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Analyses

Quand le traité de libre-échange entre l'UE et le Mercosur déchaîne les passions

L'Union Européenne et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay) ont annoncé vendredi s'être entendus sur un vaste traité de libre-échange, touchant près de 770 millions de consommateurs, qu'ils négociaient depuis 20 ans. Cette annonce a suscité de vives critiques auprès des agriculteurs, des ONG et des personnalités politiques. 

Ce vaste traité de libre-échange, touchant près de 770 millions de consommateurs, permettra notamment d'éliminer de nombreux droits de douane entre les deux parties au niveau industriel et agricole. 

Le traité conclu vendredi 28 juin, après plus de 20 ans de négociations, inquiète les agriculteurs (en particulier les producteurs de viande qui se trouvent placés selon eux devant une concurrence déloyale) et les ONG spécialisées sur les questions environnementales. 

"Le libre-échange est à l'origine de toutes les problématiques écologiques"

Parmi les réactions les plus virulentes, Nicolas Hulot a jugé cet accord "antinomique" avec la lutte contre le dérèglement climatique. L’ancien ministre de la Transition écologique estime que "le libre-échange est à l'origine de toutes les problématiques écologiques". "

Il est fini le temps où j'arrondis les angles, terminé, j'en ai ras le bol. La mondialisation, les traités de libre-échange sont la cause de toute la crise que nous vivons. Nicolas Hulot.

Parmi ses principales sources de préoccupation, figure les relations avec le Brésil, pays dans lequel l'expansion des activités agricoles se fait au prix d'une déforestation massive et provoque de plus en plus de conflits avec les communautés traditionnelles, particulièrement depuis l’investiture de Jair Bolsonaro. "Je ne vois pas comment on peut, sur un enjeu universel, signer un accord avec un pays qui bafoue, à ce point, ces objectifs", pointe M. Hulot, dénonçant une forme d'"incohérence".

Yannick Jadot a également exprimé son indignation auprès de l’AFP : "Vous allez avoir 100 000 tonnes de boeuf brésilien qui va arriver, élevé dans des conditions dégueulasses, c'est des scandales sanitaires tous les jours", a-t-il affirmé, ajoutant : "c'est ça qu'on réserve à nos agriculteurs ?" Il dénonce particulièrement la "duplicité" d’un gouvernement qui ne tiendrait pas ses promesses de campagne et dénonce le fait qu’Emmanuel Macron "pactise" selon lui avec un chef d’État brésilien qui "veut massacrer l'Amazonie", qui "a réautorisé 239 pesticides interdits" et qui "veut livrer son pays à l'agrobusiness".

Les critiques fusent parmi l’opposition et la majorité

Le vote des eurodéputés En Marche en faveur de cet accord "n'est pas acquis", a averti lundi sur RTL Pascal Canfin, numéro deux sur la liste Renaissance aux élections européennes. Il a prévenu que la position serait prise après l'examen de l'impact de ce texte, signé vendredi entre l'UE et quatre pays (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay), sur les filières agricoles et sur l'environnement, en particulier la déforestation. Toujours dans les rangs de la majorité, Jean-Baptiste Moreau, député LREM agriculteur de profession, dit dans Le Monde "contest(er) le fait d'importer les produits issus d'une agriculture parmi les plus nocives au monde, avec celle des Etats-Unis" : le Brésil de Jair Bolsonaro "a réautorisé chez lui plus de 250 substances interdites en Europe, car excessivement dangereuses".

"Mort de notre agriculture", "mise au rebut de l'Accord de Paris sur le Climat"... La délégation de La France Insoumise a appelé à "arrêter la prolifération des accords de libre-échange et stopper cette mondialisation aveugle qui conduit la planète toute entière vers des catastrophes écologiques, climatiques, sociales et économiques". Matthieu Orphelin, ex-"marcheur" proche de Nicolas Hulot, a estimé dans un communiqué que cette signature révélait "un dysfonctionnement grave dans la politique commerciale de l'UE, en déphasage total avec les enjeux climatiques, agricoles et sociaux". De son côté, le porte-parole du Rassemblement national Sébastien Chenu a de son côté vu dans cet accord "l'accord de la honte", qui "va sacrifier l'agriculture française".

"Le libre-échange, ce sont aussi des opportunités"

Voici les mots prononcés par Sibeth Ndiay, porte-parole du gouvernement. Selon elle, "ce qui est important, c'est de connaître dans le détail le contenu" de ce traité de libre-échange entre l'Union européenne et les pays du Mercosur, en particulier pour les "filières fragiles" comme le sucre en outre-mer ou le boeuf. "Nous avons nous un certain nombre d'exigences, en terme environnemental, sanitaire", a poursuivi la porte-parole, citant "l'exigence que le Brésil en particulier reste dans l'accord de Paris" sur le climat. "Il est normal que les députés européens (...) soient vigilants, exigeants vis-à-vis de cet accord, car il va entraîner de profonds changements pour notre agriculture", a-t-elle ajouté. Emmanuel Macron a lui salué un "bon" accord, tout en se disant "vigilant" sur sa mise en oeuvre.

Avec AFP

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