Ces produits "sont souvent très nouveaux et offrent peu de recul sur leurs performances passées, ce qui ne facilite pas leur vente", explique à l'AFP une conseillère en gestion de patrimoine du réseau Crédit Agricole. Sur le papier, 59% des Français déclarent pourtant accorder une place importante aux impacts environnementaux et sociaux dans leurs décisions de placements, selon un sondage mené fin août 2021 par le Forum pour l'investissement responsable (FIR).
Mais, à choisir, les épargnants "veulent avant tout de la performance", tranche Véronique Guisquet-Cordoliani, secrétaire générale de la Fédération des Investisseurs Individuels et des Clubs d'investissement (F2iC), interrogée par l'AFP. Autrement dit, le placement doit avant tout être rentable et ne pas être trop risqué, ce que n'offrent pas toujours les placements les plus vertueux en matière d'environnement.
Rentabilité d'abord
Le constat est partagé par les acteurs bancaires: "Nos clients épargnants nous interrogent de plus en plus souvent sur la notion de placements responsables" mais ils ne souhaitent pas pour autant "tirer un trait sur leur objectif de recherche de rentabilité", indique une porte-parole de Société Générale. Idem chez une clientèle plus fortunée d'une des banques du groupe BPCE. "La recherche de sens, pourquoi pas, mais n'oublions pas quand même que la performance (...) est aussi importante", avance auprès de l'AFP Mathieu Breton, directeur de la BRED Banque privée.
Chez cet acteur, le fonds le plus en pointe, BRED Selection ISR (Investissement Socialement Responsable), n'a rassemblé que 69 millions d'euros depuis son lancement en septembre 2019. Celui de l'Association française d'épargne et de retraite (Afer, première association française d'épargnants), baptisé Afer Diversifié Durable, gère 650 millions d'euros - une goutte d'eau parmi ses 56 milliards d'euros d'encours au total au 31 décembre 2021.
De fait, le risque est souvent plus élevé pour les épargnants avec de tels fonds thématiques, par définition très concentrés car investis dans un même secteur d'activité. Le fonds "Actions environnement" proposé par la Banque Postale est par exemple un des plus risqués de la gamme, classé 6 sur une échelle de 7. Il affiche cependant un certain succès, avec près d'1 milliard d'euros. De tels produits ont du mal à rivaliser avec des placements affichant un rendement sur une durée plus longue et qui rassure les épargnants.
Performance "extra-financière"
De leur côté, les banques ne poussent pas toujours ces produits, leur intérêt étant parfois ailleurs. Mélanie Brisard, membre d'un club d'investisseurs mis en place sous l'égide d'Oxfam, en a fait l'expérience. Quand elle a exprimé à sa banque son intérêt pour la thématique de la durabilité, celle-ci ne lui a pas proposé un livret de développement durable et solidaire (LDDS).
Ce produit réglementé, pourtant dédié à l'économie sociale et solidaire ainsi qu'aux économies d'énergie dans les logements, "ne rapporte rien ni au client ni à la banque", analyse le contact au Crédit Agricole, qui se définit de par ses objectifs comme une commerciale autant qu'une conseillère. Le taux d'intérêt annuel du LDDS est depuis février de 1%, comme celui du livret A et pas très éloigné de nombre fonds en euros de l'assurance-vie.
Plus soucieuse de ce qu'elle appelle la "performance extra-financière", Mme Brisard a finalement choisi de confier ses économies à La Nef, une coopérative bancaire proposant un livret destiné au financement "ayant une plus-value sociale, écologique et/ou culturelle". L'épargne y est garantie et disponible à tout moment mais fructifie extrêmement peu, avec un taux brut de 0,05% jusqu'à 15.000 euros, 0,03% au-delà. Le rendement net est même négatif du fait d'une inflation qui a nettement franchi la barre des 4% en France sur un an en mars.
Contours flous
Les épargnants peuvent aussi se retrouver déboussolés parmi la kyrielle de labels attachés aux produits d'épargne: Finansol, Greenfin, labelRelance, label ISR... "Il faudrait une grille de lecture simple et unique", avance Mme Guisquet-Cordoliani. Et dans le même temps, "peu de produits d'épargne sont réellement à même de satisfaire les recommandations scientifiques en matière de transition écologique", tance auprès de l'AFP la présidente de l'association Reclaim Finance Lucie Pinson, étude à l'appui.
Pourtant, rappelle Lucie Pinson, les grandes banques françaises ont pris des engagements: BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole SA, BPCE, Crédit Mutuel ou encore la Banque Postale se sont engagées à revoir leurs portefeuilles avec un objectif de neutralité carbone "d'ici à 2050 ou plus tôt".
Formation capitale
Pour convaincre les épargnants, encore faut-il former les conseillers. Les banques assurent toutefois que leurs forces de vente sont bien armées. Société Générale affirme que "l'ensemble des conseillers ont été formés" via des modules e-learning, c'est-à-dire à distance. La sensibilisation à l'épargne climat "est déjà présente dans les formations des conseillers", précise-t-on au Crédit Agricole, qui prévoit le déploiement d'un "programme spécial pour leur permettre de transmettre les notions importantes dans ce domaine d'épargne, à leurs clients (réglementation, vocabulaire, etc.)"
Les formations proposées "sont plutôt bien faites", reconnaît la conseillère jointe par l'AFP, qui regrette cependant "de n'avoir jamais assez de temps pour être complètement au fait d'un marché qui évolue très vite". L'apprentissage continu "est un élément central pour des produits de plus en plus techniques", confirme Adrienne Horel-Pagès, directrice de l'engagement citoyen et membre du comité exécutif de la Banque Postale, précisant que tous les conseillers patrimoniaux de la Banque Postale ont dans leur cursus une journée de formation centrée sur l'ISR.
Avec AFP.