Steve Smith, gérant actions européennes chez Invesco.
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Tribune

Les matières premières durables, un élément essentiel de la transition vers une économie bas carbone

Pour réussir le défi de la transition, des changements fondamentaux sont nécessaires, à commencer par une transition énergétique en faveur des énergies renouvelables, ou encore la mise en place d’une économie circulaire et de chaînes alimentaires durables. Mais qu’en est-il des matières premières ? Peuvent-elles, elles aussi, devenir plus durables et jouer un rôle dans la transition vers une économie faible en carbone ?

Pourquoi la transition des matières premières est essentielle pour atteindre le Net Zero

On le sait, la fabrication de biens émet d'importantes quantités de CO2. Une grande partie de ces émissions est liée à la consommation d'énergie, qui dépend encore largement des combustibles fossiles, même si les entreprises industrielles se tournent de plus en plus vers les énergies renouvelables. Cependant, elles rejettent également des émissions lorsqu'elles utilisent charbon, pétrole et gaz directement dans leur processus de production.

Il s’agit là de l’un des plus gros défis de la transition. En effet, nous ne savons pas créer de produits chimiques à partir du vent, ni de l'asphalte à partir de l'énergie solaire. Cependant, nous devons trouver des alternatives propres à ces usages non énergétiques. Les initiatives d'économie circulaire, telles que la transformation des déchets en pétrole, y contribueront, mais il est important d’innover et de trouver des matières premières vierges et durables.

La solution réside donc dans l'innovation et l'investissement, qui seuls, permettront de lever les barrières technologiques et d'accroître la disponibilité des matières premières durables. Jusqu'à présent, les investissements dans le secteur ont été limités par le faible niveau de rendement offert, en raison des coûts élevés et de l'absence de certitude quant à leur rentabilité. Toutefois, des changements notables sont intervenus récemment, ce qui devrait stimuler ces investissements.

Des matières premières plus vertes, une nécessité

L'accent mis par les régulateurs et les investisseurs sur l'utilisation par les entreprises de matières premières plus écologiques dans leurs processus de production donne aujourd’hui aux fabricants de matières premières la confiance nécessaire pour investir dans le secteur, ce qui se traduit par des prix plus élevés pour les alternatives aux combustibles fossiles.

En outre, l’augmentation des prix des combustibles fossiles a précédemment encouragé les consommateurs à se tourner vers des alternatives plus durables, ce qui a encore renforcé la demande sous-jacente.

Surtout, les régulateurs et gouvernements encouragent désormais la croissance du secteur par le biais de co-investissements directs et de politiques favorisant les solutions sans CO2. Même si les investisseurs ont mis un certain temps à réagir aux nouvelles réglementations, nombre d'entre eux reconnaissent le rôle clé des industries à forte intensité carbone dans la transition, une indication supplémentaire de la direction que doit notamment prendre la réglementation ESG. Nous sommes en effet convaincus que passer de l'exclusion à la transition favorisera l'engagement avec les entreprises les plus polluantes et les incitera à changer. Une méthode plus efficace, à notre sens, que de les ignorer.

Des matières premières durables pour une chaîne d'approvisionnement plus verte

Dès lors, pour mener à bien la transition, les entreprises se doivent, comme l’indique le rapport de la Plateforme internationale sur la finance durable, de décarboner leurs activités ou de les réorienter lorsque la décarbonation n'est pas possible. Et cela passe par le fait d'investir dans des matières premières plus vertes. A ce titre, l'aluminium vert, les produits biochimiques ou le ciment vert sont autant de solutions potentielles qui pourraient contribuer à verdir les chaînes d'approvisionnement.

Et plus vite nous pourrons décarboner les industries lourdes, mieux ce sera, car cela génèrera un effet d'entraînement positif. En effet, l'utilisation de matières premières plus propres permet de décarboner les produits en aval. Un bel exemple est celui d’Arcelor Mittal qui a développé des capacités de production dans le secteur de l’acier vert, secteur qui pourrait permettre à des entreprises comme Volvo Trucks de fabriquer des camions électriques sans énergies fossiles. On pourrait par la suite imaginer des acteurs logistiques comme Deutsche Post être à leur tour soutenus dans leurs efforts de décarbonation. Un véritable effet en cascade qui dépend donc de la création d'acier vert.

Un autre exemple intéressant est celui de Yara, leader mondial de l'ammoniac vert, un produit qui peut être fabriqué à partir d'hydrogène vert et utilisé pour produire des engrais plus durables. Ceuxci auront une empreinte carbone de 80 à 90 % inférieure à celle des engrais produits à partir du gaz naturel. En outre, l'ammoniac n'émet pas de CO2 lorsqu'il est brûlé, ce qui permettrait de l'utiliser comme combustible de nouvelle génération dans de nombreux domaines.

Un bel avenir pour les matières premières durables…

Selon nous, investir dans les matières premières durables signifie investir dans des chaînes d'approvisionnement plus propres et, par conséquent, dans une transition vers un avenir plus neutre en carbone.

Ainsi, et même si l'Europe industrielle a précédemment souffert sur le plan énergétique, nous sommes convaincus que les futurs investissements dans les matières premières vertes et les chaînes d'approvisionnement amélioreront considérablement la position concurrentielle des entreprises européennes sur la scène mondiale. Finalement, la récente crise énergétique européenne, loin de sonner le glas de son industrie, serait-elle susceptible d'en assurer sa pérennité ?

Par Steve Smith, gérant actions européennes chez Invesco.