Le 28 octobre 2024, s’est tenu le premier atelier du groupe de travail "Ma trajectoire Climat boostée par mon épargne", co-fondé par LBP AM et dont l’objectif est d’élaborer "des solutions concrètes pour aider les épargnants à aligner leurs choix financiers avec leurs engagements climatiques". Ce groupe vise en particulier à formuler des préconisations concernant les outils actuellement disponibles pour mesurer l’empreinte carbone de l’argent, afin de permettre aux conseillers financiers d’aider leurs clients à améliorer leur trajectoire climat personnelle grâce à leur épargne.
Dans le cadre de cet atelier inaugural, les participants ont discuté de l'identification des outils de mesure de l’empreinte carbone existants, tant pour la dimension personnelle (vie quotidienne) que pour la gestion financière (emprunts et placements). Les échanges ont été enrichis par les contributions de Florian de Bon, Vice-Président Innovation & Public Affairs chez Helios.do, une banque spécialisée dans le financement de projets alignés avec la transition écologique et qui propose également un simulateur pour calculer l’empreinte carbone de l’argent placé en banque, et Maxine Sabater, Responsable pour l'ADEME du déploiement d'Impact CO2, une boîte à outils gratuite destinée à sensibiliser les professionnels sur l’impact carbone.
Dans cet échange, Maxine Sabater revient en particulier sur les outils développés par l’ADEME et sur les enjeux et défis méthodologiques liés à l’intégration d’une dimension "argent" dans le calcul de l’empreinte carbone personnelle.
Pourquoi participer au groupe de travail "Ma trajectoire Climat boostée par mon épargne" ?
L’ambition de ce groupe de travail est très importante. L’environnement est une préoccupation croissante pour nombre de citoyennes et citoyens. Pour limiter les émissions de GES, les éco-gestes sont une réponse nécessaire, mais pas suffisante. Le monde économique et financier joue à ce titre un rôle crucial dans la transition écologique : d’une part en finançant les activités bas carbone et les entreprises en transition, d’autres part en cessant de financer celles qui ne le sont pas et qui poursuivent des activités climaticides.
Selon l’Institut d’Économie pour le Climat, il faudrait augmenter de 30 milliards d’euros par an le niveau d’investissement pour le climat en France d’ici à 2030 pour garder le cap de la neutralité carbone. Aujourd’hui, l’épargne privée des Français est estimée à 6 000 milliards d’euros : ce levier constitue donc une manne considérable pour engager des investissements qui permettront une réduction effective des émissions à l’échelle planétaire. C’est tout l’enjeu de ce groupe de travail : mettre en lumière les données existantes sur le sujet, identifier les lacunes et s’entourer d’experts de la finance durable pour y pallier, et à terme outiller les conseillers financiers pour optimiser l’épargne de leurs clients conformément aux engagements climatiques.
Aujourd’hui, l’épargne privée des Français est estimée à 6 000 milliards d’euros : ce levier constitue donc une manne considérable pour engager des investissements qui permettront une réduction effective des émissions à l’échelle planétaire."
Est-il possible aujourd’hui de calculer l’empreinte carbone de son épargne ?
Aujourd’hui, quand on pense à l’empreinte carbone, on fait référence à l’empreinte "directe" issue de notre consommation (transport, logement, alimentation, etc.). C’est la méthodologie guidant le test de Nos Gestes Climat, le simulateur de référence développé par l’ADEME. Mais il existe une autre approche pour calculer l’empreinte carbone : celle basée sur notre compte en banque, et plus particulièrement sur notre épargne, dont une partie est utilisée pour financer des projets fossiles polluants en France comme à l’international.
En raisonnant en termes d’ "intensité carbone", c’est-à-dire en termes d’émissions générées par chaque euro injecté par une banque dans l’économie, Oxfam France a développé un calculateur pour estimer l’empreinte carbone de nos comptes bancaires dans six groupes français. C’est un outil très éclairant pour sensibiliser et rappeler combien notre argent représente un poste important d’émissions de CO2, bien qu’il ne faille pas y attacher la même valeur qu’aux émissions associées à des aspects de l’économie réelle.
Justement, quels sont les principaux défis liés à l'intégration de cette dimension dans le calcul plus général de l’empreinte carbone d’un individu ?
Je dirais que le principal défi est méthodologique : si l’on additionne notre empreinte carbone directe (approche Nos Gestes Climat) à celle issue de l’épargne disponible sur notre compte en banque (approche Oxfam), cela crée un "double compte". En effet, notre épargne finance logiquement ces activités réelles de consommation : comptabiliser les deux flux créerait donc une redondance, démultipliée si l’on entre dans une logique de filiales.
Si la dimension relative au compte bancaire n’est pas intégrée dans le modèle de calcul de Nos Gestes Climat, pour les raisons susmentionnées, on retrouve néanmoins une carte action "Bien placer son argent" à l’issue du test. Pour "décarboner" son argent, il est ainsi proposé de choisir une banque éthique pour son compte-courant et/ou son livret d’épargne, de devenir sociétaire pour une coopérative engagée, ou encore d’investir dans des projets de transition écologique (énergies renouvelables, préservation des terres agricoles, entreprises à impact positif, etc.), la dernière option pouvant toutefois comporter des risques.
Enfin, certaines éco-banques s’attachent à attribuer un "score carbone" à chaque ligne de dépense relevée sur un compte-courant. Cette démarche est intéressante pour proposer des ordres de grandeur derrière chaque euro dépensé, même s’il est aujourd’hui difficile d’avoir une vue exhaustive sur ce qui se cache derrière un ticket de caisse dans un supermarché ou une agence de voyage par exemple. Et si l’on s’intéresse moins au produit acheté qu’à l’entreprise émettrice de ce produit, alors sur quoi se baser : les émissions des activités de l’entreprise à l’échelle nationale, mondiale ? L’empreinte carbone de ses dirigeants, actionnaires, salariés ?
Les données des entreprises se révèlent souvent parcellaires et sujettes à caution, au même titre qu’elles dépendent des fluctuations du marché. En outre, la comptabilité carbone est par construction "backward looking", puisque l’institution financière doit attendre que l’entreprise publie ses chiffres pour calculer son empreinte carbone. Tout autant de barrières pour mêler efficacement les données financières aux données d’empreinte carbone individuelle !
Que retenez-vous d’autre de ce premier atelier ?
De cette première rencontre je retiens qu’il est utile et nécessaire de rassembler autour d’une même table différents acteurs (bancaires, institutionnels, médiatiques). Qu’ils soient "traditionnels", comme La Banque Postale, l’ADEME et L’Agefi, ou plus jeunes, comme ID, L’Info Durable et Helios. Cela a permis à chacun de partager ses idées et les travaux en cours dans son secteur. Il y a une multitude d’énigmes à résoudre, notamment d’un point de vue méthodologique, afin de construire un outil capable d’attribuer un impact précis aux produits financiers.
En effet, depuis 2022, une nouvelle réglementation oblige les conseillers bancaires à tenir compte des préférences des épargnants en matière de durabilité pour leur proposer des produits adaptés. C’est une étape importante pour rediriger les flux vers des solutions de placement et d’investissement moins carbonées, à l’heure où moins de 10 % des activités européennes sont considérées comme "vertes" aujourd’hui. Il est donc essentiel d’oeuvrer collectivement à une économie plus écologique, capable de lutter efficacement contre le réchauffement climatique, et notre groupe de travail est une façon parmi d’autres d’apporter notre pierre à l’édifice !
Retrouvez l’interview complète sur le site du Think Tank "2030, Investir Demain".