Le site de stockage Greensand, au Danemark, devrait pouvoir stocker 8 millions de tonnes de CO2 par an en 2030.
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Stockage carbone : une technologie d'avenir ?

Stocker le CO2 sous nos pieds, une idée révolutionnaire ? Ou une impasse technique ? Décryptage d'une technologie de plus en plus prisée par les grandes entreprises.

Technologie longtemps boudée pour son coût et son manque de perfectionnement, la capture et le stockage du carbone (abrégés CCUS ou CCS, pour Carbon Capture and Storage) sont aujourd’hui plébiscités par de nombreux pays européens. Le 8 mars, le projet Greensand, au Danemark, est devenu le premier site de stockage de CO2 importé de l’étranger en fonctionnement dans le monde. L’ambition est d’atteindre un stockage de 8 millions de tonnes de CO2 par an en 2030, selon les promoteurs de Greensand.

Alors que l’Europe s’est fixé un objectif de neutralité carbone d’ici à 2050, le CCS semble être une solution prometteuse pour remplir ces engagements. Pour l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) et les scientifiques du Giec, la capture et le stockage sont même indispensables pour contenir le réchauffement climatique sous la barre des 1,5 °C.

Dynamisme européen

Le CCS permet de capter le CO2 émis par les entreprises pour éviter qu’il ne s’échappe dans l’atmosphère, et qu’il ne contribue à l’effet de serre. À l’aide de solvants, le carbone est séparé de la fumée des usines, puis liquéfié, afin d’être transporté. Il est ensuite stocké à l’intérieur de la couche terrestre, souvent dans d’anciens gisements d’hydrocarbures, où la géologie l'immobilise, et à terme, le minéralise. À au moins 800 mètres en dessous du sol, ce CO2 est piégé à jamais, et ne risque pas d’être source de réchauffement.

Selon Florence Delprat-Jannaud, de l’IFP Énergies Nouvelles dans un article pour The Conversation, "il faudrait capter et stocker 50, voire 100 fois plus [de CO2] d’ici 2035 pour répondre aux objectifs de neutralité carbone". De quoi dynamiser les pays signataires des accords de Paris pour remplir leurs engagements.

Le cercle de réflexion Global CCS Institute affirme que le nombre de projets de captage et stockage de CO2 dans le monde a augmenté de 44 % uniquement sur l’année dernière, soit près de 200 initiatives plus ou moins avancées, qui devraient à terme éviter l’émission de 244 millions de tonnes de CO2 par an.

L’Europe est à la pointe de cette technologie, pouvant accueillir 300 milliards de tonnes de CO2 dans ses sous-sols, soit 100 ans d’émissions, toujours selon la chercheuse de l’IFPEN. Plusieurs de ces réservoirs souterrains se trouvent en mer du Nord. Les projets de CCS sont portés par les pays côtiers, Danemark, Norvège et France en tête. Le Danemark se targue même d’avoir "un potentiel de stockage bien plus important que nos propres émissions. Nous sommes en mesure de stocker également le carbone provenant d’autres pays", selon le ministre du Climat, Lars Aagaard au micro de l’AFP. Northern Light, projet le plus ambitieux, devrait être effectif en 2024. Il vise à établir une collaboration durable en mer du Nord entre la Norvège et les entreprises européennes. Le hub norvégien devrait recevoir le CO2 capté par les usines à travers l'Europe, pour l’acheminer et le stocker dans des réservoirs d’hydrocarbures vides au large de la mer du Nord.

Une solution miracle ?

Mais ce dynamisme rencontre plusieurs critiques. Son coût, déjà. Florence Delprat-Jannaud parle de "pénalité énergétique" lors du captage. Sa mise en œuvre oscille entre 10 et 100 euros par tonne de CO2 évitée. Le collectif Réseau Action Climat pointe "une technologie très coûteuse et consommatrice d’énergie, compatible avec seulement quelques sites industriels". Politiques comme investisseurs peuvent alors hésiter avant de dépenser massivement dans un procédé encore très récent.

Surtout, le CCS est pointé du doigt par son mode de financement. Ce sont les grands groupes énergétiques qui sont à l’œuvre. Northern Lights est par exemple mené par Shell, Total, et Equinor. Pour Réseau Action Climat, ces initiatives permettent avant tout aux industriels des énergies fossiles de ne pas chercher à modifier leurs productions, en préférant le stockage. "Le CCS […] ne répond pas à l’enjeu de réduire les émissions, il permet aux industriels de contourner la question. Il doit être considéré comme un complément aux efforts de réduction des émissions, et non comme une alternative". Si la capture et le stockage de carbone n’est pas une solution miracle, cette technologie semble bel et bien permettre un verdissement de l’industrie, à condition de faire partie d’un mouvement plus large de décarbonation.

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