remet pas en cause ce processus.
Le risque principal viendrait d’une démission d’Emmanuel Macron qui fragiliserait la dimension politique de cette confiance retrouvée dans la finance européenne. Le président français s’est en effet imposé comme un des piliers de l’Europe politique. Sa démission pourrait réduire la crédibilité de l’Union, d’autant que les leaders politiques français en position de lui succéder sont souvent ambigus à l’égard du projet européen, même si personne ne remet en cause l’euro.
Dans les sondages, une majorité de Français souhaite la démission de Macron. La probabilité de ce scénario semble cependant plutôt faible à ce stade – l’Ukraine et la guerre commerciale justifiant une certaine continuité – mais elle pourrait évoluer. Hors démission de Macron, les enjeux sont plus terre à terre. Ils concernent la nature et le rythme de la consolidation budgétaire. Ce débat a son importance mais il est peu susceptible de provoquer une diffusion du stress sur la finance européenne. De plus, les économistes ont eu le temps d’intégrer le cas français dans leur prévision de croissance depuis la dissolution de juin 2024, et ces révisions ne remettent pas en cause le scénario de reprise européenne.
En définitive, la France constitue aujourd’hui une anomalie dans un paysage européen marqué par la baisse des primes de risque et la montée en puissance de la reflation financière. Sauf démission surprise d’Emmanuel Macron, ce « stress test » restera circonscrit. Mais il rappelle une évidence : les questions politiques restent au centre de la dynamique financière européenne.
Dans nos fonds diversifiés globaux, nous conservons une exposition modérée aux obligations française. Dans nos portefeuilles flexibles européens nous demeurons bien investis en actions, mais nous avons mis en place une stratégie de couverture optionnelle à faible coût (« put spread ») sur l’indice Euro Stoxx 50.
Nos taux d’exposition sont les suivants :
Contenu rédigé par Dorval AM.