La transition énergétique fera perdre 13 milliards d'euros aux recettes de l'Etat d'ici à 2030.
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Finance durable

A cinq mois de la COP28, le déclin des énergies fossiles suspendu aux blocages financiers Nord-Sud

La nécessité d'accélérer la réduction des énergies fossiles s'est imposée dans les débats préalables à la COP28 de Dubaï en décembre, mais pas encore au cœur des négociations, compte-tenu de l'opposition de certains pays émergents, dont la Chine, qui réclament d'abord des efforts financiers des pays riches.

La question a empoisonné la conférence que les représentants de 200 pays ont conclue jeudi à Bonn, siège de l'ONU Climat, après dix jours de travaux sur les défis du changement climatique: transition énergétique équitable, aide à l'adaptation, mise en place d'un fonds pour financer les "pertes et dommages" des plus pauvres, etc.

Ces discussions, qui n'ont produit que des avancées techniques, sont cruciales pour espérer des décisions à la COP28 susceptibles de remettre l'humanité sur la trajectoire la plus ambitieuse de l'accord de Paris: limiter le réchauffement à 1,5°C depuis l'ère pré-industrielle. Le rythme actuel des émissions emmène la Terre vers +2,8°C d'ici 2100.

"Le changement climatique n'est pas une problématique +Nord contre Sud+, c'est un raz-de-marée qui ne fait aucune distinction" et "la seule façon d'éviter d'être engloutis est d'investir dans l'action climatique", a mis en garde le secrétaire exécutif de l'ONU Climat, Simon Stiell, lors de la clôture.

Dans son viseur, le long bras de fer qui a opposé l'Union européenne et le groupe des LMDC (une vingtaine de pays émergents, dont la Chine, l'Inde et l'Arabie Saoudite), au point de menacer la validité des travaux.

L'UE, soutenue par des Etats insulaires ou d'Amérique latine, voulait renforcer les discussions sur la réduction des gaz à effet de serre. Mais elle s'est vu réclamer en retour des négociations supplémentaires sur l'aide financière que les pays riches, principaux responsables historiques du réchauffement, doivent aux pays pauvres. Sans avoir respecté jusqu'ici leurs promesses.

Chaque pays a le droit de suivre ses propres voies de développement et de transition.

"La réticence des pays développés à s'engager réellement" sur les financements a été dénoncée par l'ambassadeur cubain, qui s'exprimait au nom du groupe G77+Chine (en fait 134 pays en développement, plus de 80% de la population mondiale).

"Chaque pays a le droit de suivre ses propres voies de développement et de transition", a-t-il encore rappelé dans sa déclaration finale, soutenue par la plupart des pays du Sud, qui ont perdu confiance dans les pays développés.

Sommet de Paris

"Nous respectons nos engagements en matière de financement climatique", a déclaré l'Union européenne, rappelant la nécessité de diversifier les sources d'argent alors que l'essentiel de la finance climat privée échappe aux pays en développement.

La question sera, les 22 et 23 juin, au cœur du sommet de Paris pour un Nouveau pacte financier mondial. Et encore sur le devant de la scène en septembre, au sommet sur l'action climatique organisé à New York par le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, qui a dénoncé jeudi les énergies fossiles "incompatibles" avec la survie de l'humanité.

Les yeux sont surtout tournés vers le président de la COP28, le très scruté patron de la compagnie pétrolière des Émirats arabes unis, Sultan al-Jaber, venu à Bonn les 8 et 9 juin. Accueilli sous pression des militants écologistes, il s'est contenté de rencontrer les délégations, sans tenir de conférence de presse.

"Il est temps pour lui de passer du mode écoute au mode action", estime Alden Meyer, vétéran des COP au centre de réflexion E3G, regrettant une "opportunité raté" de le faire à Bonn. Dans un basculement de langage symbolique, Sultan al-Jaber a toutefois reconnu lors d'une réception que la réduction des énergies fossiles était "inévitable".

Mais les observateurs attendent encore une feuille de route concrète en vue de la COP Dubaï, qui se tiendra dans le sillage du tout premier bilan mondial, en septembre, des progrès accomplis par les nations pour réduire leur émissions depuis 2015. "L'écart entre les résultats politiques de Bonn et la dure réalité climatique semble déjà absurde", souligne Li Shuo, expert de Greenpeace, qui y voit le "prélude aux turbulences politiques de la COP28".

A Dubaï, pour la première fois, les participants devront déclarer leurs éventuels liens ("affiliations") avec des entreprises, une victoire pour la société civile qui réclamait cette mesure contre l'influence masquée des industries fossiles.

Avec AFP.