Ces institutions financières ont certes convenu d'augmenter leurs contributions pour financer le passage aux énergies renouvelables et l'anticipation des dégâts des catastrophes climatiques dans les pays moins privilégiés. Mais six mois après la COP29 de Bakou, l'inquiétude grandit, dans le sillage des coupes drastiques de l'administration Trump dans l'aide internationale américaine, qui ont mis sous pression la Banque mondiale et le FMI, basées aux Etats-Unis.
Selon les estimations, les pays en développement, hors Chine, auront besoin de 1.300 milliards de dollars par an d'ici 2035 pour la transition écologique et l'adaptation au réchauffement climatique.
Mais les fonds promis sont loin du compte.
À la COP29, les pays riches ont accepté de porter leur soutien à 300 milliards de dollars par an d'ici 2035, s'attirant un flot de critiques sur ce montant jugé insuffisant au vu de leur responsabilité historique dans la crise climatique.
Pour combler le fossé, l'Azerbaïdjan et le Brésil, qui accueillera la COP30 en fin d'année, s'activent, via notamment un appel à contributions auprès des banques multilatérales de développement. Mais pour l'heure, seules la Banque africaine de développement (BAD) et son homologue interaméricaine BDI ont signé, a déclaré le président de la COP29.
"Nous appelons les actionnaires de ces banques à agir d'urgence", a lancé M. Babaïev lors d'un sommet au siège de l'ONU Climat à Bonn, à mi-chemin entre les COP. `
Il dit craindre que le "contexte géopolitique complexe et instable" ne "détourne l'attention" des acteurs censés combler le trou financier. Lors des réunions de printemps du FMI et de la Banque mondiale à Washington en avril, son équipe a trouvé leurs interlocuteurs "désormais très réticents à évoquer le climat" contrairement à l'année précédente, selon Ialtchine Rafiev, négociateur climatique en chef de l'Azerbaïdjan.
Il s'agit d'une "tendance préoccupante" pour ces institutions censées jouer le rôle de levier pour d'autres sources de financement, a-t-il estimé. La Banque mondiale consacre 45 % de ses prêts à la lutte contre le changement climatique et à l'adaptation, dans le cadre d'un plan prévu jusqu'en juin 2026.
Mais les États-Unis, principal actionnaire de la Banque mondiale, ont envoyé un tout autre signal: le secrétaire américain au Trésor, Scott Bessent, a encouragé celle-ci en avril à se concentrer sur des technologies "fiables", plutôt que sur des "objectifs de financement climatique faussés", manière d'ouvrir la voie à d'éventuels investissements dans le gaz et d'autres énergies fossiles.
Désengagement
La finance climatique est aujourd'hui le point de tension majeur des négociations climatiques à l'ONU. Tenus de payer, les pays développés n'ont cessé de manquer les échéances pour remplir leurs engagements, par ailleurs jugés très insufisants par les pays bénéficiaires et la société civile. La dispute a de nouveau enflammé les esprits à Bonn, où les délégations se sont divisées sur la question d'intégrer ou non le sujet à l'ordre du jour. La controverse est d'autant plus vive que plusieurs pays européens ont aussi réduit leur aide au développement, alimentant les craintes de coupes dans l'aide climatique.
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Lors de la COP29, les banques multilatérales de développement avaient estimé pouvoir fournir ensemble 120 milliards de dollars par an aux pays à faible et moyen revenu pour le financement climatique, et mobiliser 65 milliards supplémentaires dans le privé d'ici 2030.
Même si ces banques "font face à des vents contraires sur le plan politique, elles se desserviraient elles-mêmes - ainsi que leurs partenaires - si elles se retiraient du dossier climatique", avertit Rob Moore, du groupe de réflexion E3G. La Banque mondiale, en particulier, "a fait un travail considérable" pour aligner ses prêts sur les objectifs climatiques mondiaux. "Si elle choisissait de se désengager, elle en pâtirait directement, et d'autres, notamment les banques régionales de développement, prendraient probablement un rôle accru dans la structuration de l'économie de demain", a-t-il conclu. Jointe par l'AFP, la Banque mondiale n'a pas souhaité réagir.
Avec AFP.