Frédérick Mathis, fondateur des écoles Etre.
© Sophie Palmier
Inspirations

Frédérick Mathis : "On minimise aujourd’hui le pouvoir et la magie de fabriquer des choses"

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Depuis 2017, les écoles Être s’attèlent à former les jeunes décrocheurs aux métiers manuels de la transition écologique. Avec 26 établissements répartis aux quatre coins du territoire, le réseau ambitionne d'ouvrir 60 nouvelles antennes d’ici 2028 mais aussi de tisser sa toile en Europe. Interview avec son fondateur Frédérick Mathis, qui a publié en août dernier "J’ai rêvé d’une école", ouvrage dans lequel il retrace son parcours placé sous le signe du "faire". 

"Associer transition écologique et insertion professionnelle", c’est le défi que tentent de relever les écoles de la Transition écologique (Être). Créé en 2017 par Frédérick Mathis, ancien directeur de l’association d’éducation et de formation aux métiers de la transition écologique (3PA), ce réseau propose des formations gratuites, pratiques et manuelles, pour les jeunes de 16 à 25 ans en situation de décrochage scolaire, ou éloignés de l’emploi, pendant une semaine à un an.  

Leur particularité est d’être axé autour des métiers verts et verdissants, amenés à recruter ces prochaines années. D’ici trente ans, près d’un million d’emplois doivent être créés dans la transition écologique. "Dans le même temps, 100 000 jeunes sortent du système scolaire sans diplôme chaque année, en France", relève Frédérick Mathis qui ambitionne avec ses écoles de reconnecter ce public "aux enjeux écologiques et à leur potentiel". Entretien. 

Comment est née l’idée de l'ADN des écoles Être ? 

A 9 ans, j’étais scolarisé dans une école alternative, à Toulouse (Haute-Garonne). Et cela m’a donné envie d’en créer une à mon tour. Je me souviens avoir fait cette promesse à un ami dans la cour de récréation. En 2004, ce rêve d’enfant a refait surface alors que je travaillais dans une Maison d’enfants à caractère social, à Toulouse.

Les thématiques liées au développement durable émergeaient dans le débat médiatique mais les jeunes que j’accompagnais ne se sentaient pas concernés par ces sujets."  

Pour rendre ces problématiques plus concrètes et accessibles, j’ai alors eu l’idée de les emmener à la campagne afin qu’ils puissent mettre la main dans la terre lors de sessions d’une semaine à dix jours. On faisait du maraîchage mais aussi de la charpente. On fabriquait des panneaux solaires ou encore des toilettes sèches. Les retours ont été très positifs. Certains jeunes ont souhaité par la suite s’orienter vers ce type de métiers mais ils regrettaient de trouver uniquement des formations axées sur la théorie. Je me suis alors mis en tête de créer une école qui repose davantage sur l’apprentissage par l’action. Ce travail a abouti au bout de dix ans, avec l'ouverture de la première école Être en 2017. 

A quels métiers sont-ils formés ? 

Notre approche est de revaloriser les métiers du faire, notamment dans le domaine de la transition écologique. Cela va de la réparation de vélos, en passant par la maintenance des panneaux solaires photovoltaïques, à l’agroforesterie ou encore le maraîchage bio.

A travers ces métiers, les jeunes deviennent des constructeurs, voire des prescripteurs de la transition écologique."

On minimise aujourd’hui le pouvoir et la magie de fabriquer des choses. Mais pour des jeunes qui souffrent d’un déficit de confiance, le fait de fabriquer quelque chose de concret est assez puissant. Cela se traduit dans les taux d’insertion sur le marché de l’emploi. En 2023, nous avons formé 800 jeunes au sein de notre réseau qui compte aujourd’hui 26 écoles. 76 % d’entre eux ont réussi à trouver un stage, une formation ou un emploi.  

Malgré ces bons résultats, avez-vous identifié des freins particuliers pour accélérer sur le défi de l’insertion professionnelle ? 

Même si ce sujet gagne en notoriété, il y a aujourd’hui un déficit de formation des professionnels de l’orientation sur les métiers manuels de la transition écologique, encore trop souvent considérés comme des voies de garage. Il y a une forme d’urgence à changer les regards sur ces filières. 

Le second défi est de former des formateurs et des formatrices à tous ces métiers, afin d’anticiper les besoins et pallier le manque de main d’oeuvre.