Aujourd'hui, la plupart des grandes entreprises rapportent combien de tonnes de carbone elles rejettent dans l'atmosphère chaque année, mais ces déclarations sont en général peu fiables. Ce flou nourrit de généreuses stratégies de communication associables à du greenwashing, faisant passer les entreprises pour plus vertueuses qu'elles ne le sont réellement. Pour tenter d'imposer une règle universelle, les fondations IFRS, gestionnaires des normes comptables du même nom, ont lancé à la COP26 en 2021 un Conseil des normes extra-comptables internationales (ISSB), présidé par l'ancien patron de Danone Emmanuel Faber, qui a dévoilé lundi ses deux premières normes, applicables à partir de 2024.
Le but : que les investisseurs aient des données fiables pour savoir s'ils investissent dans des entreprises très exposées au risque climatique et comment leur portefeuille d'actions peut en souffrir : par exemple concernant un équipementier automobile face à la perspective d'interdiction des voitures thermiques neuves dans l'Union européenne en 2035. Les normes assureront "que ce qu'elles font en réalité est détaillé dans un langage qui est commun à toutes les entreprises", explique à l'AFP Emmanuel Faber, qui revendique l'avènement d'une comptabilité carbone.
IFRS S2
La nouvelle norme climat, baptisée IFRS S2, définit la manière dont les entreprises devront comptabiliser leurs émissions directes et indirectes, en s'appuyant sur une méthode déjà largement utilisée mais pas obligatoire, le Greenhouse Gas Protocol. La norme obligera les entreprises à faire auditer leurs chiffres carbone, et à définir au plus haut niveau une stratégie en matière de climat.
Des pays semblent bien partis pour rendre cette norme obligatoire : Japon, Royaume-Uni, Singapour, Hong Kong, Brésil, Nigeria... énumère Emmanuel Faber, qui espère que la Chine, deuxième puissance économique mondiale, l'appliquera aussi. L'Union européenne développe ses propres normes au périmètre beaucoup plus ambitieux, incluant la biodiversité ou les droits humains. Mais les normes devraient être compatibles, espère l'ISSB, qui s'attaquera à ces autres domaines ensuite.
L'ISSB ne va pas aussi loin que d'autres, comme le Royaume-Uni et l'UE, mais avoir une standardisation de base est une bonne chose, estime Kate Levick, experte du sujet au centre de réflexion E3G, car elle pourrait permettre d'éviter "le cauchemar", pour les multinationales, d'avoir à respecter autant de normes que de pays. "Tout l'objectif est de faire rendre des comptes aux entreprises", résume-t-elle.
Avec AFP.